La Cour du Québec tient audience sur la peine d’un fasciste condamné pour agression contre un «antifa»

Le 23 septembre dernier, la Cour du Québec tenait une audience pour établir la peine de Louis Fernandez, un membre du groupe anti-immigration Atalante. En juin 2020, Fernandez avait plaidé coupable à une accusation de voies de fait ayant causé des lésions à un jeune homme de 24 ans au cours d’une violente attaque non provoquée et clairement motivée par ses idées fascistes.

Le 14 décembre 2018, Fernandez avait accosté la victime dans un bar de Québec pour lui demander s’il était un «antifa» [anti-fasciste]. Ayant répondu par l’affirmative, la victime s’est vite retrouvée entourée par Fernandez et ses amis. Après avoir reçu un premier coup de poing au visage, le jeune homme a été violemment projeté au sol par Fernandez, qui lui a ensuite asséné un sauvage coup de pied à la tête. Lors de son arrestation quelques minutes plus tard, des autocollants d’Atalante ont été retrouvés sur Fernandez.

Atalante est un groupe ultra-nationaliste basé à Québec qui a été fondé par un néo-nazi notoire. Farouchement anti-immigration, le groupe propose la «rémigration», soit l’expulsion de tous les immigrants vers leur pays d’origine. Atalante se vante de former ses membres à la pratique de la boxe pour qu’ils défendent leurs idées fascistes dans la rue.

La violente attaque de décembre 2018 a laissé la victime, dont le nom a été tenu confidentiel pendant les procédures judiciaires pour éviter les représailles, avec un nez fracturé et une commotion cérébrale. Le jeune homme a également subi un choc post-traumatique qui affecte sa concentration et il a dû quitter Québec, sa ville natale, s’y sentant menacé et en danger.

Lors des représentations sur sentence, il a raconté à la juge Réna Émond que «depuis cet événement-là, je ne me vois plus habiter là [à Québec]. J’ai abandonné ma famille et mes amis. Depuis l’agression, je ne veux plus vivre là. […] J’adorais cette ville, maintenant elle me dégoûte.»

L’avocat de Fernandez a nié l’évidence, plaidant que l’attaque n’était pas un crime idéologique, mais une «erreur de gars saoul». De façon tout à fait contradictoire, il a admis les idées politiques de son client, mais prétendu qu’il n’était pas un «extrémiste». Il a réclamé une peine de 90 jours de prison à être purgée dans la communauté, ce qui ne serait ni plus ni moins que de cautionner l’acte de Fernandez.

Le procureur de la Couronne a plutôt pointé le «contexte» de l’attaque, à savoir son caractère politique et idéologique, pour demander à la juge une peine de 15 mois de prison, affirmant qu’il s’agissait d’un crime haineux. Il a plaidé que le tribunal devait se faire le «gardien des valeurs de notre société démocratique» devant «l’émergence de groupes radicaux qui menace les piliers de notre démocratie».

Mais, dans la lutte contre une montée de l’extrême-droite encouragée par la classe dirigeante, les travailleurs n’ont rien à attendre du système judiciaire qui, comme les autres institutions de l’État capitaliste, est complice de cette tendance.

En juin dernier, la Cour supérieure du Québec a acquitté le fondateur d’Atalante, Raphaël Lévesque, d’accusations irréfutables d’intimidation et de harcèlement à l’égard d’un journaliste. Le 23 mai 2018, Lévesque et six autres membres du groupe avaient envahi les locaux montréalais du média Vice Québec pour faire taire le journaliste Simon Coutu, lançant notamment des tracts dépeignant le mot «Vice» dégoulinant de sang.

Dans un jugement démontrant un biais politique et une vive sympathie envers l’accusé, la juge Joëlle Roy avait déclaré «qu’aucun acte criminel n’avait été commis» puisque le geste de Lévesque était «justifié et légitime», l’accusé n’ayant pas l’«intention de menacer ou d’intimider».

Durant le procès, la juge avait interdit au procureur de la Couronne de faire la preuve des idées politiques de l’accusé, de ses activités comme chanteur d’un groupe de musique néo-nazi et des paroles violement antisémites de ses chansons. Elle avait également reproché à l’avocat d’évoquer la grande ressemblance entre le logo d’Atalante et le drapeau des SS nazis.

La Couronne a ensuite renoncé à faire appel de l’acquittement de Lévesque sur les chefs d’accusation d’intimidation et de harcèlement, se contentant d’un appel circonscrit aux accusations moins significatives de méfait et d’introduction par effraction. De cette façon, elle n’aura pas à revenir sur le comportement de la juge et sur la preuve de l’allégeance néo-nazie de Lévesque.

Les agissements de Fernandez et de Lévesque, tout comme l’attitude des tribunaux, s’inscrivent dans un contexte politique et social bien défini. Devant les immenses tensions de classe provoquées par les inégalités sociales extrêmes, les politiques d’austérité et l’inaction criminelle des gouvernements face à la pandémie de COVID-19, l’élite dirigeante se tourne partout vers des méthodes autoritaires et cultive l’extrême-droite comme arme contre un mouvement de masse croissant de la classe ouvrière.

Cela trouve son expression la plus aiguë aux États-Unis où le président Trump mobilise la garde nationale pour réprimer les manifestations de masse contre les meurtres policiers, encourage la violence fasciste des milices d’extrême-droite qui le soutiennent, et complote ouvertement pour rester au pouvoir par un coup d’État électoral.

Au Canada, enhardis par la tolérance et par la sympathie dont l’élite dirigeante fait preuve à leur égard, les groupes d’extrême-droite comme Atalante et La Meute ont multiplié en toute impunité les actions publiques visant à promouvoir leur idéologie à caractère fasciste.

Les grands médias se font aussi complices de ces développements, par une couverture complaisante qui ignore ou minimise les dangers de l’extrême-droite au Canada. Ils cherchent à cacher le lien étroit qui existe entre l’émergence de ces groupes et la politique de réaction sociale poursuivie par l’élite dirigeante et tous les paliers de gouvernement – l’austérité capitaliste, l’assaut sur les droits démocratiques, le militarisme et la guerre impérialiste.

En juillet dernier, Corey Hurren, un réserviste de l’armée canadienne aux vues d’extrême-droite était lourdement armé lorsqu’il a foncé avec sa camionnette sur la grille d’entrée de Rideau Hall, la résidence officielle du premier ministre Justin Trudeau, dans l’intention de l’assassiner. Les grands médias ont minimisé les actions de Hurren et tenté de nier ses motivations politiques.

Depuis, le commandant de l’armée canadienne, le lieutenant-général Wayne Eyre, a dû admettre publiquement que le soutien pour l’extrémisme de droite grandit parmi les militaires, en déclarant: «Nous avons un problème avec l’activité d’extrême-droite partout dans l’armée».

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