Le Parti de gauche allemand à la tête de la meurtrière campagne de retour au travail

La crise du coronavirus a mis à nu le caractère anti-classe ouvrière et essentiellement de droite du Parti de gauche allemand (Die Linke). Après avoir voté pour un plan de sauvetage des grandes sociétés de milliards et de milliards d'euros au Parlement fédéral fin mars, il soutient à présent la réouverture de l'économie par la Grande coalition. Le but de cette campagne est de relancer les affaires et de permettre à l'élite dirigeante d'extraire de la classe ouvrière les centaines de milliards fournis aux grandes banques et entreprises. Ce faisant, Die Linke risque la santé et la vie de milliers de gens.

Cela se manifeste le plus clairement dans les Länder où le Parti de gauche fait partie du gouvernement régional, en Thuringe, à Brême et à Berlin. Bien que le nombre d'infections et de décès dus aux coronavirus continue d'augmenter quotidiennement dans ces trois Länder et que les conséquences de la levée prématurée et non coordonnée des restrictions commencent à apparaître, le Parti de gauche poursuit agressivement la réouverture de l'économie et des écoles.

À Brême, le gouvernement de coalition social-démocrate/Parti de gauche/Verts a adopté mardi un nouvel assouplissement des restrictions. Entre autres, l’ouverture des salles de sport et des clubs de fitness est autorisée à partir de mercredi.

Ramelow prend la parole au parlement du Land de Thuringe (AP Photo/Jens Meyer)

Les événements en salle plus généralement comptant jusqu'à 200 participants sont à nouveau autorisés. Les écoles et les maternelles ont déjà ouvert la semaine dernière et les restaurants reprennent leur activité.

Il n'est pas obligatoire de porter des masques. Seule une réservation de table est nécessaire «pour qu'il n'y ait pas de monde au bar», a déclaré la sénatrice responsable de la Santé du Parti de gauche, Claudia Bernhard.

Dans le Land de Berlin où les entreprises ont rouvert il y a deux semaines, le gouvernement régional social-démocrate/Parti de gauche/Verts se hâte à lever les restrictions restantes. Les hôtels et gîtes de vacances ont pu rouvrir à partir de lundi, ainsi que les piscines extérieures et les événements en plein air pouvant accueillir jusqu'à 100 participants. Avant cela, les événements comptant jusqu'à 50 participants étaient autorisés, y compris dans des salles couvertes. Les informations indiquent que d’ici la fin du mois, «tous les élèves» devraient être de retour à l'école.

La politique de réouverture en Thuringe est menée par le Parti de gauche avec un zèle particulier. Le ministre-président du Land de Die Linke, Bodo Ramelow, a annoncé au cours du week-end qu'il mettrait fin à toutes les restrictions générales début juin, y compris la distanciation sociale.

Avant cela, il avait ordonné à toutes les autorités municipales et de districts de prendre leurs propres décisions concernant la réouverture des restaurants, magasins, cinémas, clubs de fitness, activités de sport en salle, bars, studios de danse, parcs de loisirs et maisons closes. Cela a permis d'alléger les restrictions encore plus rapidement que prévu initialement. L'ensemble du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, activités récréatives et villages de vacances compris, a rouvert ses portes le 15 mai.

La dernière annonce de Ramelow a montré explicitement l'indifférence de la classe dirigeante envers les avis scientifiques et sanitaires et la vie de la population, au point d’être critiquée même par certains journaux de droite.

« Si le virus est aussi imprévisible que le disent de nombreux virologues », écrit Die Welt, alors la proposition de Ramelow « n'est pas raisonnable, mais téméraire ». Le journal poursuit en disant qu'un pic d'infections de coronavirus suite à un service religieux à Francfort et à la réouverture d'un restaurant en Basse-Saxe avait montré « que cette nouvelle socialisation peut rapidement conduire à une forte augmentation des cas d’infections ».

Les actes du Parti de gauche montrent en pratique l'hypocrisie de sa critique pour la forme de la politique de «retour au travail». « Dans l'ensemble [...] cette dynamique de relâchement des restrictions ne nous conduira pas à sortir de la crise du coronavirus, mais à une deuxième vague », avait déclaré début mai Katja Kipping, cheffe du Parti de gauche. Mais maintenant, c’est précisément un tel développement que ce parti déclenche avec sa politique. Les conséquences dangereuses de la politique de réouverture peuvent être vues plus clairement là où il est au pouvoir.

