Perspective

Les Démocrates et les médias bourgeois cachent le rôle de Trump dans le coup d’État du Michigan

Dans les 24 heures qui ont suivi l’annonce de l’inculpation de treize fascistes du Michigan ayant comploté de kidnapper et de tuer la gouverneure de cet État, Gretchen Whitmer, la presse bourgeoise a fait disparaître l’affaire des premières pages. On est en train de dissimuler les vastes implications de ce complot et ses liens avec la stratégie de Trump, qui vise à faire de l’élection un coup d’État.

Vendredi matin, les articles sur la conspiration du Michigan avait pratiquement disparu des éditions en ligne du Washington Post et du New York Times. Ni le Times ni le Post – les principaux journaux politiquement alignés sur le Parti démocrate – n’ont publié d’éditorial sur cette conspiration. Sur les chaînes d’information télévisées, on l’a traitée comme une partie mineure du cycle de l’actualité.

Les candidats Démocrates, Joe Biden et Kamala Harris, n’ont pas publié de déclaration majeure sur le complot et n’y ont même pas fait référence lors d’un meeting électoral jeudi soir à Phoenix, en Arizona.

Le Parti démocrate et la presse patronale n’ont soulevé aucune question sur le rôle potentiel des conseillers fascistes de Trump ou sur qui leur avait fourni l’argent pour planifier leur opération et acheter leur matériel. Contrairement au Watergate, on ne mènera ni enquête ni audition du Congrès sur les liens entre les comploteurs et des agents hauts placés du gouvernement Trump et de sa périphérie. Aucun Démocrate n’a exigé qu’on cite à comparaître Roger Stone, Stephen Miller, Steven Bannon, Erik Prince ou tout autre conseiller ayant des liens avec des groupes fascistes. Le Parti démocrate nous dit: «Circulez, il n’y a rien à voir.»

Un manifestant de droite porte son fusil au Capitole de l'État à Lansing, Michigan, lors d'une manifestation contre Whitmer le 30 avril [Crédit: AP Photo/Paul Sancya]

La rapidité avec laquelle l’establishment politique a dissimulé est inversement proportionnelle à la quantité des informations indiquant nettement que les événements du Michigan n’est qu’une partie d’une conspiration en cours au plan national. Il y a en Amérique un danger clair et présent de dictature. Les travailleurs doivent exiger des réponses aux questions sur les liens des comploteurs avec la Maison-Blanche, le Parti républicain et leurs puissantes sources d’argent trouble dans l’élite au pouvoir.

Les seules déclarations significatives sur le cadre plus large de la conspiration sont venues de responsables du Michigan. La procureure générale de l’État, Dana Nessel, a déclaré vendredi à MSNBC: «Je vais vous dire ceci: cela pourrait très bien être la partie visible de l’iceberg. Je n’ai pas l’impression que notre travail ou celui des autorités fédérales soit terminé. Et je pense qu’il y a encore des individus dangereux en circulation».

S’exprimant hier dans l’émission «Good Morning America» sur ABC, Whitmer a averti: «Je ne suis pas le seul gouverneur à vivre cela… Je ne suis pas la seule dans ce cas.»

Aucune des deux responsables n’a donné de détails sur ce qu’elles savaient. Cependant, il est clair que les menaces de tuer des gouverneurs et de lancer des insurrections se concentrent sur les États contestés, ayant des législatures républicaines et des gouverneurs démocrates: le Michigan, la Caroline du Nord, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Ces États sont la pierre angulaire de la stratégie de Trump pour réaliser un coup d’État.

  • En mai, le site web Salon a signalé que la police enquêtait sur des milices organisées, armées de fusils d’assaut, qui menaçaient le gouverneur de Caroline du Nord Roy Cooper sur ses mesures de confinement. Des manifestants anti-confinement ont été acheminés en bus dans la capitale de l’État avec «le soutien enthousiaste d’agents et de méga-donateurs républicains – dont l’un a offert de payer les voyages en bus des manifestants».
  • Le 11 mai, en Pennsylvanie, on a accusé un jeune homme de 28 ans d’avoir organisé un groupe armé pour tuer le gouverneur Démocrate, Tom Wolf. Le lendemain, le 12 mai, Trump tweetait: «Le grand peuple de Pennsylvanie veut sa liberté maintenant et il est pleinement conscient de ce que cela implique.»
  • Dans le Wisconsin, le tireur fasciste Kyle Rittenhouse a tué par balles deux manifestants à Kenosha le 23 août, lors de manifestations contre le meurtre de Jacob Blake par la police. Rittenhouse faisait partie du réseau de milices fascistes qui était alors descendu sur la ville. Trump a fait l’éloge de Rittenhouse et a défendu ses actes, écrivant que celui-ci «était en grande difficulté» et qu’ « on l’aurait probablement tué».

