Dernier débat présidentiel: les candidats gardent le silence sur la menace de coup d’État de Trump

Le dernier débat entre le président Trump et son adversaire démocrate, l’ancien vice-président Joe Biden, a délibérément exclu la question la plus importante posée par la campagne électorale présidentielle de 2020. On ne saurait jamais dire, après 90 minutes de querelles, de salissage et de mensonges incessants, que l’élection se déroule dans l’ombre d’une menace de coup d’État politique.

Le président des États-Unis, Donald Trump, a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne s’engagerait pas à accepter le résultat du vote qui se termine le jour du scrutin, le 3 novembre. Il a dénoncé les bulletins de vote par correspondance, que plus de la moitié des électeurs devraient utiliser en raison de préoccupations sanitaires liées à la pandémie de coronavirus, comme étant frauduleux et illégitimes.

Le deuxième et dernier débat présidentiel entre Donald Trump et Joe Biden, jeudi 22 octobre 2020, à l’université de Belmont à Nashville, Tennessee. (AP Photo/Morry Gash, Pool)

Trump a pris la mesure sans précédent de nommer une nouvelle juge à la Cour suprême, Amy Coney Barrett, avec l’intention d’accélérer sa confirmation d’ici lundi prochain afin qu’elle puisse être présente à la cour pour statuer en son nom lorsque le parti républicain contestera le comptage de millions de bulletins de vote par correspondance ou formulera d’autres demandes qui visent à supprimer le vote.

Le président a appelé à la mobilisation de dizaines de milliers de «surveillants de scrutin» pour qu’ils se rendent aux bureaux de vote et centres de dépouillement dans les zones fortement démocrates dans un effort effronté pour intimider les électeurs et les décourager de voter. Dans le Michigan, où une dizaine de fascistes ont été arrêtés il y a seulement deux semaines alors qu’ils préparaient activement l’assassinat de la gouverneure démocrate de l’État, les groupes pro-Trump hurlent parce que les autorités électorales de l’État ont interdit le port ouvert de fusils d’assaut et d’autres armes à feu dans les bureaux de vote.

Mais par la décision de tous ceux qui ont participé à la préparation et à la conduite du débat – Trump, Biden et la modératrice, Kristen Welker de NBC News – pas un mot n’a été dit sur aucune de ces questions pendant 90 minutes. On n’a pas mentionné ni le nom de la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, la démocrate qui aurait été victime d’un meurtre politique, ni la nomination de la juge Barrett par Trump, ni ses menaces de rejeter le résultat de l’élection et de refuser de transférer le pouvoir pacifiquement s’il perd.

Lors du débat vice-présidentiel qui s'est tenu il y a deux semaines, la modératrice Susan Page a attendu la dernière question pour s'enquérir du refus de Trump de s'engager à un transfert pacifique du pouvoir. La sénatrice Kamala Harris et le vice-président Mike Pence ont tous deux éludé la question.

Comme l’a noté le WSWS à l’époque, «C’est la question des questions. En effet, c’est le seul problème sérieux qui subsiste dans une élection où le vote a déjà commencé et doit se terminer le 3 novembre…»

Maintenant que Trump continue de trainer derrière Biden dans les sondages nationaux et dans les principaux États «contestés», moins de deux semaines avant la fin du vote, la question est encore plus critique. La raison du silence de Trump est évidente: il remue ciel et terre pour préparer une confrontation à partir du 3 novembre. Qu’est-ce qui explique le silence des grands médias, représentés par Welker, et de l’aile démocrate de l’élite au pouvoir, représentée par Biden?

Les démocrates sont bien conscients de l’intention de Trump de défier les résultats du vote et de mobiliser ses partisans dans une guerre politique, juridique et physique contre une défaite électorale de plus en plus probable. Ils sont en pourparlers intenses avec les responsables de l’appareil de renseignement militaire, et des démocrates de premier plan ont ouvertement appelé les dirigeants militaires à ne pas cautionner le refus de Trump de quitter ses fonctions.

Les démocrates sont déterminés à ce que la crise politique soit réglée dans le cadre de l’État capitaliste, l’appareil de sécurité nationale devant mener la barque. Ce qu’ils craignent le plus, c’est que les actions de Trump provoquent l’intervention politique indépendante des travailleurs et des jeunes aux États-Unis et à l’étranger. Cela aurait des conséquences dévastatrices pour le capitalisme américain, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

D’où leur refus d’appeler à des manifestations de masse contre les efforts déployés par les républicains du Sénat pour obtenir la confirmation d’une nouvelle juge à la Cour suprême quelques jours seulement avant l’élection, et leur silence sur le complot d’assassinat du Michigan et d’autres indicateurs de violence fasciste pendant et après l’élection.

C’est clair qu’on a pris des décisions de haut niveau pour exclure ces questions du débat. Au lieu de cela, dans le monde à l’envers créé par les mensonges officiels, rediffusés sans critique par les médias, Kristen Welker a posé une question qui présentait la Russie, la Chine et l’Iran comme les principales menaces pour le bon déroulement du vote du 3 novembre – et non le président qui se tenait sur la scène à seulement quelques pas d’elle.

Elle a demandé ce que chaque candidat ferait pour empêcher les puissances étrangères d’interférer dans l’élection, permettant ainsi à Trump et à Biden d’émettre des menaces belliqueuses contre les pays qui sont les principales cibles de l’impérialisme américain, tout en ignorant le fait que Trump a déclaré à de nombreuses reprises qu’il ne respecterait pas le résultat du vote.

Selon ce qui semble être une loi de physique politique, moins les candidats parlent des véritables enjeux de l’élection, plus ils descendent dans les caniveaux, avec un torrent de calomnies, d’attaques personnelles et de mensonges éhontés.

Trump et Biden n’ont pu dire la vérité que lorsqu’ils ont accusé l’autre de politiques qui ont porté préjudice aux intérêts des travailleurs. En fait, si on mesurait la société américaine uniquement selon ce qu’ils disaient l’un de l’autre, l’image qui en résulterait serait celle de la dévastation totale.

Biden a souligné les 220.000 morts du coronavirus aux États-Unis, le pire impact de la pandémie de tous les pays du monde, à cause de l’incompétence, l’indifférence et le sabotage délibéré de toute réponse efficace de santé publique.

Trump a harcelé Biden à plusieurs reprises pour avoir échoué, pendant les huit années du gouvernement Obama-Biden, à accomplir l’une des réalisations que Biden promet maintenant d’accomplir s’il retournait au pouvoir.

C’est significatif que Biden ne ressente pas le besoin de feindre une quelconque sympathie pour l’aile Sanders du Parti démocrate, ou les millions de gens qui ont soutenu le sénateur du Vermont parce qu’ils veulent un changement radical à gauche. Il s’est vanté de son rejet de toute réforme significative du capitalisme américain.

La seule conclusion à tirer pour les travailleurs et les jeunes qui assistaient à ce spectacle dégoûtant, visant à les désarmer face au danger fasciste et à les noyer dans la boue politique, est que la classe ouvrière doit rompre avec tout le système des deux partis et construire une alternative socialiste révolutionnaire.

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