L’Agence sanitaire de Brême a identifié des cas de coronavirus ou des personnes entrées en contact avec une personne infectée dans 11 écoles au cours de la semaine dernière. En conséquence, 70 élèves et 34 membres du personnel ont dû être mis en quarantaine.

À Berlin, deux enseignants de deux écoles de Spandau ont été testés positifs pour le virus, forçant l'une des écoles à fermer temporairement. La Thuringe possède deux des points chauds du coronavirus en Allemagne, les districts de Greiz et de Sonneberg. Dans ces deux villes, le nombre de cas a augmenté ces derniers jours au-dessus du niveau de 50 pour 100 000 habitants, chiffre convenu par le gouvernement fédéral et ceux des Länder comme seuil déclencheur d’une réimposition des restrictions.

La politique impitoyable et finalement mortelle du Parti de gauche est motivée par les mêmes intérêts de classe que ceux qui animent la politique de la grande coalition et d’autres partis au Parlement. Cela est souligné par une interview publiée dans l'hebdomadaire d'actualités Die Zeit avec Gregor Gysi, le père fondateur du Parti de gauche. Le 5 mai, Gysi avait été élu par le groupe parlementaire du Parti de gauche pour succéder à Stefan Liebich en tant que porte-parole du parti pour les Affaires étrangères.

Gysi a défendu le soutien du Parti de gauche au plan de sauvetage du gouvernement fédéral et n'a laissé aucun doute sur le fait que les centaines de milliards d'euros, qui profitent massivement à l'oligarchie financière, devront être payés par la classe ouvrière. Répondant à la question de savoir s'il espérait que «la suspension du frein à l'endettement serait permanente», Gysi a répondu: «Au contraire, ma ferme conviction est que tout ce qui a été adopté dans l'urgence doit être retiré plus tard». Cela s'appliquait «également à la suspension du frein à l'endettement».

Au cours de l'entretien, Gysi a encore clairement indiqué que le Parti de gauche soutenait inconditionnellement la politique militariste de l'Allemagne. « La question de l'OTAN n'est pas le problème », a insisté Gysi, son parti n'appelait « certainement pas à ce que l’Allemagne en sorte ».

Les exportations d'armes, que le parti dénonce souvent dans ses discours du dimanche, se poursuivraient également sous un gouvernement fédéral avec participation de «Die Linke». Gysi a déclaré qu’ « une interdiction totale » ne serait « pas applicable » avec les autres partis.

Il a ajouté qu'il en allait de même pour les interventions militaires de l'armée allemande, dont l'occupation meurtrière de l'Afghanistan. « Si nous retirions les soldats allemands, les Afghans qui travaillaient avec eux seraient menacés de mort », a-t-il déclaré. « Nous ne pouvons pas l’accepter. »

Trois décennies après que son prédécesseur stalinien, le SED/PDS, ait soutenu la restauration du capitalisme en Allemagne de l'Est, le Parti de gauche se distingue en nom seulement des partisans ouvertement de droite de l'impérialisme allemand et du militarisme. Pour faire valoir les intérêts du capital allemand au pays et à l'étranger, Die Linke est même prêt à coopérer avec les partis d'extrême droite.

En mars, Ramelow a utilisé son vote au Parlement de Thuringe pour accorder l'une des positions vice-présidentielles au parti d'extrême droite Alternative pour l’Allemagne. Désormais, les principaux membres du Parti de gauche, y compris le chef adjoint du groupe parlementaire au Parlement fédéral, Andrej Hunko, participent (article en anglais) aux manifestations de droite pour imposer la politique impopulaire du «retour au travail» face à une opposition généralisée de la population.

Lire aussi :

En Allemagne, le Parti de gauche soutient le renflouement des banques et grandes sociétés à hauteur de milliards et de milliards d'euros

Allemagne: le Parti de gauche main dans la main avec le parti d'extrême droite l'Alternative pour l'Allemagne

(Article paru en anglais le 26 mai 2020)

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