La révolte des travailleurs se propage et exige des protections contre le coronavirus

Des grèves et des manifestations continuent à éclater à l'échelle internationale, alors que des pans entiers de la classe ouvrière sont entraînés dans la lutte pour des ressources adéquates dans la lutte contre la pandémie de coronavirus et des protections individuelles contre la maladie.

Le nombre total de cas de COVID-19 a approché 1,5 million mardi soir, avec plus de 80.000 décès. Aux États-Unis, le nombre de cas officiellement déclaré représente plus du quart de ce nombre, soit environ 400.000, avec de nouvelles infections en train de se multiplier dans plusieurs régions métropolitaines, dont New York et Detroit.

Les médecins, les infirmières, les équipes de techniciens des urgences et les autres membres du personnel de santé sont confrontés à des conditions horribles, essayant désespérément de sauver autant de vies que possible, alors qu'ils sont eux-mêmes privés d'équipements de protection adéquats, de ressources médicales nécessaires ou, dans certains cas, même d'un congé de maladie payé.

Des médecins détenus dans le Baloutchistan, au Pakistan, à la suite d'une manifestation contre le manque d'équipement (Source: Pakistan Young Doctors Association)

Alors que le gouvernement Trump travaille avec les démocrates du Congrès pour renflouer les grandes entreprises et les banques avec des milliers de milliards de dollars, ils mènent simultanément une politique de négligence délibérée des mesures nécessaires pour lutter contre la pandémie et protéger la population. Par exemple, l'American Hospital Association, qui représente des systèmes de santé valant des milliards de dollars, a fait pression sur le Congrès le mois dernier pour éliminer une référence dans un projet de loi qui aurait exigé des protections plus strictes pour les travailleurs de la santé, selon Mother Jones.

En même temps, des travailleurs hautement exploités et appauvris sont désormais jugés essentiels – y compris les travailleurs dans la grande distribution, de conditionnement de viande et de l’industrie de l’alimentation, Amazon, d'autres travailleurs de la logistique et des transports en commun – continuent de travailler dans des lieux de travail surpeuplés, manquant presque universellement de protections de base telles que des masques et des gants.

Le résultat est prévisible, avec un nombre croissant de cas et un nombre croissant de décès sur les lieux de travail qui sont toujours en activité, et des conséquences inquiétantes pour la propagation accrue de la maladie. Des milliers de travailleurs de deux des plus grands systèmes de santé du Michigan, Henry Ford et Beaumont, ont été testés positifs ou présentent des symptômes de COVID-19, et des décès ont été signalés chez Walmart, Trader Joe's, Giant et UPS.

Des grèves pour protester contre ces conditions se manifestent fréquemment comme des grèves sauvages, lancées indépendamment des syndicats qui s’attirent la colère des travailleurs à cause de leurs excuses pour l'inaction des entreprises et leur propre indifférence.

Les t

ravailleurs de la santé

Une trentaine de travailleurs de la santé ont manifesté lundi devant l'hôpital Harlem à New York pour protester contre le manque d'équipement de protection. L'action a suivi un sit-in par des infirmières (article en anglais) dans un hôpital de Detroit tôt ce matin-là.

«Si nous ne recevons pas suffisamment d'EPI, nous allons propager cette maladie à nos proches, à d'autres patients et ce sera un cercle vicieux et on ne pourra jamais le contrôler», a déclaré Ania Binkowska, inhalothérapeute, à la presse locale.

Dans l'ouest de la Pennsylvanie, des dizaines d'infirmières d’un centre de réadaptation ont débrayé jeudi dernier, protestant contre le refus de la direction de leur fournir des masques N95 à porter en présence des personnes âgées.

Au Pakistan, des médecins ont déclenché mardi une grève à dans les services non critiques du Baloutchistan, la province la plus pauvre du pays. La grève était en réaction à l'arrestation de près de 70 médecins manifestants à Quetta, la capitale de la province, lundi.

«Dans le centre de traumatologie, avant le coronavirus, nous avions suffisamment d’équipement pour que, si nous intervenions au bloc opératoire, nous avions un masque chirurgical et un bonnet», a déclaré un médecin d'un hôpital public. «Maintenant, nous n'avons même pas cela.»

Au Lesotho, un petit pays enclavé d'Afrique, des médecins et des professionnels de la santé ont fait grève lundi pour protester contre l'obstruction du gouvernement à la demande d'équipements de protection. Bien qu'il soit entouré par l'Afrique du Sud, qui possède le plus grand nombre de cas de COVID-19 en Afrique, le Lesotho n'a pas encore signalé de cas, en raison de son absence de capacités de test.

Les t

ravailleurs d’entrepôts et de livraison

Les travailleurs d'Amazon à l'usine JFK8 de New York sur Staten Island ont débrayé pour la deuxième fois consécutive lundi, après d'autres débrayages des sites d'Amazon à Chicago et Detroit au cours de la semaine dernière. Chris Smalls, un employé du centre de distribution de New York licencié par l'entreprise après avoir organisé un débrayage initial, a déclaré à Vice qu'il estimait l’existence de près de 30 cas sur le site. Dans une note de service fuitée largement diffusée, l'avocat général d'Amazon a discuté de la stratégie de relations publiques de l'entreprise pour lutter contre les protestations croissantes des travailleurs, qualifiant Smalls de façon sournoise de quelqu’un qui «n’était pas futé et qui ne s’exprimait pas bien».

