Legault accélère le retour au travail à Montréal, épicentre de la pandémie de COVID-19 au Canada

Le gouvernement du Québec a ordonné la réouverture ce lundi de tous les commerces avec devanture extérieure dans la grande région de Montréal. Les garderies suivront le 1er juin. Ces mesures sont les plus récentes d’une campagne massive pour forcer une reprise prématurée de toutes les activités économiques dans la ville canadienne qui demeure, et de loin, la plus touchée par la pandémie de COVID-19.

Dès avril, le premier ministre François Legault avait exigé la réouverture du secteur minier, des ateliers mécaniques, de l’aménagement paysager et de la construction résidentielle, partout dans la province. Le 11 mai, c’était au tour de l’industrie manufacturière et de la construction industrielle. Cette même semaine, le gouvernement de droite de la CAQ (Coalition Avenir Québec) ordonnait la réouverture des écoles primaires – sauf dans le Grand Montréal où la réouverture a dû être repoussée à septembre après un tollé de la part des enseignants et des parents.

Ce qui guide les décisions du premier ministre du Québec, comme tous les représentants de la classe dirigeante dans le reste du Canada et à travers le monde, c’est de permettre aux grandes entreprises et aux banques de recommencer à faire du profit. Celles-ci exigent que les travailleurs retournent à leurs postes, peu importe les conséquences sur leur santé et celle de leurs proches, afin de subir une exploitation accrue servant à couvrir les frais des plans de sauvetage totalisant 650 milliards de dollars qui ont été accordés à l’élite financière et des affaires par le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau.

Le retour précipité au travail se fait au mépris des avertissements répétés de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) et de la communauté scientifique sur les immenses dangers d’un déconfinement sans une campagne massive de dépistage, de traçage et de traitement des personnes infectées, et sans un renforcement majeur du système de santé pour faire face à un pic de la demande.

Legault a lui-même dû reconnaître mercredi dernier que le Québec n'avait toujours pas atteint sa propre cible quant au nombre de tests réalisés par jour pour évaluer ceux qui pourraient être atteints de la COVID-19. Alors que son gouvernement s'était fixé l'objectif modeste d'en réaliser 14.000 par jour, la province a seulement réussi à faire monter le nombre de tests de 6.000 à environ 9.000 par jour.

«Au lieu de plans transparents pour tester et retracer, et de fiers comptes rendus de leur exécution», écrivait récemment en éditorial le Globe and Mail, «on ne cesse d’entendre parler de plans pour avoir un plan, ou de plans pour envisager des plans». Cette évaluation mordante et ironique est d’autant plus significative qu’elle vient du principal porte-voix de l’élite financière canadienne, qui pousse pour une reprise rapide des activités économiques.

Une autre intervention à noter est celle du président de l'Association médicale canadienne (AMC), qui a soutenu devant un comité sénatorial que le pays «jouait avec le feu en déconfinant». Pointant du doigt la pénurie de personnel médical et le nombre insuffisant de tests, le Dr Sandy Buchman a averti: «Nous allons trop vite. Selon moi, nous ne sommes pas préparés pour une deuxième vague». Le président de l’AMC a dénoncé l’accès insuffisant du personnel médical, trois mois après le début de la pandémie, à de l'équipement de protection individuelle. «Nous n'autoriserions jamais un pompier à entrer dans un bâtiment en feu sans protection adéquate», a-t-il déclaré, «nous ne pouvons pas nous attendre à ce que nos travailleurs de la santé en première ligne se mettent en danger».

Dans de telles conditions, la décision du gouvernement québécois d’accélérer le retour au travail dans la province canadienne la plus touchée par la pandémie de COVID-19 n’est rien de moins que criminelle.

L’hécatombe se poursuit dans les résidences pour aînés et les CHSLD (Centres d’hébergement de soins de longue durée), qui ont enregistré plus de 80 pour cent des décès. Au moins un cas positif au coronavirus a été détecté dans 332 de ces établissements; deux d’entre eux ont été secoués par la mort de plus de 80 de leurs résidents; et tous les résidents du CHSLD Vigi Mont-Royal sont tombés malades après que le système de ventilation soit tombé en panne: sur les 226 aînés déclarés positifs, 70 sont morts sur place et 32 ont été envoyés à l'hôpital, tandis que 148 employés ont été infectés.

