Des sénateurs républicains demandent à Trump de déclarer la loi martiale pour renverser la victoire électorale de Biden

Au cours des 48 dernières heures, deux sénateurs républicains, Bob Steinburg de Caroline du Nord et Amanda F. Chase de Virginie, ont déclaré, par le biais de messages publics sur Facebook et d’interviews ultérieures, que le président Donald Trump devrait suspendre les libertés civiles et déclarer la loi martiale afin de rester au pouvoir. Les deux sénateurs de l’État ont répété les affirmations sans fondement de Trump concernant la fraude électorale généralisée et diverses autres conspirations de droite. Steinburg s’est fait réélire à la Chambre des représentants l’année dernière, tandis que Chase est candidate au poste de gouverneur de la Virginie.

Dans un message publié sur Facebook mardi, Steinburg a réitéré les commentaires faits plus tôt ce mois-ci par le lieutenant général retraité de l’armée de l’air, Thomas McInerney, suggérant que Trump invoque l’Insurrection Act de 1807, déploie des soldats et suspende l’habeas corpus. Dans une interview accordée au WRAL mardi soir, Steinburg a affirmé qu’il ne faisait que «proposer des options qui, selon d’autres, restent encore sur la table», bien qu’il ait ajouté plus tard qu’il accueillerait favorablement un coup d’État, insinuant qu’une vaste conspiration était à l’œuvre contre Trump.

Donald Trump s’exprime lors d’un rassemblement (Wikimedia Commons/Gage Skidmore)

«Il y a quelque chose qui se passe ici, plus important que ce dont tout le monde est prêt à parler», a déclaré Steinburg au WRAL. «Je ne suis pas fou… Je ne suis pas un adepte de la théorie du complot… mais quelque chose se passe ici qui dépasse l’entendement.» Sans qu’on lui demande, Steinburg a proposé de subir une évaluation psychiatrique, alléguant que la CIA et le FBI étaient au courant du coup d’État contre Trump mais ne voulaient rien faire.

Steinburg n’a pas été capable d’articuler ce qu’était l’habeas corpus, déclarant qu’il ne faisait que «répéter ce que le général a dit». Cependant, lorsque les journalistes du WRAL ont expliqué que la suspension de l’habeas corpus permettrait à l’État de détenir des personnes indéfiniment sans procès, Steinburg a répondu: «Si c’est ce qu’on doit faire, si des personnes qui sont soupçonnées de crimes et de délits graves, qui menacent la sécurité et les fondements mêmes de notre nation… pour la durée qu’il faudra, alors oui».

Ces remarques de représentants élus surviennent alors que Trump continue de défier la certification du collège électoral de lundi et le fait que le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell a reconnu la victoire du président élu, Joe Biden. Malgré tout, Trump poursuit ses efforts pour renverser les résultats de l’élection, en prétendant que sa défaite était frauduleuse et en incitant ses partisans à agir contre ceux qui prétendent le contraire.

Dans un message Twitter publié tôt mercredi matin, Trump a averti Mitch McConnell que les gens étaient «en colère» après qu’il ait félicité Joe Biden pour sa victoire au Sénat mardi. Trump a exhorté le Parti républicain à «enfin apprendre à se battre».

Trump a été rejoint dans ses encouragements de violence par ses alliés fascistes au sein et autour du Parti républicain. La nouvelle députée républicaine de Géorgie et théoricienne du complot des QAnon, Majorie Taylor Greene, a tweeté mardi: tous les «républicains» qui ne se battent pas pour la victoire écrasante de Trump en 2020 soutiennent la prise de contrôle des États-Unis par le Parti communiste chinois».

L’avocat L. Lin Wood, qui représente Trump, ainsi que le tireur fasciste de l’Illinois Kyle Rittenhouse ont également incité à la violence fasciste contre McConnell, lançant une menace raciste et xénophobe contre la femme sino-américaine du sénateur et actuelle ministre des Transports, Elaine Chao, en tweetant que «Mitch McConnell n’est pas un patriote. Demandez à sa femme. Elle le sait».

Wood a ajouté: «McConnell est un traître aux patriotes américains. Le jour de son jugement arrive».

Des menaces de violence lors de la certification des résultats du collège électoral de lundi ont incité les responsables électoraux en Arizona à organiser le vote dans un «lieu non divulgué», tandis qu’à Lansing, au Michigan, la police a interdit l’accès au capitole, et le corps législatif n’était pas en session en raison de nombreuses menaces ciblées.

Les demandes fascistes des républicains de tout le pays réfutent les affirmations du président élu Biden, lundi, selon lesquelles la démocratie américaine est «résistante, vraie et forte». Biden n’a pas répondu aux dernières menaces violentes, offrant plutôt des platitudes vides sur Twitter, affirmant que «la démocratie l’a emporté» et que «rien n’est au-delà de ce que l’Amérique peut faire si nous travaillons ensemble».

Les allégations répétées de Trump concernant la fraude électorale avant et après le 3 novembre ont déjà entraîné des violences réelles contre des personnes qui n’avaient rien à voir avec l’élection.