Dans la grande distribution des supermarchés Target, les employés intérimaires de son service de livraison, Shipt, ont refusé de prendre des commandes mardi, exigeant une prime de risque, un équipement de protection et des mesures de congés de maladie renforcées. Les travailleurs de Shipt ont déclaré que même si leur travail était devenu plus dangereux, un changement dans l'algorithme de rémunération de l'entreprise avait réduit leur salaire.

Le porte-parole de Target, Joe Poulos, a dénoncé les grèves, déclarant: «Il est regrettable qu'un très petit nombre de personnes ait décidé de faire connaître cette grève supposément majeure.»

Supermarchés et restauration

À Boston, les employés des épiceries d'un certain nombre de chaînes, dont Whole Foods, Trader Joe's, Stop & Shop et d'autres, ont manifesté mardi. «Il y a toujours un niveau de peur», a déclaré Lisa Wilson une employée chez Shaw’s et organisatrice de la manifestation au Boston Globe. «Est-ce que ça va être mon tour aujourd’hui de tomber malade?»

Dimanche, les travailleurs d'un McDonald's de Los Angeles ont débrayé après avoir appris qu'un collègue avait été diagnostiqué avec la COVID-19. D’autres débrayages chez McDonald's ont eu lieu dans plusieurs villes ces dernières semaines.

«Nous plaidons pour un équipement de protection depuis plus d'un mois maintenant, mais McDonald's met ses bénéfices avant notre santé», a déclaré aux nouvelles locales Bartolome Perez, un cuisinier. «Nous ne voulons pas mourir pour les hamburgers et les frites de McDonald’s.»

Industrie manufacturière et construction

Toujours dans le Massachusetts, des milliers d'autres travailleurs de la construction, membres du syndicat des Painters and Allied Trades Union, ont cessé de travailler mardi, rejoignant quelque 13.000 charpentiers qui ont commencé à faire grève lundi, répondant au refus du gouverneur de l'État de fermer les chantiers de construction non essentiels.

Des tôliers ont également débrayé, interrompant les travaux de construction d'un casino, de l'administration de la police et d'autres projets dans le sud de Philadelphie. La construction du casino avait précédemment été interrompue après qu'un maçon a été confirmé infecté par la COVID-19 plus tôt en mars.

À Romeoville, dans l'Illinois, une vingtaine de travailleurs du fabricant de pièces automobiles Midwest Air Tech ont débrayé lundi matin, également après qu'un travailleur a été confirmé avoir contracté le coronavirus. La direction aurait, semble-t-il, cherché à persuader les travailleurs, avec une augmentation de salaire, de nettoyer eux-mêmes l'usine, plutôt que d'engager une entreprise de nettoyage professionnelle.

Après plus d'une semaine de manifestations de colère de la part des travailleurs de GE Appliance demandant la fermeture des installations géantes de Louisville, dans le Kentucky, l'entreprise a annoncé un accord avec les responsables syndicaux locaux de l'Union internationale des ouvriers en électricité et des travailleurs des communications d'Amérique (IUE-CWA). Cette entente accorde aux travailleurs une augmentation de 2$ et un congé aux travailleurs ayant des problèmes de santé connus ou des difficultés de garde d’enfants et d’aide à des personnes âgées. Après avoir fait du bruit la semaine dernière au sujet d’un appel à faire grève (article en anglais), l'IUE-CWA a annoncé qu'elle devait respecter la décision du gouverneur du Kentucky, Andy Beshear, que le fabricant d'appareils électroménagers était une «entreprise essentielle».

Les travailleurs sont furieux du fait qu’ils sont censés rester à leurs postes de travail malgré le risque. Dans une vidéo Facebook, un travailleur a déclaré: «Je ne comprends tout simplement pas le processus de réflexion sur la raison pour laquelle la fabrication d'une machine à laver, d'un sèche-linge, d'un lave-vaisselle ou d'un réfrigérateur vaut la peine de mettre en danger la vie des gens. Non seulement leur vie, la vie des travailleurs, mais aussi celle de leur famille lorsqu'ils rentrent chez eux.»

Les principaux constructeurs automobiles ont arrêté la plupart de leurs principales opérations d'assemblage à la suite d'une vague de grèves sauvages, mais certains cherchent à redémarrer dès le début du mois de mai, alors même que le nombre de décès dus au COVID-19 parmi les travailleurs de l'automobile continue d'augmenter. Entre temps, un certain nombre de fabricants de pièces automobiles, ainsi que des entreprises agricoles et de machinerie lourde telles que Deere, inc. et Caterpillar (article en anglais), sont toujours en activité. Les travailleurs de l’industrie protestent de plus en plus vivement contre le manque de protections.

(Article paru en anglais le 8 avril 2020)

Loading