Des menaces similaires ont été proférées contre les gouverneurs démocrates d'autres États.

  • Hier, une station de radio de Louisiane (qui n’est pas considérée comme un État contesté) a rapporté que «plus de 30 groupes désignés comme “groupes de haine” ou milices antigouvernementales comme le groupe arrêté la semaine dernière dans le Michigan» mettaient en danger la vie du gouverneur Démocrate John Bel Edwards.
  • En janvier, lorsque plus de 10.000 miliciens se sont rassemblés à Richmond, la capitale de l’État de Virginie, le gouverneur démocrate Ralph Northam a déclaré qu’il disposait de «renseignements crédibles» selon lesquels les manifestants «pourraient être armés et avoir pour but non pas un rassemblement pacifique, mais la violence, les émeutes et l’insurrection». Un député de l’État, Lee Carter, membre des Socialistes démocrates d’Amérique (DSA), a dû fuir la capitale vers un lieu sûr en raison de menaces contre sa vie.

Le 17 septembre, le directeur du FBI Christopher Wray a déclaré à la Chambre des représentants que son agence menait «un peu plus de 1.000 enquêtes sur la violence d’extrême droite cette année». C’est «plus» que la normale, a-t-il déclaré. La menace posée par les milices d’extrême droite était «à la hauteur de celle de l’État Islamique».

Le lendemain, Trump a menacé de renvoyer Wray pour ses commentaires, disant: «Je n’ai pas aimé ses réponses d’hier», et «Antifa est mauvais, vraiment mauvais».

Le témoignage de Wray et les récentes menaces contre d’autres gouverneurs démocrates dans les États contestés soulèvent de sérieuses questions. Que montrent les autres enquêtes en cours (plus de 1.000)? Combien de groupes fascistes se mobilisent pour mener une insurrection en novembre prochain? Quels sont les prochains gouverneurs visés? Qui sont les autres personnalités sur leurs «listes de gens à tuer»?

Sur toutes ces questions, les démocrates et leurs principaux porte-parole dans les médias restent silencieux. En revanche, le Wall Street Journal, partisan de Trump, est passé à l’offensive. Il a publié un éditorial sur le complot du Michigan qui qualifie le régime de Whitmer de «gouvernement d’État trop ambitieux». Il l’accuse d’avoir «outrepassé son autorité légale dans la pandémie, et souvent de manière arrogante», dénonce ensuite Whitmer pour avoir accusé Trump et reprend la déclaration de celui-ci qu’elle aurait dû remercier le «Ministère de la Justice de Trump».

Le silence des Démocrates et des médias sur ce qui est la conspiration la plus avancée de l’histoire américaine pour renverser la Constitution ne peut être compris qu’en termes de classe. La principale préoccupation du Parti démocrate, un parti de Wall Street et de factions dans l’appareil militaire et de renseignement, est que la classe ouvrière prenne conscience de l’énorme danger et agisse de manière indépendante.

Mercredi, après le départ de Trump du Walter Reed Medical Center, le site Internet le World Socialist Web Site a expliqué qu'il devait retourner rapidement à la Maison Blanche parce que ses conspirations politiques en cours ne pouvaient être orchestrées depuis un lit d'hôpital. Tout en notant la crise extrême du gouvernement Trump, le WSWS a écrit:

Il y a un facteur qui joue en faveur de Trump: la duplicité, la couardise et le caractère fondamentalement réactionnaire du Parti démocrate. Les Démocrates ne peuvent pas s’attribuer le mérite de la crise de l’administration Trump. Plutôt que de dévoiler ses complots, ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour étouffer l’opposition de masse à ses conspirations fascistes et dissimuler le danger de dictature.

La réaction des Démocrates à la tentative de coup d’État du Michigan révèle une fois de plus leur rôle politique. Ils veulent s’assurer que cette crise politique sans précédent reste entièrement confinée à un conflit au sein de la classe dirigeante et de son État.

S’opposer au complot de Trump contre l’Amérique signifie couper l’herbe sous les pieds des aristocrates financiers qui complotent et conspirent contre les droits démocratiques de la population. Cette tâche incombe à la classe ouvrière qui produit toutes les richesses de la société et est obligée d’aller travailler et de s’éduquer dans des conditions meurtrières. C’est ette puissante force sociale qui doit mener l’opposition à la tentative de Trump d’instaurer une dictature.

(Article paru d’abord en anglais le 10 octobre 2020)

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