Perspective

En Géorgie, Trump incite à la violence fasciste

Dans son premier discours au cours d’un meeting depuis sa défaite à l’élection présidentielle de novembre 2020, le président sortant Donald Trump a appelé à renverser le résultat de l’élection. Il a exigé une «vengeance» contre ses opposants politiques et a parlé d’envoyer «les militaires dans» les villes de «gauche radicale».

Trump a prononcé ce discours lors d’un meeting de campagne qui visait à promouvoir les candidats républicains aux deux sièges du Sénat américain en jeu dans un second tour de scrutin prévu pour le 5 janvier 2021. Mais le véritable but de la venue de Trump était de faire avancer ses propres plans pour un coup d’État politique contre l’élection du 3 novembre, remportée par le démocrate Joe Biden, l’ancien vice-président et actuel président élu.

«Si vous voulez leur faire quelque chose, je ne veux pas utiliser le mot vengeance mais c’est une vengeance, aux démocrates, vous vous présentez et votez en nombre record», a déclaré Trump. En parlant de «vengeance», Trump envoyait un signal. Ces dernières semaines, les partisans de Trump ont menacé et terrorisé les responsables électoraux des deux partis en Géorgie, ce qui a conduit le principal responsable électoral du pays, un républicain, à avertir: «Quelqu’un va se faire tuer».

Le président Donald Trump s’exprime lors d’un meeting de campagne pour les candidats républicains au Sénat, la sénatrice Kelly Loeffler et le sénateur David Perdue, à l’aéroport régional de Valdosta, le samedi 5 décembre 2020, à Valdosta, Ga. (Photo AP/Evan Vucci)

Trump a alors déclaré: «Toutes les villes de la gauche radicale se trouvent dirigées par les démocrates. Si je devais recommencer, j’aurais envoyé les militaires». Il s’agissait d’une référence à son discours du 1er juin, lorsqu’il a menacé d’invoquer la loi sur l’insurrection de 1807 et de déployer des troupes contre les manifestations anti-violences policières de masse. Trump n’a reculé qu’en raison de la réticence des gradés du Pentagone, qui estimaient que les plans de loi martiale n’étaient pas suffisamment préparés et menaçaient de déclencher une guerre civile.

Ces dernières semaines, Trump a pris un certain nombre de mesures qui visent à établir son contrôle personnel sur l’armée. Le mois dernier, il a licencié le secrétaire à la défense Mark Esper, l’un de ceux qui avaient résisté à l’utilisation de l’armée à l’intérieur, en le remplaçant par Christopher Miller, un officier des forces spéciales à la retraite; et il a envoyé une demi-douzaine de loyalistes à des postes clés au Pentagone.

Nombre d’entre eux ont des opinions ouvertement fascistes, y compris Scott O’Grady, un ancien pilote de chasse, aujourd’hui secrétaire adjoint à la Défense pour les affaires de sécurité internationale. Celui-ci avait retweeté son soutien à une déclaration de la loi martiale pour supprimer un prétendu «coup» du Parti démocrate et avait dénoncé les critiques de Trump au Parti démocrate et dans l’armée comme des «socialistes» et des «traîtres».

La semaine dernière, le lieutenant général de l’armée à la retraite, Michael Flynn — le premier conseiller à la sécurité nationale — que Trump a gracié le 25 novembre, a tweeté son soutien au groupe fasciste «Nous, le peuple» (We, the people). Ce groupe a demandé à Trump de déclarer la loi martiale «et de suspendre temporairement la Constitution et le contrôle civil de ces élections fédérales, dans le seul but de faire superviser un nouveau vote par les militaires».

Trump, malgré avoir perdu par sept millions de voix et une marge décisive au Collège électoral, a refusé de céder. Il a bien plutôt utilisé sa défaite électorale pour mobiliser ses partisans fascistes contre ceux qu’il appelle «socialistes» et «communistes».

«Espérons que nos législateurs et la Cour suprême des États-Unis interviendront et sauveront notre pays», a dit Trump à la fin de son discours de Géorgie.

Jusqu’à présent, ni les dirigeants législatifs des États républicains ni les juges nommés par les républicains ne sont intervenus pour tenter de renverser les États gagnés par Biden, et ce dernier a déjà reçu la certification des plus de 270 votes électoraux requis pour avoir la majorité au collège électoral.

Mais un sondage publié par le Sunday Washington Post montre que sur 249 sénateurs et représentants républicains, seuls 27 étaient prêts à reconnaître que Biden avait gagné l’élection. Les principaux républicains de la capitale américaine sont clairement disposés à suivre le refus persistant de Trump de concéder l’élection et ses efforts anticonstitutionnels pour renverser les résultats du vote populaire dans chaque État.

