L’opposition populaire grandit contre le retour au travail dicté par le gouvernement québécois

Les derniers chiffres sur la propagation du coronavirus au Québec et particulièrement à Montréal, épicentre de la pandémie au Canada, constituent un net démenti du message officiel véhiculé par le gouvernement du Québec pour justifier sa campagne agressive pour un retour prématuré et dangereux au travail. L’affirmation maintes fois répétée du premier ministre de droite François Legault que «la situation est sous contrôle dans les hôpitaux» s’est avérée être un mensonge éhonté.

Dimanche, la santé publique annonçait 142 décès depuis la veille dus à la COVID-19, soit deux fois plus que le nombre de 61 rapporté samedi. Le nombre de décès additionnels s’élevait à 85 lundi, pour un total de 3013 dans la province depuis le début de la pandémie. Les cas d’infection de COVID-19 continuent également d’augmenter. Lundi, 748 nouveaux cas ont été rapportés au Québec, pour un total de 38469.

Avec moins du quart de la population canadienne, la province compte plus de la moitié des décès et des cas confirmés, et elle fait face à une véritable hécatombe dans les CHSLD (Centres d’hébergement et de soins de longue durée) et autres résidences pour aînés.

Certains quartiers ouvriers de Montréal, tels que Montréal-Nord et Hochelaga-Maisonneuve, sont déjà victimes d’une transmission communautaire à grande échelle. Selon des projections de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) publiées vendredi, la levée des mesures de confinement ordonnée par le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) pourrait entraîner en juillet jusqu’à 150 décès par jour, excluant les cas en CHSLD, dans la grande région de Montréal. «Une petite croissance des contacts sociaux pourrait mener à une augmentation rapide des cas, des hospitalisations et des décès», peut-on lire dans ce rapport, émis par la principale agence gouvernementale de recherche en matière de santé publique.

Alors que la contagion se poursuit à grande vitesse à Montréal et dans plusieurs parties du Québec, des voix s’élèvent pour critiquer le retour prématuré au travail ordonné par le gouvernement Legault.

Le Dr Yves Longtin, professeur de médecine à l'Université McGill et spécialiste en contrôle des infections à l'Hôpital général juif de Montréal, s'est dit inquiet pour les hôpitaux de la région montréalaise. «Le déconfinement va augmenter les risques qu'un patient affecté par la COVID sans présenter de symptômes introduise le virus dans nos hôpitaux», a-t-il averti.

Dans une entrevue publiée dimanche dans le principal quotidien montréalais, La Presse, le Dr Isaac Bogoch, spécialiste des maladies infectieuses à l’Institut de recherche de l’Hôpital général de Toronto, a rappelé que «le Québec est l’épicentre du Canada, et Montréal est l’épicentre du Québec». Même si de nombreux cas d’infection à la COVID-19 viennent des CHSLD, il a souligné qu’il y a aussi beaucoup de transmission à l’extérieur des centres. Et il a conclu en disant: «Je n’éprouve aucun plaisir à le dire, mais d’après moi, le Québec est la province la moins prête à rouvrir l’économie présentement».

L’opposition la plus vive se rencontre parmi les travailleurs, qui sont forcés de retourner au travail sans équipement de protection adéquat pour faire face à un virus potentiellement mortel – ou de perdre leur gagne-pain s’ils refusent d’exposer leurs vies et celles de leurs proches.

Ce choix terrible a été illustré par une note interne de la Société des traversiers du Québec qui a été transmise au quotidien de Québec, Le Soleil. Selon cette note, «les employés qui choisissent de ne pas envoyer leur enfant à l’école, au service de garde ou à la garderie» devront vider leurs banques de vacances et congés s’ils veulent recevoir un certain montant d’argent. Le message est sec et brutal: «Le traitement ne sera pas maintenu».

Sur les réseaux sociaux, des centaines d’enseignants contestent haut et fort que la réouverture précipitée des écoles primaires et des garderies est motivée par le «bien-être» des enfants – le dernier prétexte cynique avancé par les autorités. Comme l’a écrit une enseignante, il s’agit avant tout de «permettre au patronat de se faire du profit sur le dos de la population».

Lundi a vu la réouverture des écoles primaires et des commerces dans la plupart des régions du Québec. La construction industrielle et le secteur manufacturier ont repris leurs activités dans l’ensemble de la province, emboîtant ainsi le pas à la construction résidentielle et à l’industrie minière qui avaient déjà redémarré.

