Ebola menace la RD du Congo, plongée en pleine pandémie du COVID-19

Touchée par le COVID-19, la République Démocratique du Congo a enregistré trois nouveaux cas Ebola dont de deux décès cette semaine, marquant une reprise de l’épidémie. Ainsi une catastrophe humanitaire menace des millions de personnes non seulement en RDC mais aussi à travers l’Afrique et au-delà.

Dans la ville de Béni située dans l’Est de la RDC, l’un des épicentres de l’épidémie d’Ebola déclarée le 1er août 2018 qui a fait depuis 2.276 victimes, une enfant est décédée d’une fièvre hémorragique vendredi 10 avril. 48h plus tard, un jeune homme de 26 ans est mort de la même cause. Selon un communiqué du comité multisectoriel de la riposte à la maladie à virus Ebola, «il s’agit d’une co-patiente du cas confirmé le 10 avril».

Le nombre de personnes touchées par Ebola risque d’augmenter rapidement, faisant craindre une reprise de l’épidémie, car les autorités sanitaires ont identifié «28 contacts» de ce nouveau malade d’Ebola, «dont 26 co-patients et deux prestataires de soins, parmi lesquels un est vacciné». Toujours selon les autorité sanitaires, l’OMS s’apprêtait lundi à officialiser la fin de la dixième épidémie d’Ebola sur le sol de la RDC. Cela faisait 52 jours qu’il n’y avait pas eu de nouveau cas d’Ebola.

En parallèle de la reprise de l’épidémie d’Ebola, l’Afrique est touchée par la pandémie du COVID-19. La RDC enregistre 332 cas contaminés par le Covid-19 pour 25 décès, principalement dans la capitale, Kinshasa, avec au moins 242 cas confirmés. Au sein des classes dirigeantes, des proches du président Félix Tshisekedi ont été testés positifs et d’autres en sont décédés, dont un chargé de mission de la présidence, Jacques Ilunga. Mercredi 15 avril, Mgr Gérard Mulumba, oncle paternel de Tshisekedi et chef de son cabinet civil, est également décédé du COVID-19, selon ses proches.

Selon le comité en charge de la riposte au COVID-19, «la pandémie du COVID-19 entre dans une phase exponentielle dans la ville-province de Kinshasa (…). Le pic de cette croissance sera atteint entre la première et la deuxième semaine du mois de mai 2020. Pendant cette période, il faut s’attendre à un afflux important des malades dans les structures sanitaires qui vraisemblablement seront débordées. Si les efforts de préparation en cours ne sont pas finalisés à temps, il faudra craindre le pire.»

Dans la capitale de 12 millions d’habitants, le quartier de la Gombe, considéré comme l’épicentre de la pandémie, est en effet confiné depuis le 6 avril. Cependant, dans les communes voisines (Lingwala, Bandalungwa, Kintambo ou Ngaliema) aucune mesure n’a été prise.

L’équipe de riposte contre le COVID-19 «constate que les mesures de distanciation sociale sont totalement relâchées et redoute une transmission inter-humaine intense de la maladie au cours de la période critique qui s’annonce dans les prochaines semaines». Elle recommande «le port obligatoire des masques par tous dans tous les lieux publics et particulièrement dans les transports en commun et les marchés», ainsi que «l’extension du confinement aux communes voisines de la Gombe».

Cependant les masques restent difficiles en RDC comme dans les pays voisins. Au Gabon comme en Guinée équatoriale, le port du masque est obligatoire; toutefois, conscient de la difficulté des Gabonais à se procurer des masques médicaux, le gouvernement leur a recommandé le port du «masque alternatif». De nombreux ateliers de couture au Gabon et ailleurs se sont mis à produire des masques en tissu, moins efficaces, mais qui limitent toutefois la propagation du coronavirus.

Lundi, le gouvernement tchadien avait également décrété le port obligatoire du masque sur son territoire avant de revenir sur sa décision le lendemain à cause du manque d’offre sur le marché.

