Perspectives

Des millions de gens font face à un désastre économique et social tandis que Wall Street fait la fête

L’économie américaine s’est contractée à un taux annuel de 32,9 pour cent entre avril et juin, soit la plus forte baisse de l’histoire des États-Unis. La baisse réelle sur trois mois, de 9,5 pour cent, a éclipsé le pire trimestre depuis la première fois qu’on recueille de telles statistiques, il y a plus de 70 ans.

Il serait difficile de surestimer l’ampleur de la calamité économique qui a dévasté la vie de dizaines de millions de travailleurs et de leurs familles. CNBC a noté que «ni la Grande Dépression, ni la Grande Récession, ni les trois douzaines d’effondrements économiques de ces deux derniers siècles n’ont provoqué une baisse aussi importante en si peu de temps».

Les seules perturbations économiques comparables dans l’histoire moderne sont celles causées par la guerre mondiale ou un effondrement de la société. Si l’on calcule la baisse globale du PIB américain pour les six premiers mois de 2020, elle s’élève à 14,75 pour cent. Cela représente, à peu près, le montant du déclin de l’économie russe en 1993, la pire des années de dépression qui ont suivi l’effondrement de l’Union soviétique.

Les affirmations du gouvernement Trump sur une reprise en «V» n’ont pas plus de validité que les divagations du président américain sur le traitement des coronavirus par l’ingestion d’eau de Javel. On commence à voir des signes qu’après un assouplissement de la courbe descendante en juin, en raison de réouvertures généralisées ordonnées par les États, la résurgence de la pandémie qui s’ensuit mène à un nouveau plongeon.

Jeudi, le ministère du Travail a indiqué qu’on a déposé 1,43 million de nouvelles demandes d’allocations de chômage la semaine dernière. C’est la 19e semaine consécutive où les nouvelles demandes ont dépassé le million. Après avoir diminué pendant des mois, les nouvelles demandes ont augmenté au cours des deux dernières semaines.

Le nombre de travailleurs qui ont demandé de prolonger leurs allocations de chômage est également passé de 16,1 millions à 17 millions pour la semaine qui se termine le 18 juillet. En outre, on a déposé 830.000 nouvelles demandes dans le cadre du programme fédéral d’aide pour chômage en pandémie (Pandemic Unemployment Assistance). Ce programme couvre les travailleurs indépendants, les travailleurs du spectacle et les autres personnes qui ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier des allocations de chômage traditionnelles.

Dans ces conditions, le supplément fédéral de 600 dollars (507 euros) par semaine aux allocations de chômage de l’État s’épuise le 31 juillet pour un nombre de travailleurs estimé à 20 millions. Du jour au lendemain, des millions de personnes verront leurs revenus réduits des deux tiers, passant d’une moyenne de 921 dollars (778 euros) par semaine en mai à environ 321 dollars (271 euros) par semaine. Dans certains États, le vol de cette bouée de sauvetage sera encore plus grave. Dans l’Oklahoma, l’aide aux chômeurs sera réduite de 93 pour cent, passant à 44 dollars (37 euros) par semaine.

L’aide supplémentaire hebdomadaire et le versement d’un chèque unique de 1.200 dollars par personne ont entraîné une augmentation de 45 pour cent du revenu personnel au deuxième trimestre. Ce fait témoigne de la situation précaire dans laquelle se trouvaient les travailleurs américains avant même la pandémie. Soixante-dix pour cent des personnes qui sont retournées au travail en juin ont subi une perte de revenu.

La semaine dernière, le moratoire sur les expulsions a expiré pour environ 18 millions de locataires, soit plus d’un tiers des 44 millions de ménages locataires aux États-Unis. Il s’agit de ceux qui vivent dans des immeubles avec des hypothèques garanties par le gouvernement fédéral. Les factures de loyer accumulées au cours des quatre derniers mois étant maintenant dues, les défenseurs du logement prédisent un «tsunami» d’expulsions, avec un demi-million de ménages menacés rien qu’à Los Angeles.

Aux États-Unis, des millions de personnes souffrent également de la faim. Selon une enquête du Bureau américain du recensement, l'insécurité alimentaire a atteint la semaine dernière son niveau le plus élevé depuis le mois de mai, près de 30 millions d'Américains déclarant qu'ils n'avaient pas eu assez à manger à un moment donné au cours des sept jours précédant le 21 juillet.

Le passage bipartite du CARES Act signé par le président Trump fin mars a remis des milliers de milliards de dollars à Wall Street et aux grandes entreprises. Aujourd’hui, ce même Congrès américain prive des millions de personnes des produits de première nécessité. Les Républicains et les Démocrates utilisent délibérément le spectre de la pauvreté, d’être sans-abri et de la famine comme moyen de forcer les travailleurs réticents à retourner dans des usines et des lieux de travail dangereux afin de reprendre le flux des profits des entreprises.

