Alors que Trump nomme une juriste d'extrême droite

Biden minimise le danger d'un coup d'État électoral

Le président Donald Trump a poursuivi ses plans de prise de pouvoir par les tribunaux lors des élections de 2020, alors que les responsables de la Maison-Blanche ont fait savoir vendredi soir qu'il allait nommer la juriste d’extrême droite Amy Coney Barrett samedi pour occuper le poste vacant à la Cour suprême créé par la mort de Ruth Bader Ginsburg.

L'intention de Trump est de bloquer le comptage des bulletins de vote par correspondance – qui devrait favoriser massivement son adversaire du Parti démocrate, Joe Biden – en demandant l'intervention de la Cour fédérale dans de nombreux États sur la base de fausses allégations de fraude électorale. Il espère que si ces affaires aboutissent devant la Cour suprême, une majorité de droite de 6 contre 3, dont trois juges qui lui doivent leur place, constituera une garantie fiable de succès, sur le modèle de la célèbre décision de 2000 dans l'affaire Bush contre Gore qui a installé George W. Bush à la Maison-Blanche.

Lorsque ce coup d’État politique provoquera inévitablement des manifestations de masse, Trump fera appel à la police et aux diverses forces paramilitaires fédérales, soutenues par l'armée américaine et les Marines, pour rétablir «l'ordre» dans les rues américaines. Sur cette base autoritaire, il entend consolider un régime fasciste et anti-ouvrier qui se livre à des attaques de grande envergure contre les droits démocratiques, les prestations sociales, l'emploi et le niveau de vie.

La réponse de Biden et de ses collègues démocrates à cette menace imminente de régime dictatorial a été d'écarter cette menace comme n'étant rien d'autre que du vent de la part de Trump, et que le peuple américain devrait l’ignorer.

Le candidat démocrate à la présidence Joe Biden s'exprime dans un centre de formation syndicale à Hermantown, au Minnesota, le 18 septembre 2020 [Source: AP Photo/Carolyn Kaster]

Dans une interview extraordinaire sur MSNBC avec Stephanie Ruhle, Biden a fait preuve d'une grande complaisance, rejetant les commentaires du président sur le fait de ne pas s'être engagé à un transfert pacifique du pouvoir comme «une distraction typique de Trump».

«Je suis convaincu que, malgré toutes les attaques irresponsables et scandaleuses contre le vote, nous aurons des élections dans ce pays comme nous l'avons toujours eu», a-t-il déclaré. «Et il partira.»

Il a ensuite eu un petit rire nerveux, comme si l'ancien vice-président ne pouvait s'empêcher de concéder que cette perspective était peu probable, voire ridicule.

Son commentaire est diamétralement opposé à ce que le candidat démocrate a dit il y a seulement trois mois. Dans une interview avec Trevor Noah le 10 juin, Biden a déclaré que sa «plus grande crainte» était que Trump tente de voler l'élection, mais qu'il comptait sur l'armée pour retirer Trump de force de la Maison-Blanche le jour de l'investiture de son successeur.

Lorsque Ruhle lui a demandé si Trump n'était pas un danger pour la démocratie, en raison du pouvoir de la présidence, Biden a répondu: «Eh bien, je pense simplement que le pouvoir du Bureau ovale dépend de ceux qui sont en autorité pour faire respecter ce qu'il dit. Il a déjà six membres de son administration qui ont été généraux quatre étoiles et ont occupé des postes importants dans la sécurité intérieure et autres, qui ont dit: «Cet homme n'est pas apte à être président»».

Il a poursuivi: «Je ne pense pas qu'il va faire en sorte que le FBI le surveille, que quelqu'un d'autre fasse appliquer quelque chose qui n'est pas réel. Ce qui m'inquiète, c'est la possibilité qu'il suscite une sorte de réaction, d'une manière qui déstabilise la société et provoque des violences».

Cet échange confirme que la véritable crainte du Parti démocrate n'est pas la menace que Trump fait peser sur les droits démocratiques du peuple américain, mais le danger que la tentative de Trump d'accéder à la dictature «déstabilise la société» et produise une rébellion massive venant d'en bas, de la classe ouvrière.

Ruhle a demandé: «Mais le 4 novembre prochain, nous savons que tous les votes ne seront pas comptés, et s'ils ne le sont pas, et que les gens sont enflammés et descendent dans la rue, que feriez-vous?»

