Tandis que le total des votes explose aux États-Unis, Trump et les républicains cherchent à bloquer le comptage

Six jours avant le jour du scrutin, quelque 70 millions de personnes ont déjà voté, soit par anticipation, soit par correspondance. C’est un chiffre qui représente plus de la moitié de la participation totale en 2016, année où 138 millions de personnes ont voté. En 2020, on s’attend à ce que 160 millions de personnes votent, dont 100 millions par anticipation ou par correspondance.

Bien que les bulletins de vote restent secrets et non ouverts, la plupart des États indiquent le nombre de démocrates, de républicains et d’indépendants inscrits qui ont déjà voté. Ces chiffres suggèrent une énorme avance pour le Parti démocrate – ce qui n’est pas surprenant, étant donné les efforts déployés par la campagne Trump pour dénigrer le vote par correspondance et pour écarter les craintes relatives au coronavirus. Mais ceci est la principale raison de la montée en flèche du vote anticipé.

Le président Donald Trump s’exprime lors d’une conférence de presse dans la salle James Brady (AP Photo/Andrew Harnik)

Selon un décompte publié lundi par le Washington Post, de nombreux États fortement démocrates ont déjà vu le nombre de votes anticipés atteindre 60 pour cent de la participation totale en 2016, notamment Washington (67 pour cent), le Colorado (62 pour cent), l'Oregon (58 pour cent), le Massachusetts (50 pour cent) et la Californie (48 pour cent). En revanche, de nombreux États fortement républicains ont des votes anticipés avec un pourcentage de participation beaucoup plus faible qu’en 2016, notamment le Missouri (19 pour cent), l'Oklahoma (14 pour cent), l'Alabama (7 pour cent) et le Mississippi (5 pour cent).

On constate significativement que les chiffres du vote anticipé se trouvent extrêmement élevés dans les États les plus disputés, ce qui indique que les électeurs de ces États suivent les recommandations de vote des campagnes Biden plutôt que Trump.

Le chiffre le plus remarquable est celui du Texas, où 7,4 millions de personnes ont déjà voté, plus que dans tout autre État, et qui représente 82 pour cent du total des votes de 2016. Cela suggère que la participation électorale dans le deuxième plus grand État, longtemps dominé par le Parti républicain, monte en flèche, en particulier dans les zones urbaines où l’hostilité envers Trump et l’ultraconservatisme est plus répandue.

Parmi les autres États contestés où le nombre de votes anticipés est élevé par rapport au total des votes de 2016, citons la Caroline du Nord (67 pour cent), l’Ohio (66 pour cent), le Nevada (66 pour cent), la Floride (63 pour cent) et l’Arizona (60 pour cent). Il y a quatre ans, Trump les a remportés tous, sauf le Nevada.

Tout indique qu’à l’ouverture des bureaux de vote le jour du scrutin, les trois quarts des voix du Parti démocrate seront déjà prêts à compter, tandis que les républicains domineront le vote en personne le même jour. Cela explique pourquoi la campagne Trump cherche à disqualifier le plus grand nombre possible de bulletins de vote par correspondance et de votes anticipés en personne, par le biais de fausses allégations de fraude.

Ces efforts ont le soutien de la majorité de droite à la Cour suprême des États-Unis. Cela a été démontré dans la décision de mardi où la Court Suprême a annulé une décision d’une cour inférieure qui autorisait l’État du Wisconsin à compter les bulletins de vote par correspondance qui arrivaient jusqu’à neuf jours après le 3 novembre, à condition qu’on les ait postés avant ou au moins le jour du scrutin. Le comptage de ces bulletins en retard est une tentative de compenser le ralentissement délibéré du courrier par le service postal américain sous la direction du copain de Trump et du collecteur de fonds républicain Louis DeJoy.

