Face à la remontée du virus, une tribune du Parisien dénonce le confinement

Le Parisien a publié une tribune le mois passé signée par 35 chercheurs, universitaires et médecins et intitulée «Covid-19: nous ne voulons plus être gouvernés par la peur».

Selon les signataires, cette peur résulterait de ce que les autorités politiques et sanitaires ont «une communication anxiogène qui exagère systématiquement les dangers sans en expliquer les causes et les mécanismes.» Ils appellent également «le gouvernement à ne pas instrumentaliser la science. La science a pour condition sine qua non la transparence, le pluralisme, le débat contradictoire, la connaissance précise des données et l'absence de conflits d'intérêts.»

Les signataires mettent en avant leurs qualités et compétences, en tant que scientifiques, universitaires de toutes disciplines et professionnels de santé, pour donner de l'autorité et de la respectabilité à leur propos. Mais ce n'est pas pour défendre une politique s'appuyant sur les acquis scientifiques pour lutter contre la pandémie. Il s'agit pour eux de s'opposer aux mesures de précaution encore en vigueur depuis le déconfinement.

La science est non seulement mise de côté, mais les acquis scientifiques les plus solides concernant comment contenir la pandémie sont disqualifiés, sans être examinés ni discutés. La tribune y substitue une tonitruante propagande pseudo-scientifique pour une politique de laissez-faire qui risque d’entraîner un nombre horrifiant de morts. Or, cette tribune ne fait qu’exprimer de manière concentrée les conceptions avancées par l’ensemble des médias français.

Selon les signataires, «Le confinement général, mesure inédite dans notre histoire, a eu des conséquences individuelles, économiques et sociales parfois terribles qui sont loin de s'être encore toutes manifestées et d'avoir été toutes évaluées. Laisser planer la menace de son renouvellement n'est pas responsable.» Plus loin le texte affirme même que «l'efficacité du confinement n'est pas démontrée scientifiquement.»

Pas un mot n'est consacré à présenter le terrible bilan humain de la Covid-19, alors que la pandémie, en pleine reprise en Europe et à l’international, a entraîné un million de décès au niveau mondial, 220.000 en Europe et plus de 31.000 décès en France. D'innombrables malades doivent envisager une longue convalescence, beaucoup auront des séquelles à vie.

Les signataires s'en moquent. A aucun moment la tribune ne cherche à expliquer pourquoi le confinement de mars 2020 a été mis en place, après un Conseil de défense où l’on a averti Macron du danger de centaines de milliers de morts en France. L’efficacité exceptionnelle du confinement pour briser la dynamique épidémique et sauver des millions de vies, en France et ailleurs où il a été instauré, resterait selon la tribune à démontrer.

Les signataires défendent en réalité un programme politique et économique bien défini. Ils représentent les milieux politiques et économiques dominants qui s'opposent à toute limitation de l'activité économique après le déconfinement. Les seules conséquences dont se préoccupe la tribune sont des effets négatifs directs ou indirects du confinement. Ceux-ci ne sont jamais contrebalancés par l'examen objectif de ses effets positifs en terme de décès et de cas graves évités.

Bien sûr, La tribune n’envisage jamais un confinement où travailleurs et petits entrepreneurs recevraient les aides nécessaires à survivre sans dégâts financiers le temps de la pandémie, limitant ainsi les pires conséquences de la pandémie.

A travers son titre, «Covid-19: nous ne voulons plus être gouvernés par la peur», cette tribune est un appel à mener campagne, non pour informer et assurer la sécurité de la population, mais pour la rassurer en lui mentant effrontément sur les risques qu'on lui fait courir.

Évidemment se pose la question de ce qui se passera lorsqu'elle s'apercevra qu'on l'a trompée. De ce point de vue, les considérations politiques au cœur de cette tribune sont particulièrement sinistres et antidémocratiques: «Par ailleurs, si la guerre peut parfois justifier un état d'urgence et des restrictions exceptionnelles de l'Etat de droit et des libertés publiques qui fondent la démocratie et la République, ce n'est pas le cas d'une épidémie.»

Ainsi, la limitation des libertés est refusée dans le seul cas où elle pourrait être légitime, pour protéger la population d'une catastrophe et sauver des masses de vies humaines. Les auteurs évoquent par contre la possibilité non seulement de limiter les libertés, mais de porter atteinte aux fondements même de la démocratie et de la République. Cette évocation n'a rien d'anodin, sachant que le capitalisme mondial travers actuellement non seulement sa plus grave sanitaire depuis plus d’un siècle, mais sa plus grave crise économique depuis les années 1930.

Que des chercheurs en sociologie et en science politique, des philosophes, et des médecins évoquent ouvertement et approuvent le cadre «légal» pour l’abolition des droits démocratiques souligne qu’ils participent au glissement vers l’extrême droite de toute la classe dirigeante. Ce glissement a vu les déclarations de Trump qu’il ne respectera pas le verdict des urnes le mois prochain, et de Macron en 2018 de son admiration pour le dictateur collaborationniste Philippe Pétain.

La tribune ne fait aucune critique de la politique calamiteuse menée par Macron avant le confinement de mars ou depuis le déconfinement. La tribune réserve ses attaques aux partisans des mesures de précaution. Il s’agit en effet de donner un caractère irréversible à la politique de déconfinement menée par Macron.

Alors que les milieux scientifiques et l'OMS alertent depuis plusieurs semaines d'une deuxième vague épidémique en plein hiver en Europe, qui pourrait être plus grave que la première et étendue à tout le territoire en France, la tribune nie ce risque: «Nous ne sommes pas en guerre mais confrontés à une épidémie qui a causé 30 décès le 9 septembre, contre 1.438 le 14 avril. La situation n'est donc plus du tout la même qu'il y a 5 mois.»

Ce sont des propos que Jean-François Toussaint, professeur de physiologie à l’Université de Paris et l’un des coauteurs de la tribune avait déjà tenu (dans une interview du 10/08 à 4'), presque à l'identique un mois plus tôt. Il omet de dire que le nombre de décès a triplé depuis.

Plutôt qu'une donnée isolée non mise en contexte, il faut évidemment étudier la dynamique de l'épidémie, au niveau national et international pour pouvoir formuler des hypothèses sérieuses. Au moment de l'interview de Toussaint du 10 août, on était en France au point le plus bas de l'épidémie avec 66 décès du 3 au 10 août. C’était le creux de la vague, avant le redémarrage épidémique dans plusieurs pays européens, à présent dénoncée par l’OMS.

La seule différence significative avec l'épidémie de février-mars est que le temps de doublement des cas et de la mortalité est plus long. Mais avec la volonté de déconfinement de Macron et de son gouvernement, le refus de toute mesure de protection sérieuse, la reprise épidémique est irrésistible, comme le montre l'augmentation continue des cas à l'hôpital et en réanimation.

La tribune refuse de présenter une évaluation sérieuse de la dynamique épidémique en cours. Aucune mesure sanitaire susceptible d'enrayer l'épidémie n'y est présentée ou défendue. En s'opposant au confinement, en occultant la gravité de la pandémie de Covid-19 et le rebond épidémique en cours, cette tribune est un soutien aux partisans de l'immunité de groupe qui veulent laisser l'épidémie frapper une majorité de la population.

Par son refus des données et acquis scientifiques, son caractère irrationnel et confus, elle encourage la diffusion des fausses nouvelles dont elle prétend s'inquiéter. Lorsqu’il s’agit de justifier une relance de l’activité économique mettant en danger les vies de millions de travailleurs à l’échelle européenne, n’importe quel texte, quel que soit sa médiocrité, fait l’affaire.

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