Biden a déclaré: «Je ne vais même pas envisager cela, car je ne m'attends pas à ce que cela se produise. Qu'est-ce que je vais faire? Nous supposons que même un tribunal républicain réagirait de manière appropriée en fonction de la loi, et que nos amis démocrates et républicains au Congrès réagiraient.

«La dernière chose dont nous avons besoin est l'équivalent d'un coup d'État. Ce n'est pas ce que nous sommes. Personne ne le soutiendra quand cela se produira, si cela devait se produire. Je pense qu’au fond, il en parle ... pour nous détourner du sujet, et non pour parler de ce qui arrive aux personnes qui meurent du COVID ... C'est toujours une question de distraction avec lui, et je pense que c'est de cela qu'il s'agit.»

Cet argument est une tentative délibérée de bander les yeux de la classe ouvrière face aux grands dangers qui se posent maintenant dans une élection qui se déroule dans moins de 40 jours. Biden fait peut-être confiance à «un tribunal républicain» et à ses «amis démocrates et républicains au Congrès», mais aucun de ces dignes représentants ne lèvera le petit doigt pour défendre les travailleurs contre la violence sauvage d'une dictature de Trump appuyée par des fascistes.

Pas un seul démocrate de premier plan n'a appelé à des manifestations de masse contre les efforts effrontés de Trump de rester au pouvoir en ignorant le résultat des votes du peuple américain le 3 novembre. Au lieu de cela, comme l'a indiqué Biden, ils demandent l'intervention de «ceux en position d’autorité», surtout les militaires, pour destituer Trump et permettre à Biden et aux démocrates de prendre le pouvoir.

Les principaux démocrates sont sans aucun doute en pourparlers avec des personnalités du renseignement militaire pour connaître leur attitude au cas où Trump mettrait ses menaces à exécution. Le New York Times a publié sur son site web vendredi un long reportage intitulé «Au Pentagone, les craintes grandissent que Trump entraine l’armée dans des troubles électoraux».

Selon l'article, la crainte des responsables du Pentagone que «leur commandant en chef puisse ordonner aux troupes américaines de semer le chaos autour des prochaines élections» a conduit à «une intensification du débat dans l'armée sur son rôle si une élection contestée devait conduire à des troubles civils».

Le reportage du Times continue: «Les hauts dirigeants du Pentagone, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, ont reconnu qu'ils discutaient entre eux de ce qu'il faudrait faire si Trump, qui sera toujours président du jour des élections au jour de l'investiture, invoquait la loi sur l'insurrection et tentait d'envoyer des troupes dans les rues, comme il a menacé de le faire à plusieurs reprises lors des manifestations contre la brutalité policière et le racisme systémique».

L'article suggère que si Trump donnait un tel ordre, il y aurait des démissions massives parmi les hauts fonctionnaires civils et en uniforme, et conclut avec le fait que le général Mark Milley, président de l'état-major interarmées, avait mis fin jeudi à une séance vidéo de questions-réponses avec des soldats de la base en les exhortant à «garder la Constitution près de votre cœur».

Il va sans dire que si la démocratie américaine devait être sauvegardée en s'appuyant sur la tolérance militaire, alors on parlerait essentiellement d'une dictature militaire. Un président Biden installé à la Maison-Blanche dans de telles circonstances ne serait qu'une marionnette du Pentagone.

La trajectoire politique d'une telle administration démocrate a été suggérée par le dernier échange de l'interview de Biden sur MSNBC, qui s'est tourné, comme d'habitude avec les médias corporatifs, vers la dénonciation de la prétendue ingérence russe dans les élections. Ruhle a demandé à Biden: «Quel est votre message à Vladimir Poutine?»

L'ancien vice-président, qui a défendu et organisé les agressions impérialistes américaines dans le monde entier pendant près de 50 ans, a répondu: «Mon message à Vladimir Poutine est le suivant: si je suis élu, j’arrive, et voici ce qu’il en est. C'est une violation de notre souveraineté... Je vous promets qu'il y aura des conséquences, il y aura des conséquences si je gagne».

Ici, les alternatives offertes par le système bipartite capitaliste sont posées de façon frappante: soit un régime autoritaire sous le fasciste Trump, soit une administration du Parti démocrate qui se dirige vers une guerre contre le pays possédant le deuxième plus grand arsenal d'armes nucléaires. La classe ouvrière doit rejeter ce «choix» et préparer une véritable alternative, basée sur des politiques socialistes pour défendre les droits démocratiques, stopper la course à la dictature et prévenir la guerre impérialiste.

(Article paru en anglais le 26 septembre 2020)

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