Le gouvernement conservateur de l'Alberta sabre les soins de santé en pleine pandémie de COVID-19

La propagation rapide et incontrôlée de la COVID-19 dans tout le Canada s'exprime de façon particulièrement nette en Alberta, où plus de 500 nouvelles infections sont signalées chaque jour dans une province comptant moins de 4,4 millions d'habitants. Mercredi, les autorités de santé publique ont indiqué que l'origine de 67 % des nouvelles infections est inconnue.

Au milieu de ce désastre sanitaire et social, le premier ministre Jason Kenney et son gouvernement provincial ultraconservateur du Parti conservateur uni (UCP) lancent des attaques sauvages contre le système de santé publique, notamment des réductions radicales des dépenses et des emplois, ainsi que des privatisations.

Début octobre, le ministre de la Santé de l'UCP, Tyler Shandro, a dévoilé un plan visant à supprimer 11.000 emplois dans le secteur public des soins de santé, notamment ceux des brancardiers, du personnel de restauration, des nettoyeurs et des administrateurs. Parmi ces emplois, 9700 doivent être sous-traités à des entreprises privées à but lucratif, et 800 autres supprimés entièrement. Soulignant l'opposition généralisée de la classe ouvrière à cette attaque, plusieurs milliers de travailleurs de la santé ont organisé une grève sauvage dans des dizaines d'hôpitaux et d'établissements de soins de santé de l'Alberta le lundi 26 octobre.

Les licenciements et la sous-traitance ne sont qu'un élément d'une attaque concertée contre les soins de santé publics, qui vise à jeter les bases de l'épanouissement d'une médecine privée à but lucratif. Cette priorité donnée au profit des entreprises sur les vies humaines va de pair avec la politique meurtrière d'«immunité collective» du gouvernement Kenney, qui a laissé toutes les écoles et les grandes entreprises ouvertes malgré la résurgence de la pandémie. Le gouvernement Kenney avait auparavant minimisé le risque du virus, en le comparant à la grippe. Il a reçu les éloges du nouveau chef du parti conservateur fédéral, Erin O'Toole, pour son refus d'imposer des restrictions, même limitées, à la vie sociale et économique afin de freiner la propagation du virus.

De nombreux médecins, infirmières et autres travailleurs ont exprimé leur soutien à la grève sauvage des travailleurs de l'hôpital du 26 octobre en rejoignant leurs piquets de grève. (Source:The Progress Report)

En février, le gouvernement UCP a mis fin au contrat-cadre existant avec les médecins et a imposé des changements dans les frais de facturation et de compensation, ce qui a fait perdre à certains médecins ruraux entre 20 et 60 % de leur revenu brut.

Selon les médecins, deux changements particuliers en matière de financement les obligent à retirer leurs services: le montant de la rémunération des médecins travaillant dans les hôpitaux est réduit d'environ 20 % sur la base de la rémunération à l'acte; et la province réduit son remboursement des primes d'assurance responsabilité médicale. La Dre Christine Molnar, présidente de l'Association médicale de l'Alberta (AMA), a averti que ces changements entraîneront des réductions de services qui «seront horribles pour les femmes enceintes – en particulier celles qui vivent dans les communautés rurales».

Les médecins albertains sont sans accord-cadre depuis avril dernier, et des enquêtes réalisées par l'AMA suggèrent que 42 % de ses membres envisagent de quitter l'Alberta. En réponse à ce mécontentement, l'UCP veut modifier les règles du Collège des médecins et chirurgiens de l'Alberta afin d'empêcher les médecins de quitter leur cabinet en même temps, et d'exiger que les médecins fassent un «effort raisonnable» pour trouver un nouveau médecin à leurs patients avant de fermer leur cabinet. Le Dr Ian Walker, s'exprimant au nom du Collège des médecins et chirurgiens de l'Alberta, a déclaré: «Je recommande que notre organisation s'oppose à la directive du ministre et demande une consultation juridique pour déterminer si ce changement proposé résisterait à une contestation judiciaire».

Parmi les autres coupes importantes dans les soins de santé et les services sociaux connexes, on peut citer:

• La réduction de 72 millions de dollars canadiens de la couverture des médicaments pour les personnes âgées et l'imposition de mesures visant à rendre plus difficile l'admissibilité des personnes âgées;

• Une réduction effective de 500 millions de dollars canadiens du financement des services de santé de l'Alberta;

• Une réduction de 135 millions de dollars canadiens du financement des hôpitaux;

• Une réduction de 53 millions de dollars canadiens du budget pour l'entretien et la rénovation des installations et des logements pour les personnes âgées;

• L'élimination de 105 millions de dollars canadiens des dépenses prévues pour l'entretien et le renouvellement des établissements de santé.

Ces mesures d'austérité sauvages ont été accompagnées de coupes sombres dans l'éducation et d'autres services sociaux essentiels. Dans son premier budget complet, le gouvernement a annoncé une réduction des dépenses publiques par habitant de 10 % ou plus sur quatre ans, en termes réels, et il fait pression pour que les 180.000 travailleurs du secteur public de la province subissent des réductions de salaire allant jusqu'à 5 %.