Le Cameroun, l’un des pays les plus touchés par le virus en Afrique avec 1.017 cas déclarés officiellement et 42 morts, avait déjà adopté cette mesure jeudi dernier.

L’explosion des cas de COVID-19 et le danger d’une recrudescence d’Ebola, un virus hautement contagieux et meurtrier, soulignent les dangers sanitaires qui pèsent sur la région et la nécessité d’une coordination internationale pour apporter les ressources et traitements nécessaires. Cette intervention nécessitera une mobilisation politique des travailleurs pour étouffer les conflits armés et avant tout les manœuvres des puissances impérialistes.

Depuis un quart de siècle, la RDC est déchirée par une guerre où s’affrontent 200 groupes armés. La RDC est actuellement le pays ayant connu le conflit le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale, avec cinq millions de morts. C’est le centre d’une guerre régionale qui a surtout fait rage en 1996-1997 et 1998-2003, où les conflits ethniques et locaux étaient envenimés par les conflits inter-impérialistes entre Washington et Paris à l’époque, et dont les séquelles perdurent aujourd’hui.

En 1994, le Front patriotique rwandais (FPR), majoritairement tutsi et lié aux intérêts américains envahissait le Rwanda alors dominé par un régime hutu génocidaire appuyé par Paris. Les forces armées françaises ont mené l’opération Turquoise, qui a protégé la fuite d’unités hutus vers l’ouest en RDC, y compris les milices Interahamwe génocidaires. Ces conflits ethniques, doublés de rivalités franco-américaines alors que s’effondrait la dictature de Mobutu Zaïre/RDC, ont fini par provoquer un embrasement généralisé dans le Congo et dans la région.

Diverses puissances régionales – Rwanda, Ouganda, Angola et Zimbabwe – se sont greffées au conflit déplacé du Rwanda au Congo, en créant leurs propres milices. Ceci a prolongé le conflit et permis le pillage des ressources minérales du Congo par les grandes transnationales en lien avec les diverses milices. Ce conflit a débouché sur une impasse, dans laquelle les milices et les armées s'auto-financent en pillant les ressources et en terrorisant les populations locales.

A présent, les rivalités entre Washington, les puissances impérialistes européennes et la Chine, puissance économique ciblée par la propagande et des menaces militaires impérialistes, posent à nouveaux de grands dangers en Afrique.

En plus des conflits armés, le pays est soumis à des tensions politiques et sociales depuis plusieurs années qui ont commencé avec le report de deux ans des présidentielles par l’ancien président Joseph Kabila qui s’était rapproché de la Chine. L’année dernière, sur fond de rivalités avec Beijing, Washington avait envoyé des troupes au Gabon en prétextant la situation en RDC.

Félix Tshisekedi, vainqueur de l’élection présidentielle a été dénoncé par ses opposants et par la France, qui avait saisi le Conseil de sécurité. Des manifestations ont éclaté, faisant 4 morts.

Contre les épidémies, les populations de RDC et des pays voisins ne peuvent pas compter sur les structures sanitaires locales, insuffisantes voire inexistantes. Les travailleurs et les masses rurales opprimées sont à nouveau confrontées à la faillite du capitalisme en Afrique. Alors que ces pays et en particulier la RDC possèdent des richesses naturelles énormes, les gouvernements agissent dans l’analyse finale en lien étroit avec les puissances impérialistes, qui utilisent des milices armées pour piller les ressources et réaliser des profits énormes.

Sans une coordination internationale pour la lutte contre le Covid-19 et Ebola par une planification scientifique des besoins en Afrique, une catastrophe sanitaire majeure guette la RDC. La question décisive sera la mobilisation politique internationale des travailleurs. Alors que la colère monte dans les centres impérialistes contre les gouvernements qui imposent la reprise du travail avec mépris pour la vie humaine, il est critique de mobiliser des centaines de milliards d’euros d’aides sanitaires et industrielles pour l’Afrique et stopper toute relance des conflits armés.

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