L’économie s’effondre et des dizaines de millions de personnes sont confrontées à la faim, à l’absence de domicile fixe et à la misère. Mais, la haute société américaine n’a jamais connu une telle prospérité. Alimenté par l’injection massive d’argent de la Réserve fédérale, l’indice Dow Jones des valeurs industrielles a augmenté de 42 pour cent depuis son point bas de fin mars, et le Nasdaq de 54 pour cent. Wall Street a largement ignoré la nouvelle selon laquelle l’économie américaine a reculé de 1,8 mille milliards de dollars au deuxième trimestre, le Dow Jones ayant légèrement baissé alors que le Nasdaq était en hausse.

Alors même que le nombre de morts dépasse les 155.000 aux États-Unis et que la pandémie fait rage de manière incontrôlée en Floride, au Texas, en Californie et dans d’autres États, la classe dirigeante se gave. Les milliardaires américains ont vu une augmentation de leur richesse de 80,6 pour cent entre 2010 et 2020. Depuis la pandémie, ils voient une autre manne, avec une nouvelle augmentation de 20 pour cent – une hausse d’au moins 565 milliards de dollars.

L’homme le plus riche du monde, Jeff Bezos, PDG d’Amazon, a vu sa valeur nette augmenter de 74 milliards de dollars depuis le début de 2020 pour atteindre un montant estimé à 189,3 milliards de dollars. En un seul jour la semaine dernière, sa fortune personnelle a augmenté de 13 milliards de dollars. C’était après qu’une prévision positive de Wall Street ait conduit à une hausse de ses 57 millions d’actions Amazon à 3.232,49 dollars par action. À ce rythme, Bezos, pourrait devenir le premier milliardaire du monde qui a plus que mille milliards de dollars. Il vaut déjà maintenant personnellement plus que la valeur boursière de géants tels que Exxon Mobil Corp, Nike Inc. et McDonald’s Corp.

Jeudi, la valeur boursière de Tesla a augmenté de 200 milliards de dollars. Les actions de Tesla se vendaient à 1.487,49 dollars la pièce à la fin de la journée boursière. La valeur nette d’Élon Musk a triplé depuis la pandémie, dépassant la barre des 74 milliards de dollars. Cela fait de lui la cinquième personne la plus riche du monde. Le 21 juillet, Musk s’est qualifié pour un paiement d’options sur actions d’une valeur record de 2,1 milliards de dollars. C’est son deuxième jackpot depuis mai, en raison de la hausse de 275 pour cent de la valeur des actions de Tesla cette année.

Bezos et Musk ont tous deux été à l’avant-garde de la campagne qui vise à forcer les travailleurs à travailler dans leurs entrepôts et usines sans protection de base, alors même que le nombre de travailleurs qui meurent et sont infectés dans leurs installations continue d’augmenter. Une logique brutale en est le moteur: la classe ouvrière doit être forcée à pomper les profits nécessaires pour payer l’augmentation massive de la dette des gouvernements et des entreprises – qu’on a utilisée pour alimenter la bulle boursière irrationnelle et les paiements aux super-riches.

Les milliardaires se sont échappés vers leurs îles privées, leurs appartements et leurs yachts de luxe, tandis que les États-Unis enregistrent un décès de COVID-19 chaque minute et que la grande majorité de la population fait face à une détresse sociale sans précédent. Par contre, samedi soir dernier, les super-riches ont fait la fête dans les Hamptons, à moins de 160 kilomètres de New York, où près de 23.000 personnes ont péri de cette maladie mortelle. Les fêtards ont dépensé entre 2.500 et 25.000 dollars par personne pour un concert du PDG de Goldman Sachs, David Solomon. Selon CNN, «en plus de diriger l’une des plus grandes et des plus puissantes banques d’investissement du monde», Solomon «est également un DJ de la danse électronique à temps partiel. Il se fait appeler “D-sol” tout en tournant des disques dans des clubs de New York et de Miami».

La catastrophe sociale produite par la pandémie n’est pas un échec de la médecine moderne, mais un échec du capitalisme en tant qu’ordre social. Le COVID-19 n’a pas posé un défi inconnu à la science médicale; au contraire, on le prédisait pendant des décennies et on a étudié et affiné les contre-mesures nécessaires. Mais le déclenchement de la pandémie a posé un défi que le système de profit s’est avéré incapable de relever de manière humaine et rationnelle. Le capitalisme a conduit la classe ouvrière, et toute l’humanité, au désastre.

C’est la réponse incompétente, négligente et criminelle de la classe dirigeante à la pandémie qui a dominé la première moitié de 2020. C’est la réponse de la classe ouvrière aux États-Unis et sur le plan international qui dominera la seconde moitié de cette année. Des millions de travailleurs, y compris des enseignants qui s’opposent à la ruée imprudente vers la réouverture des écoles, entrent dans une bataille politique directe contre le gouvernement Trump et les deux partis capitalistes. Cette lutte doit être animée d’une compréhension claire du fait que la protection des vies et des moyens de subsistance nécessite une lutte révolutionnaire pour exproprier les fortunes privées des super-riches. Il faut établir le pouvoir ouvrier et mener à bien la réorganisation socialiste de la vie économique afin de répondre aux besoins de la grande majorité, et non de quelques riches.

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