Citant la pandémie de coronavirus comme prétexte, l'UCP a réduit en mai dernier tous les fonds destinés aux salaires des non-enseignants des commissions scolaires de l'Alberta, entraînant la mise à pied d'au moins 20.000 assistants d'enseignement et membres du personnel d'entretien et autre personnel de soutien.

L'assaut du gouvernement Kenney sur les soins de santé et les services publics en général vise à générer les fonds nécessaires pour offrir des réductions d'impôts et des subventions massives aux super-riches. Le gouvernement a déjà procédé à une énorme réduction de l'impôt sur les sociétés en juillet, le réduisant d'un tiers en une seule fois, de 12 à 8 %. En outre, des milliards de dollars de fonds publics ont été remis aux grandes compagnies pétrolières pour soutenir les bénéfices des sociétés dans un contexte de crise du secteur de l'énergie.

Dans le même temps, la décimation des soins de santé publics produite par les mesures d'austérité impitoyables du gouvernement sera utilisée comme prétexte pour exiger leur ouverture aux soins à but lucratif. Lors de l'assemblée générale annuelle de l'UCP du mois dernier, les délégués ont voté à 53 % contre 47 % en faveur de la création d'un système de soins de santé financé et géré par le secteur privé. Connue sous le nom de Politique 11, la motion en faveur d'un «volet» privé totalement à but lucratif du système de santé albertain déclarait sans ménagement: «Les soins de santé constituent la plus grande dépense budgétaire. Les événements récents ont montré à quel point le système est vulnérable aux fluctuations de la demande».

Le rejet cynique par l'UCP de l'impact de la pandémie sur le système de santé comme «fluctuations de la demande» illustre le mépris de l'élite dirigeante pour la vie des travailleurs. La réalité est que le système de santé en Alberta, comme dans tout le Canada, a été chroniquement sous-financé pendant des décennies par des gouvernements dirigés par tous les partis de l'establishment, y compris les néo-démocrates (NPD).

Si l'UCP se sent encouragé à poursuivre son attaque de guerre des classes contre les services publics, c'est avant tout grâce au rôle des syndicats et des néo-démocrates. Pendant ses quatre années au pouvoir, le gouvernement néo-démocrate de Rachel Notley, soutenu par les syndicats, a imposé l'austérité dans les dépenses de santé. Dans une politique qu'il a appelée «réduire la courbe des coûts», le gouvernement néo-démocrate a maintenu les augmentations budgétaires en dessous du taux d'inflation et de la croissance démographique. Aujourd'hui, les syndicats et les sociaux-démocrates travaillent sans relâche pour contenir et réprimer toute opposition populaire aux coupes budgétaires de Kenney, en exhortant les travailleurs à lancer des appels futiles à l'UCP pour qu’il change de cap.

L'Alberta Union of Public Employees (AUPE) a traité la grève sauvage des travailleurs de la santé du mois dernier comme un simple coup de relations publiques. Après que le gouvernement ait, comme on pouvait s'y attendre, demandé et obtenu une ordonnance de la commission des relations de travail propatronale interdisant la grève, l'AUPE a immédiatement accepté cette décision antidémocratique et a utilisé la menace d'une action pénale pour inciter les travailleurs à reprendre leur travail dès le lendemain.

Désireux de prévenir une explosion de l'opposition de la classe ouvrière, dont la grève sauvage n'était qu'une première expression, la Fédération du travail de l'Alberta (AFL), les Infirmières unies de l'Alberta et plusieurs autres syndicats ont lancé une campagne «Stand up to Kenney» deux jours après la grève. Invoquant de façon démagogique les grévistes, le président de l'AFL, Gil McGowan, a affirmé qu'ils «nous ont montré ce qui est possible. Mais ils ne peuvent pas le faire seuls».

Loin de proposer un programme de lutte concret, les syndicats exhortent les travailleurs à visiter individuellement un site web pour signer une «promesse» selon laquelle ils sont prêts à «tenir tête à Kenney» et à se joindre à des rassemblements et des protestations à l'échelle de la province «qui pourraient inclure des actions de travail ou des grèves appelées dans le futur»: une formulation qui n'engage les bureaucrates syndicaux à rien du tout.

Si une véritable lutte doit être menée contre l'attaque de l'élite au pouvoir sur les soins de santé en pleine pandémie, les travailleurs doivent faire valoir leurs propres intérêts de classe indépendants en opposition aux syndicats procapitalistes. Ils doivent mettre en place des comités de sécurité de la base sur chaque lieu de travail et dans chaque quartier pour exiger l'annulation de toutes les coupes dans les soins de santé et la mise à disposition de milliards de dollars pour soutenir le système de santé et les travailleurs tout au long de la pandémie.

(Article paru en anglais le 5 novembre 2020)

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