La réponse des démocrates aux efforts de Trump pour inciter à la violence fasciste et renverser la Constitution est caractérisée par une totale passivité. Biden n’a rien dit des incessantes contestations de Trump concernant son statut de président élu. Les leaders démocrates du Congrès répandent la complaisance, assurant au public que les efforts de Trump pour renverser le résultat de l’élection du 3 novembre ne sont qu’une simple coup de colère.

Dick Durbin, le whip de la minorité au Sénat, a été le premier démocrate à apparaître dans les interviews télévisés du dimanche et a montré un manque d’intérêt total pour une réponse aux efforts de Trump pour inverser le résultat de l’élection. «Joe Biden va prêter serment en tant que prochain président des États-Unis le 20 janvier», a-t-il déclaré. «Dans les jours qui restent, nous allons être en session à Washington; j’espère que nous ne nous embarquerons pas davantage dans ce débat».

Lorsque son interlocuteur George Stephanopoulos lui a posé une question évidente — comment Durbin pouvait-il engager des négociations avec les républicains du Sénat sur un projet de loi de relance alors qu’ils ne reconnaissent même pas le résultat de l’élection — Durbin a simplement réitéré son soutien à «un effort bipartite». Stephanopoulos n’a pu que remarquer, faisant référence au refus de Trump de concéder, «il est vraiment difficile de surestimer la nature extraordinaire de ce que nous sommes en train de voir».

Le New York Times a répondu à la tirade de Trump sur la Géorgie en publiant un éditorial intitulé «The Decency Agenda», appelant Biden à ne pas tenir compte du danger que représente la droite fasciste. Biden devait «réduire l’intensité des guerres culturelles», écrit le Times, et trouver «un terrain d’entente politique» avec le Parti républicain.

La principale préoccupation du Parti démocrate n’est pas la menace d’une dictature fasciste, mais la croissance de l’opposition populaire. Depuis son élection, Biden a doté son cabinet d’hommes d’affaires de droite et de bellicistes et il fait clairement savoir qu’il poursuivra les efforts de Trump pour maintenir les écoles et les entreprises ouvertes en dépit d’une pandémie qui fait rage.

Tous ceux qui ont affirmé qu’un gouvernement Biden rejetterait les politiques de Trump et laisserait «de l’espace» à une politique de gauche ont, comme on pouvait s’y attendre, eu totalement tort.

Trump et les démocrates représentent les intérêts sociaux des oligarques financiers qui ont énormément profité de ses réductions d’impôts et de sa déréglementation, et qui considèrent de plus en plus la démocratie comme une menace mortelle pour leur richesse accumulée.

C’est l’élite des entreprises qui a soutenu la politique d’«immunité collective» qui consiste à forcer des millions de travailleurs à retourner au travail et à la production de profits pour les capitalistes, peu importe le danger que cela représente pour leur santé et leur vie. Une politique appliquée non seulement par le gouvernement Trump mais aussi par les gouvernements des États et des collectivités locales, tant républicains que démocrates.

Biden a lui aussi promis à Wall Street qu’il n’y aurait pas de confinement, pas de recul sur la campagne de «retour au travail» et de «retour à l’école». Au cas où il vacillerait, sous la pression de l’augmentation exponentielle du nombre de décès dus au coronavirus, les médias d’entreprise pourraient facilement changer de ton et trouver plus crédibles les allégations de «fraude électorale» de Trump, et les principaux porte-parole de l’élite au pouvoir pourraient commencer à remettre en question la transition vers un gouvernement Biden.

Il est tout à fait possible que les dirigeants démocrates réagissent à un refus catégorique de Trump de quitter ses fonctions en se contentant de lancer des appels à une intervention du leader républicain au Sénat, Mitch McConnell, ou à la majorité républicaine de droite à la Cour suprême.

Quoi qu’il arrive dans les six semaines qui nous séparent de la date d’inauguration,il est absolument clair que rien ne sera résolu le 20 janvier.

Il faut combattre la menace de dictature fasciste en toute indépendance du Parti démocrate, à travers une lutte contre l’ensemble de l’oligarchie financière et industrielle et contre le système capitaliste. Une telle lutte exige que la classe ouvrière prenne le pouvoir entre ses propres mains et restructure la vie économique sur la base de l’égalité et du socialisme.

(Article paru d’abord en anglais le 7 decembre 2020)

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