L'arrêt de la Cour suprême sur les bulletins de vote par correspondance prépare le terrain pour des élections volées

Lundi, la Cour suprême des États-Unis a jugé que l’État du Wisconsin, qui fait partie des États «champ de bataille» clés dans les élections, ne peut pas compter les bulletins de vote par correspondance envoyés avant le jour du scrutin mais reçus après la date de l’élection (le 3 novembre).

Cette jugement de la Cour suprême prive des centaines de milliers d’électeurs du Wisconsin du droit de vote et légitime l’affirmation de Trump que le vote par correspondance est «frauduleux». Vingt ans après son jugement, tristement célèbre, dans l’affaire Bush contre Gore qui a donné l’élection à George Bush, cette haute cour prépare maintenant une autre élection volée.

C’est un jugement purement politique sans véritable fondement juridique. Au début de l’année, la Cour suprême avait décidé, en ce qui concerne les élections primaires du Wisconsin, que l’État pouvait accepter des bulletins de vote qui portent le cachet du jour de l’élection — le contraire de la décision d’hier, la seule différence est que la suppression du vote aide maintenant Trump.

Bâtiment de la Cour suprême des États-Unis (Crédit image: Wikipedia: Joe Ravi)

Dans un avis concordant avec la majorité, Brett Kavanaugh, une nomination de Trump, a fait écho aux déclarations de Trump sur la fraude électorale, en écrivant: «Les États veulent éviter le chaos et les soupçons d’irrégularités qui peuvent s’ensuivre si des milliers de bulletins de vote par correspondance affluent après le jour du scrutin et risquent d’inverser les résultats d’une élection».

Peu importe les «soupçons d’irrégularités» que des dizaines de millions d’Américains ont sur les gens nommés par Trump qui jettent d’innombrables bulletins de vote dans des conditions où le vote en personne présente un risque important pour la santé. Le Wisconsin est lui-même un épicentre mondial de la pandémie de coronavirus. Alors que les hôpitaux de l’État se remplissent et que le nombre des cas monte en flèche, la Cour suprême ordonne effectivement aux électeurs de n’exercer leur droit de vote qu’en risquant la mort.

La Cour suprême légitime les mensonges de Trump sur une fraude électorale et apportent un soutien politique à son plan qui vise à mobiliser les milices d’extrême droite pour empêcher le décompte des bulletins de vote par correspondance.

Lors d’un discours prononcé lundi à Allentown, en Pennsylvanie, Trump a de nouveau clairement indiqué que la remise en cause de la validité des bulletins de vote par correspondance était essentielle à sa stratégie:

«Avec ces bulletins, qui les envoie, qui les reçoit, qui les renvoie, qui les signe? C’est ridicule. C’est la seule façon pour nous de perdre. Une fraude massive. Et c’est ce qui se passe parce que vous le voyez dans tout le pays. Des milliers et des milliers de bulletins de vote. Et les bulletins militaires qui ont été jetés dans une poubelle avec le nom de Trump dessus?»

Quelques heures après la publication de l’arrêt de la Cour suprême, Trump tirait profit de l’arrêt de la Cour suprême en tweetant: il y a «de gros problèmes et des divergences avec les bulletins de vote par correspondance dans tout le pays. [On] doit avoir le total final le 3 novembre».

Des avocats qui soutiennent la réélection de Trump s’efforcent actuellement de porter plainte contre toute mesure étatique qui pourrait faciliter le vote, en particulier dans les États «champ de bataille».

Les Républicains de Caroline du Nord en ont appelé à la Cour suprême pour annuler la décision d’une cour d’appel autorisant l’État à compter les bulletins de vote par correspondance après le jour du scrutin, à condition qu’ils soient envoyés avant cette date, le cachet de la poste faisant foi.

Au Nevada, la campagne Trump se bat pour empêcher le comté densément peuplé de Clark (où se trouve Las Vegas) de compter les bulletins de vote par correspondance sous prétexte que les signatures des électeurs ne correspondent pas exactement aux signatures figurant dans la base de données de l’État. Dans le Michigan, une contestation de droite de l’ordonnance de la secrétaire d’État Jocelyn Benson, qui interdit le port d’armes à feu à moins de 30 mètres des bureaux de vote, fait actuellement son chemin devant les tribunaux de l’État. Benson a émis l’ordre en réponse au complot visant à kidnapper et à tuer la gouverneure démocrate de l’État, Gretchen Whitmer.

