Alors que la fin du supplément fédéral hebdomadaire de 600 dollars et une vague d’expulsions se profilent à l’horizon, le Congrès part en vacances

Alors que des dizaines de millions de travailleurs sont confrontés à la triple menace de la suppression du supplément fédéral hebdomadaire de 600 dollars à leur allocation de chômage d’État, de la reprise des expulsions dans la plupart des États et d’une nouvelle recrudescence de la pandémie de la COVID-19, la réponse du Congrès américain est de partir en vacances.

La Chambre, contrôlée par les démocrates, et le Sénat, contrôlé par les républicains, ont ajourné le 3 juillet sans prendre en compte une prolongation de l’allocation supplémentaire de chômage hebdomadaire de 600 dollars prévue par la loi CARES, qui doit expirer le 25 juillet. Le Congrès ne reprendra pas le travail avant le lundi 20 juillet et il est peu probable que l’allocation supplémentaire intégrale soit prolongée – étant donné l’opposition intransigeante des entreprises américaines qui qualifient ce paiement de «désincitatif» – en vue de forcer les travailleurs à retourner sur des lieux de travail dangereux.

L’allocation supplémentaire de 600 dollars est une bouée de sauvetage pour des dizaines de millions de travailleurs jetés au chômage par la pandémie de la COVID-19 et la crise économique qui en résulte. Un grand nombre de travailleurs, en particulier ceux qui travaillent à temps partiel et dans d’autres formes de travail occasionnel, ont vu leurs revenus augmenter, car les prestations combinées de l’État et du gouvernement fédéral les ont portés à près de 1000 dollars par semaine, soit un montant supérieur au seuil de pauvreté officiel.

L’imminence de la fin des allocations de chômage coïncide avec l’expiration des moratoires temporaires sur les expulsions dans 20 États, dont le Texas et le Wisconsin. Les interdictions d’expulsion dans neuf autres États doivent expirer à la fin du mois, ainsi que l’interdiction fédérale, qui ne concerne que les biens assurés ou souscrits par l’intermédiaire d’agences fédérales. Une étude de la société immobilière Amherst prévoit que près de 28 millions de ménages risquent d’être expulsés en raison des pertes d’emploi liées à la pandémie.

L’administration Trump et la plupart des républicains du Congrès s’opposent au renouvellement de l’allocation supplémentaire de chômage de 600 dollars, proposant soit un arrêt complet, soit une prolongation à un niveau beaucoup plus bas, soit la transformation de l’allocation de chômage en une prime d’incitation au retour à l’emploi – qui consiste essentiellement à payer les travailleurs pour qu’ils risquent leur vie et celle de leurs familles et amis dans les conditions d’une pandémie qui s’aggrave.

Les mêmes options ont été adoptées par certaines sections du Parti démocrate, dont au moins un éminent démocrate, le gouverneur multimillionnaire du Connecticut Ned Lamont, qui a déclaré à une chambre de commerce locale que l’allocation de 600 dollars «décourage le retour au travail». Certains sénateurs démocrates ont proposé d’étendre l’allocation supplémentaire à des niveaux inférieurs indexés sur le taux de chômage officiel (qui sous-estime largement le nombre réel de chômeurs).

La Chambre des représentants a adopté une prolongation de l’allocation de 600 dollars jusqu’au début de 2021, mais le vote en mai sur la loi Heroes Act n’était que pour la galerie. La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, et d’autres dirigeants démocrates savaient que le projet de loi n’aboutirait à rien, compte tenu de l’opposition des républicains. Le vote leur a permis de proclamer leur compassion envers les travailleurs en difficulté à un coût nul.

Les 18 jours qui nous séparent de la date butoir seront consacrés à des marchandages en coulisses entre les démocrates de la Chambre, les républicains du Sénat et la Maison-Blanche, toutes ces factions se disputant le soutien de Wall Street et des grandes entreprises.

Depuis l’apparition de la pandémie de la COVID-19, la réponse de toutes les factions de l’establishment américain au pouvoir a été de donner la priorité au soutien de Wall Street. Après avoir mis en place un plan de sauvetage de plusieurs billions de dollars pour les grandes entreprises, elles ont rapidement abandonné tout effort pour contenir la pandémie ainsi que les mesures visant à amoindrir son impact économique sur les travailleurs.