Tournant le dos à la réalité, le premier ministre Legault s’est justifié en conférence de presse la semaine dernière en déclarant: «La tendance est bonne, puis nous permet effectivement de prendre un certain pari». La première partie de la phrase est un mensonge effronté. Quant à son «pari», Legault n’a pas daigné expliquer à la population qu’il consistait à mettre en danger des dizaines de milliers de vies humaines.

Le danger est particulièrement pressant dans la grande région de Montréal, l’épicentre de la pandémie de COVID-19 au Canada.

Avec seulement 5 pour cent de la population canadienne, la métropole a enregistré 30 pour cent des cas d’infection. Son taux d’infection se situe à 822 cas par 100.000 habitants, soit cinq fois le taux moyen de 164 cas par 100.000 habitants au Canada. Selon les chiffres compilés en date du 24 mai, 23.918 cas de COVID-19 et 2.528 décès ont été enregistrés sur l’île de Montréal.

Le nombre de cas a bondi dans les quartiers pauvres de la métropole, où ceux qui sont frappés le plus durement par la COVID-19 sont des travailleurs à bas salaires qui n’ont pas le luxe de s’auto-isoler. À Montréal-Nord par exemple, tous les indicateurs sont au rouge, que ce soit le nombre de cas, le nombre de décès, et le nombre de travailleurs de la santé touchés qui se chiffre à 440 et qui équivaut à 24 pour cent du total des cas à cet endroit.

Ces travailleurs sont en grande majorité des préposés aux bénéficiaires, notamment dans des résidences pour aînés. Plusieurs sont des réfugiés arrivés entre 2017 et 2018 par le chemin Roxham, près du poste-frontière officiel de Lacolle entre le Québec et l’État de New York. Ils avaient alors été dénoncés par Legault, qui en avait fait un élément central de sa campagne anti-immigrants lors de l’élection québécoise d’octobre 2018. Devenu premier ministre, Legault poursuit aujourd’hui sa politique chauvine. Malgré le travail courageux accompli par plusieurs de ces réfugiés dans les CHSLD de Montréal frappés par le coronavirus, Legault refuse net de leur accorder un statut de résident permanent. «On ne peut pas ouvrir la porte et dire: "Si vous venez illégalement, si vous trouvez un travail, c’est OK, on va vous accepter comme immigrant"», a-t-il déclaré jeudi dernier.

Avec plus de 3740 cas recensés, les travailleurs de la santé représentent près de 20 pour cent de tous les cas confirmés de coronavirus sur l’île de Montréal. Cette contamination à grande échelle est le résultat de l’échec du gouvernement Legault à leur fournir les équipements nécessaires de protection individuelle. Sa réponse à la pénurie subséquente de personnel médical a été d’augmenter le nombre de patients par personnel soignant, de forcer les employés à temps partiel à travailler à temps plein, et d’annuler les vacances demandées par des infirmières.

Cette attaque frontale du gouvernement Legault sur leurs droits fondamentaux a provoqué une vive colère parmi les travailleurs de la santé que les syndicats, ayant offert leur pleine collaboration au gouvernement, ont du mal à contenir.

Des dizaines d’infirmières ont pris part mardi dernier à une manifestation de la FIQ (Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec) devant les bureaux du premier ministre à Québec pour dénoncer la suspension prolongée de plusieurs aspects de leur contrat de travail, notamment le droit aux vacances.

«Tout le monde savait que nos conditions de travail étaient déjà lamentables. Maintenant, elles sont insoutenables», a scandé la présidente de la FIQ, Nancy Bédard. Mais ces propos démagogiques visaient seulement à calmer la colère des membres de la base. Comme l’a noté le reportage de Radio-Canada sur la manifestation: «La FIQ ajoute qu’elle prend bien la mesure de la situation, plus critique, dans la grande région de Montréal et qu’elle serait prête à conclure des ententes particulières pour assurer que les travailleurs seront présents en nombre suffisant.»

Les travailleurs doivent rejeter les efforts de l’élite dirigeante, aidée par les syndicats pro-capitalistes, pour subordonner leur santé et même leurs vies à la course aux profits de la grande entreprise et des marchés financiers. Il faut bâtir des comités de la base chargés d’assurer la pleine protection et sécurité des travailleurs de la santé, l’arrêt de toute production non essentielle, et une pleine compensation salariale aux travailleurs mis à pied ou incapables de travailler.

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