En Pennsylvanie, la Cour suprême, divisée 4 contre 4, a décidé la semaine dernière qu’elle n’entendrait pas une contestation par la campagne Trump de la décision de cet État d’accepter les bulletins de vote par correspondance avant le 6 novembre si le cachet de la poste indique le jour du scrutin. Cependant, la confirmation hier soir d’une neuvième juge, Amy Coney Barrett, signifie maintenant que Trump dispose des cinq voix nécessaires pour faire marche arrière, prendre l’affaire en main et rejeter des milliers de bulletins de vote supplémentaires.

La décision du Wisconsin aura des implications majeures sur le résultat du vote. Même dans des conditions de vote normales, les bulletins de vote postés le jour du scrutin, le cachet de la poste faisant foi, mais reçus après coup, constituent une part substantielle du vote.

En 2016, 80.000 personnes dans le Wisconsin ont voté de cette manière (ces votes ont été comptés cette année-là), et l’élection a été déterminée par 20.000 votes. Cette année, la pandémie a entraîné un nombre record de votes par correspondance, ce qui signifie que le nombre total de personnes privées de leur droit de vote dans le seul Wisconsin sera bien plus élevé.

En attendant, Trump et son ami le ministre des Postes Louis DeJoy s’efforcent de ralentir systématiquement la distribution du courrier afin de retarder l’arrivée du plus grand nombre possible de bulletins de vote par correspondance. Cet été, le service postal a retiré 671 machines de tri sans préavis. Fin juillet, le service postal américain a publié une lettre avertissant que 186 millions d’électeurs dans 46 États et à Washington D.C. recevraient une «mise en garde accrue» de retard de distribution.

Le Washington Post a indiqué mardi que le courrier ralentissait encore dans les jours qui précédant l’élection: «Le service postal continue à être à la traîne, en particulier dans certains états qui pourraient décider de qui contrôle la Maison-Blanche».

Dans l’est du Michigan, seulement 71,5 pour cent du courrier de première classe a été distribué à temps pendant la semaine du 16 au 22 octobre. Dans la ville très démocrate de Philadelphie, 76,9 pour cent seulement ont été distribués à temps, alors que la Pennsylvanie occidentale, moins démocrate, a enregistré un taux de ponctualité de 87,3 pour cent. Un taux de ponctualité de 90 pour cent est considéré comme médiocre.

Il est révélateur que le juge qui a fait prêter serment à Coney Barret fût Clarence Thomas, le dernier Républicain encore présent à la cour depuis la décision de l’affaire Bush contre Gore en 2000. Dans son avis, Kavanaugh cite favorablement le jugement, la première fois qu’un juge s’y réfère dans une opinion majoritaire ou un accord. La majorité des cinq juges, consciente du caractère illégal et politique de sa décision de 2000, a jugé que sa propre décision n’avait aucune valeur de précédent.

C'est le Parti démocrate qui a rendu possible une autre élection volée.

Dans le sens le plus immédiat, il n’a pas monté d’opposition substantielle aux efforts de Trump pour nommer les juges les plus droitiers à la Cour suprème.

La confirmation de Coney Barrett, lundi, n’a été possible que parce que le Parti démocrate n’a pas rien fait pour ralentir les rouages du processus parlementaire pendant une semaine, jusqu’au lendemain du jour des élections. Kavanaugh est à la Cour suprème parce que le Parti démocrate n’a fait aucun effort pour révéler son bilan droitier et s’est bien plutôt concentré entièrement sur des allégations d’agression sexuelle non prouvées, datant de plusieurs décennies. La confirmation de Clarence Thomas a été obtenue par la marge la plus étroite en 1991, en grande partie parce que le sénateur du Delaware, Joe Biden, avait soumis Anita Hill — qui avait présenté des preuves concrètes que Thomas l’avait agressée sexuellement — à un contre-interrogatoire humiliant lors des audiences de confirmation.

Mais dans un sens plus large, le Parti démocrate est complice du complot de Trump pour voler les élections parce qu’il s’est efforcé de le cacher à la population et de minimiser le danger de dictature. Le Parti démocrate est silencieux sur les plans fascistes qui visent à kidnapper et tuer des gouverneurs en exercice. Il ne fait aucun critique des efforts actuels de Trump pour ralentir le courrier, et il appelle au «calme» car Trump menace ouvertement les Démocrates de violence physique. Les «Démocrates» sont guidés avant tout par la crainte que toute référence à la défense des droits démocratiques les plus fondamentaux ne déclenche une vague d’opposition d’en bas qu’ils ne pourront contrôler. Au lieu de cela, ils s’opposent à Trump par des méthodes d’intrigue de palais, en négociant avec des généraux, des financiers et des agents de renseignements dans le dos de la population.

(Article paru d’abord en anglais le 28 octobre 2020)

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