En soutenant ce jugement scandaleux et réactionnaire, le juge Brett Kavanaugh a cité la décision de justice de 2000 dans l’affaire Bush contre Gore. Ce jugement 5 contre 4 qui a attribué les votes électoraux de Floride et la présidence au républicain, George W. Bush, bien que le démocrate, Al Gore, avait remporté le vote populaire dans tout le pays et aurait été le vainqueur probable en Floride si l’on avait compté tous les votes. C’est la première fois que l’on cite l’affaire Bush contre Gore comme un précédent. Cela indique que la majorité de droite de la Cour fera tout ce qui est en son pouvoir pour attribuer l’élection de 2020 à Donald Trump.

Les gouvernements des États sous la direction des républicains cherchent à fabriquer un prétexte pour supprimer le plus grand nombre possible de bulletins de vote par correspondance. Ils ont interdit aux fonctionnaires électoraux de compter ou de traiter ces bulletins avant le jour du scrutin, puis ont exigé qu’ils fournissent les résultats «définitifs» dans la nuit suivant la fermeture des bureaux de vote. Cela obligerait les fonctionnaires électoraux à compter tous les bulletins de vote par correspondance en une seule journée, ce qui est pratiquement impossible, car les bulletins que la poste a traités sont souvent froissés, pliés ou endommagés, et donc ne peuvent pas être introduits dans les machines à compilation et doivent être comptés à la main.

Dans certains comtés de Pennsylvanie dirigés par les républicains, les fonctionnaires ont même décidé de ne commencer à compter les bulletins de vote par correspondance qu’une fois que tous les bulletins en personne avaient été comptés. Compte tenu de la division partisane des méthodes de vote, cela revient à compter d’abord tous les votes républicains, tout en laissant les votes démocrates à la fin, si le temps le permet.

Dans le Michigan, l’Assemblée législative de l’État à majorité républicaine a rejeté les demandes qui visaient à ce que les 2,1 millions de bulletins de vote par anticipation et par correspondance, un chiffre record, soient comptés avant le jour du scrutin, tout en gardant le décompte secret. Au lieu de cela, ils ont donné aux fonctionnaires électoraux seulement 24 heures supplémentaires pour traiter les bulletins de vote par correspondance non ouverts – en retirant les enveloppes extérieures, en vérifiant les signatures – mais sans ouvrir le bulletin de vote proprement dit ni comptabiliser les votes.

La campagne antidémocratique la plus systématique est peut-être celle menée par le gouvernement de l’État du Texas, dont les 38 votes électoraux sont à la base de tout effort des républicains pour remporter le Collège électoral. Mardi, la Cour suprême du Texas a rendu un arrêt qui confirme l’ordonnance du gouverneur du Texas, Greg Abbott, qui limite le nombre de boîtes de dépôt des bulletins de vote par correspondance à une par comté.

Cela signifie que le comté rural de Loving, dans l’ouest du Texas, qui compte moins de 100 habitants, a autant de boîtes de dépôt que le comté de Harris qui comprend la ville de Houston, avec une population de 4,7 millions d’habitants. Cette différence sera cruciale, car les bulletins de vote mis à la poste à partir de maintenant ne seront probablement pas livrés avant le 3 novembre. Ainsi, les électeurs qui les rempliront devront les apporter à la boîte de dépôt du comté s’ils veulent qu’ils arrivent à temps pour être comptés.

Néanmoins, le jugement de 17 pages du tribunal a avancé l’argument spécieux que la politique d’Abbott «ne priverait personne de son droit de vote», car les électeurs pourraient toujours poster leurs bulletins de vote.

Lundi, la Garde nationale du Texas a annoncé qu’elle se préparait à envoyer jusqu’à 1000 soldats dans cinq grandes villes – Houston, Dallas, Fort Worth, Austin et San Antonio – pour renforcer la police en cas de troubles suite aux élections du 3 novembre. Les officiers de la garde ont comparé cette action au déploiement ordonné par le gouverneur Abbott à la suite des nombreuses protestations contre les violences policières qui ont éclaté après le meurtre policier de George Floyd en mai dernier.

(Article paru en anglais le 29 octobre 2020)

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