Mais le gouvernement Legault continue de faire face à une vive opposition populaire, qui fait partie d’une colère grandissante des travailleurs partout en Amérique du Nord et à l’international. C’est pourquoi il est forcé de manœuvrer, de changer son discours presque quotidiennement, d’aligner un argument cynique après l’autre.

Legault souffle le chaud et le froid. Il a repoussé à deux reprises la réouverture des écoles, des commerces et des services de garde dans la région de Montréal, où la pandémie fait rage. Au même moment, après avoir annoncé que les personnes de soixante ans et plus ne seraient pas tenues de rentrer au travail car étant à risque, il s’est vite ravisé en invoquant le manque de personnel dans les écoles, les garderies et le réseau de la santé – et en redéfinissant arbitrairement, selon les besoins de sa politique, qui est à risque et qui ne l’est pas.

Le gouvernement ne parle plus ouvertement de sa stratégie d’ «immunité collective» en raison du tollé populaire qu’elle a soulevée. Il prend plutôt la pose hypocrite du défenseur de «la santé mentale» des jeunes enfants confinés. Mais dans le fond, comme en atteste sa campagne agressive de réouverture des écoles et de retour au travail, c’est la même voie criminelle de «l’immunité collective», c’est-à-dire la contamination de masse de la population, qu’il poursuit en mettant en danger un nombre incalculable de vies humaines.

Comme l’administration Trump aux États-Unis ou les gouvernements de l’Union européenne, l’objectif du gouvernement Legault, féroce partisan de la privatisation et de la déréglementation, reste le même: recommencer au plus vite à extraire du profit sur le dos de la classe ouvrière afin de la faire payer pour les plus de 600 milliards de dollars accordés à l’élite financière par le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau.

Pour la classe dirigeante canadienne, ces montants faramineux doivent être remboursés par une exploitation accrue des travailleurs sous la forme de baisses de salaires, de suppressions d’emplois et de nouvelles coupes majeures dans les services publics, y compris la santé.

Dans sa tentative de contrer l’opposition populaire, le gouvernement peut compter sur l’appui des syndicats procapitalistes. Ces derniers, avec le soutien du parti nationaliste supposément «de gauche» Québec Solidaire, ont joué un rôle clé pour permettre à Legault, en lui offrant leur «pleine collaboration», de gagner une certaine crédibilité populaire au début des mesures de confinement vers la mi-mars.

En fait, les syndicats appuient ce gouvernement depuis son élection en octobre 2018 lorsqu’ils ont déclaré une «lune de miel» avec lui. Poursuivant le rôle de police industrielle qu’ils jouent depuis des décennies pour imposer des concessions aux travailleurs, les syndicats rassurent maintenant le gouvernement qu’ils vont veiller à ce que leurs membres retournent au travail, tout en insistant de façon cynique que cela doit se faire de façon «sécuritaire».

La Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), la plus importante centrale syndicale de la province, a accueilli «positivement» le dangereux retour au travail. Son président, Daniel Boyer, est allé jusqu’à relayer la propagande du gouvernement en disant que les travailleurs «sont rassurés par les mesures [de protection] qui sont mises en place dans chaque milieu de travail».

Boyer ment effrontément: de telles mesures sont insuffisantes ou inexistantes, que ce soit dans les hôpitaux, sur les chantiers de construction, en usine ou à d’autres lieux de travail. Qu’il aille en parler aux 64 travailleurs de l’usine de transformation de viande Cargill à Chambly qui ont été infectés. Ou aux nombreux travailleurs de la santé qui, privés d’équipement de protection individuel, ont contracté le coronavirus.

Les travailleurs doivent rejeter le faux choix entre un retour au travail précipité et non sécuritaire, ou la perte de leur gagne-pain. Pour ce faire, ils doivent former des comités de la base, indépendants des syndicats, autour des revendications suivantes: fermeture de tous les secteurs économiques non essentiels; pleine protection pour les travailleurs de la santé et d’autres services essentiels; pleine compensation financière pour tous les travailleurs mis à pied ou incapables de travailler.

Les ressources nécessaires pour réaliser ce programme ne peuvent être obtenues que par une lutte politique indépendante des travailleurs pour un gouvernement ouvrier, qui réorganisera la vie socio-économique afin de satisfaire les besoins sociaux de la majorité.

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