À Houston, au Texas, l’ancien capitaine de police, Mark Anthony Aguirre, 63 ans, a été accusé mardi de voies de fait graves avec une arme mortelle pour avoir fait sortir de la route un réparateur de climatiseurs et l’avoir tenu sous la menace d’une arme, en se basant sur des soupçons que l’homme transportait 750.000 bulletins de vote frauduleux.

L’incident a eu lieu deux semaines avant l’élection du 19 octobre. Trois jours avant l’incident, Aguirre avait parlé avec un lieutenant du bureau du procureur général du Texas, Ken Paxton, pour demander à la police de procéder à un contrôle routier du véhicule. Sa demande a été refusée et Aguirre a décidé de procéder lui-même à une «arrestation citoyenne» sur la base de la déclaration sous serment.

Les procureurs affirment qu’Aguirre ne travaillait pas seul et qu’il avait été payé plus de 260.000 dollars par un groupe privé appelé «Liberty Center for God and Country». La déclaration sous serment indique qu’Aguirre a reçu environ 211.400 dollars du groupe à la suite de l’incident. S’adressant à CNN, Jared Woodfill, le président du groupe, a déclaré que l’organisation et l’influent Steve Hotze, un républicain de Houston, ont engagé une entreprise privée dont faisait partie Aguirre et un «ancien enquêteur du FBI» pour se pencher sur les allégations de fraude électorale.

Hotze avait précédemment déposé une requête avant l’élection pour invalider 127.000 bulletins de vote déposés dans le comté de Harris par le biais du vote à l’auto. Plus tôt cet été, le Texas Tribune a obtenu un message vocal que Hotze avait laissé pour le chef de cabinet du gouverneur du Texas Greg Abbott, Luis Saenz.

Dans ce message vocal, Hotze exigeait que l’on tue en masse des manifestants qui protestaient contre les violences policières suite au meurtre de George Floyd le 25 mai dernier. Il a exigé qu’Abbott fasse venir la «Garde nationale et qu’elle ait l’ordre de tirer pour tuer si l’un de ces fils de pute commence à se soulever comme à Dallas, à démolir des entreprises: tirer ces fils de pute pour qu’ils meurent». C’est la seule façon de rétablir l’ordre. Tuez-les. Merci».

Hotze a également fait campagne contre les mesures limitées prises par le gouvernement et les responsables de la santé au Texas pour endiguer la propagation du coronavirus contestant les mandats de masques devant les tribunaux et en propageant des théories du complot autour du virus. Souvent donateur du Parti républicain, Hotze a intenté un procès à Abbott en avril pour avoir imposé le confinement à la maison. En mai, il a demandé à la Cour suprême du Texas d’annuler une loi qui donne au gouverneur de larges pouvoirs exécutifs pour répondre aux catastrophes. En juillet, il a poursuivi l’État pour son programme de recherche des contacts et un mandat de port de masques dans tout l’État.

La subordination de tous les aspects de la société aux intérêts lucratifs de la classe dirigeante n’a pas seulement fait des États-Unis le leader mondial en matière de décès dus aux coronavirus, soit plus de 314.000 décès au moment où nous écrivons ces lignes. Elle a également entraîné une nouvelle érosion du système de santé publique, déjà délabré et en ruine, avec les retraites, les mises à pied et les démissions en masse: un système assiégé par des éléments violents de droite qui ont l’appui de puissants intérêts de classe.

Au Kansas, les administrateurs de la santé publique et même les maires se trouvent contraints de démissionner après des mois de lutte contre le harcèlement et les menaces violentes des fanatiques de droite. Mardi, le maire de Dodge City, Joyce Warshaw, a annoncé sa démission après avoir reçu une avalanche de menaces de mort à la suite d’un récent article de USA Todayqui détaillait les souffrances et les décès dans les petites villes, telles que Dodge City, suite à la politique d’«immunité collective» criminelle de la classe dirigeante.

S’adressant au Washington Post, Warshaw a déclaré que les menaces étaient «fortes… agressives, et qu’elles m’effrayaient, ainsi que ma famille. Une partie de moi veut dire que ce ne sont que des mots. Mais les gens sont en colère en ce moment, et je n’en suis pas sûre».

Danielle Swanson, une administratrice de la santé publique de Republic County, Kansas, a déclaré à l’Associated Press (AP) qu’elle prévoyait de démissionner dès qu’un nombre suffisant de ses employés atteints de la COVID-19 sortiraient de l’isolement. Swanson a raconté qu’elle avait reçu des courriers haineux et des menaces de mort en mains propres. «C’est très stressant. C’est dur pour moi; c’est dur pour ma famille que je ne vois pas».

Dans le Michigan, Linda Vail, une fonctionnaire de la santé du comté d’Ingham, a déclaré avoir reçu des courriels et des lettres chez elle qui l’avertissent qu’elle serait «démise comme le gouverneur», une référence au complot fasciste d’enlèvement et d’assassinat contre la gouverneure démocrate Gretchen Whitmer qui a été démasqué plus tôt cette année.

Au total, au moins 181 responsables de la santé publique au niveau des États et des collectivités locales dans 38 États ont démissionné, pris leur retraite ou ont été licenciés depuis le début de la pandémie, selon une enquête menée par l’Associated Press (AP) et le Kaiser Health News. AP note que ce serait «le plus grand exode de responsables de la santé publique de l’histoire des États-Unis».

(Article paru en anglais le 17 décembre 2020)

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