La fin de l’allocation supplémentaire de chômage fédérale de 600 dollars plongerait du jour au lendemain des millions de familles dans la pauvreté, dans des conditions où 19,3 millions de personnes perçoivent des allocations de chômage, contre seulement 1,7 million début mars. Ce chiffre est trois fois plus élevé que le pic atteint pendant la Grande Récession de 2008-2009.

Les allocations de chômage varient considérablement d’un État à l’autre, mais ne représentent généralement qu’une fraction des salaires antérieurs. En Floride, par exemple, l’indemnité hebdomadaire maximale de famine est de 275 $.

Plus d’un million de nouvelles demandes de chômage ont été déposées au cours de chacune des 16 dernières semaines, un autre chiffre stupéfiant qui témoigne de l’ampleur de la catastrophe économique qui frappe les États-Unis.

Pour aggraver les difficultés, les prix des denrées alimentaires augmentent au rythme le plus rapide depuis 50 ans. L’indice des prix à la consommation pour les denrées alimentaires est en hausse de 3,4 % et s’accélère, mais il est beaucoup plus élevé pour les produits de base comme les conserves et les pâtes.

La menace la plus immédiate pour un grand nombre de familles de la classe ouvrière durement touchées par le chômage est peut-être le fait qu’elles n’ont pas pu payer leur loyer en avril, mai et juin, et qu’elles sont maintenant confrontées à la menace imminente d’être expulsées et de se retrouver sans abri. Une situation similaire se présente pour des millions de propriétaires qui risquent la saisie de leur maison.

Le COVID-19 Eviction Defense Project, basé dans le Colorado, met en garde que 20 % des 110 millions de locataires aux États-Unis risquent d’être expulsés d’ici le 30 septembre, dont 500.000 dans le seul État du Colorado.

Breonne DeDecker, une avocate du droit au logement à la Nouvelle-Orléans, avertit: «L’allocation supplémentaire de chômage va expirer, les protections de la loi CARES vont expirer, et nous allons assister à une énorme crise en santé publique et dans le logement comme nous n’en avons pas vue depuis les lendemains de l’ouragan Katrina. DeDecker ajoute: Finalement, rouvrir un tribunal d’expulsion sans s’assurer que les locataires peuvent réellement faire face à leurs dettes de loyer accumulées est un désastre.»

Les demandes d’expulsion en date du 27 juin avaient augmenté de 13 % par rapport aux années précédentes à Milwaukee (Wisconsin). L’État a levé un moratoire sur les saisies fin mai.

Le moratoire sur les expulsions en Pennsylvanie expire le 10 juillet et celui du Michigan le 15 juillet. En Arizona, actuellement le site d’une résurgence majeure de la COVID-19, l’interdiction d’expulsion expire le 22 juillet à la grandeur de l’État.

Les organismes de défense des locataires de la Pennsylvanie s’attendent à une recrudescence des expulsions à l’expiration du moratoire. Kenneth Pick, directeur général de l’autorité de rénovation du comté de Berks dans la ville de Reading, annonce que la fin du moratoire pourrait conduire à une augmentation des expulsions et à une crise potentielle de l’itinérance.

«Nous pensons qu’un nombre considérable de personnes risquent d’être expulsées lorsque le moratoire sera finalement levé, déclare-t-il, ajoutant que les chiffres ne sont pas encore clairs. Personne ne sait car personne ne peut déposer de demande d’expulsion.»

Une étude de l’Institut urbain estime qu’il y aurait 8,9 millions de ménages locataires où au moins une personne a perdu son emploi entre février et avril. Beaucoup de ces ménages étaient déjà dans une situation financière précaire et pourraient être expulsés à la fin des moratoires.

L’impact économique de la pandémie est particulièrement grave pour les travailleurs immigrés, qui n’ont pas droit aux allocations de chômage et peuvent craindre de contester les expulsions en raison de leur statut d’immigration.

La menace d’un appauvrissement massif pour des millions de chômeurs s’inscrit dans un contexte de colère sociale croissante, exprimée par les protestations de masse contre les violences policières et les actions des travailleurs de l’automobile, des infirmières et d’autres catégories de travailleurs contre le manque de protection pour enrayer la propagation de la COVID-19.

La situation nécessite que la classe ouvrière établisse son indépendance politique vis-à-vis des partis du grand capital et mette de l’avant un programme socialiste dirigé contre le système capitaliste, dont la seule solution à la crise croissante est la guerre et la réaction sociale. Aucune résolution progressiste de la crise actuelle n’est possible, si ce n’est en brisant l’emprise de Wall Street sur la vie économique et politique.

(Article paru en anglais le 7 juillet 2020)

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