Tandis que le système de santé canadien croule sous la demande, les gouvernements rejettent les mesures visant à contenir la COVID-19

Alors que les infections à la COVID-19 continuent d'augmenter au Canada, les avertissements sur l'incapacité du système de santé à faire face à la situation se multiplient. Le nombre de patients en soins intensifs dans les hôpitaux de l'Ontario a dépassé le pic de la première vague de la pandémie lundi dernier et se rapproche rapidement du niveau auquel le gouvernement provincial de Doug Ford a reconnu qu'il sera impossible de maintenir des soins de santé adéquats pour les personnes souffrant d'autres maladies ou blessures.

En date du 21 décembre, 285 patients COVID-19 étaient hospitalisés dans les unités de soins intensifs de l'Ontario, soit plus que les 283 enregistrés au point culminant du printemps. Lorsque le nombre de patients aux soins intensifs COVID-19 dépassera 300, ce qui devrait se produire dans les 10 prochains jours, les autorités sanitaires disent qu'elles ne pourront plus garantir des niveaux de soins réguliers pour les autres patients.

La crise est particulièrement grave dans la région de Peel, où environ la moitié des patients en soins intensifs des deux hôpitaux de Brampton et de Mississauga sont atteints de la COVID-19.

Bien que la province affirme que 400 lits de soins intensifs restent disponibles pour les patients, les professionnels de la santé soulignent que tous ne peuvent pas être utilisés en raison du manque de personnel. «Seulement 15 % du travail que nous faisons est électif. Nous ne pouvons pas modifier 85 % des choses qui nous arrivent. Ce sont les traumatismes, les chirurgies cardiaques, les chirurgies pour le cancer, les transplantations et nous ne pouvons pas les annuler», a expliqué le Dr Michael Warner, directeur médical des soins intensifs à l'hôpital Michael Garron. «Notre capacité à nous adapter est donc limitée principalement par le nombre d'infirmières hautement qualifiées dont nous disposons et ces infirmières sont en grave pénurie en ce moment. Nous devons reprendre le contrôle de la situation».

La situation est tout aussi grave en Alberta, où le gouvernement du Parti conservateur uni a annoncé au début du mois son intention de créer des hôpitaux de campagne capables de traiter jusqu'à 750 patients. À Edmonton, l'unité de soins intensifs de l'hôpital pour enfants Stollery a été transformée en une unité de soins pour les patients adultes atteints de COVID-19, les enfants étant transférés dans une unité de soins intensifs en cardiologie. Les services de santé de l'Alberta ont également signalé que quatre éclosions de COVID-19 sont en cours dans des hôpitaux de la zone de Calgary, et que le Fort Saskatchewan Community Hospital fermera son unité de naissance et d'accouchement pour libérer de l'espace sur les lits. Les patientes enceintes devront parcourir plus de 30 kilomètres pour se rendre à l'établissement de soins le plus proche.

Au Québec, le ministre de la Santé Christian Dubé a annoncé que des lits sont ajoutés dans des établissements «non traditionnels», notamment des hôtels, pour faire face à une augmentation de la demande qui a vu le nombre de patients atteints du coronavirus augmenter de 50 % au cours des trois dernières semaines. Avec le nombre de patients atteints de COVID-19 recevant des soins hospitaliers qui dépasse maintenant le millier, dix des hôpitaux de la province sont sur le point de déborder, a déclaré Dubé.

En Colombie-Britannique, le gouvernement envoie trois «unités de soins alternatifs» dans les régions de l'île de Vancouver, du Northern Health et du Fraser Health pour faire face à la demande écrasante de lits d'hôpitaux. Ces unités sont des conteneurs d'expédition composés de 40 lits qui peuvent être utilisés pour établir des centres de soins d'urgence de base dans des gymnases, des centres communautaires et d'autres bâtiments. La semaine dernière, la province a enregistré un nouveau record de 361 patients hospitalisés, dont 93 en soins intensifs, un autre record tragique.

Aussi épouvantable que soit la crise des soins de santé, les estimations suggèrent que la situation va se détériorer considérablement dans les semaines à venir. Une nouvelle modélisation de l'Ontario montre que d'ici le 24 janvier, l'Ontario connaîtra 5000 infections quotidiennes à la COVID-19, soit plus du double de la moyenne actuelle de 2100 sur sept jours, si les infections continuent à augmenter de 1 % par jour en moyenne. Une augmentation de 5 %, qui est jugée fort probable par les épidémiologistes avertissent en l'absence d'une action urgente, se traduirait par un nombre stupéfiant de 14.000 nouvelles infections quotidiennes d'ici la fin janvier.

Étant donné que l'on observe généralement un délai de plusieurs semaines entre l'infection et l'hospitalisation, il est pratiquement certain que les hôpitaux déjà surchargés seront de plus en plus sollicités.

Ces développements ne sont pas inévitables. Ils sont plutôt le produit direct des politiques criminelles menées par l'ensemble de l'establishment politique. Du gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau aux autres paliers de gouvernements, la principale préoccupation de l'élite dirigeante du Canada est de protéger les profits des grandes entreprises et la richesse des super-riches, tout en forçant les travailleurs à rester au travail en pleine pandémie.

Après que les libéraux aient conçu au printemps de vastes plans de sauvetage des banques et de l'oligarchie financière pour un montant total de plus de 650 milliards de dollars, Trudeau a travaillé en étroite collaboration avec les groupes de lobbyistes de la grande entreprise et ses alliés dans les syndicats pour faire respecter la réouverture dangereuse de l'économie. Il a été soutenu dans cette initiative meurtrière par les gouvernements provinciaux de droite de François Legault au Québec, de Ford en Ontario et de Jason Kenney en Alberta, ainsi que par le gouvernement de John Horgan en Colombie-Britannique, dirigé par le Nouveau Parti démocratique. Un élément essentiel de la réouverture de l'économie consistait à faire en sorte que les écoles soient ouvertes pour des cours en personne afin qu'elles puissent servir de services de garde pour les parents, qui étaient contraints de retourner sur des lieux de travail dangereux.

Les gouvernements provinciaux poursuivent cette politique qui place les profits avant les vies humaines alors même que les terribles conséquences, qui s'expriment surtout par le nombre croissant de morts et la menace d'effondrement du système de santé, deviennent de plus en plus évidentes. Lundi, le gouvernement Ford a annoncé ce qu'il a appelé un «confinement» pour l'ensemble de l'Ontario, à compter du 26 décembre. Pourtant, l'ordonnance de confinement contient tellement de failles et d'exceptions que le correspondant du Globe and Mail pour la santé, André Picard, l'a qualifiée à juste titre de «mockdown» (un simulacre de confinement). Les exemptions auront surtout un impact sur les grands chantiers, qui ont été l'un des principaux vecteurs de transmission du virus. (voir: Les autorités canadiennes dissimulent les épidémies de COVID-19 sur les lieux de travail pour maintenir l'économie et les écoles ouvertes)

De nombreux lieux de travail qui ont connu des éclosions importantes, notamment les usines de transformation des aliments et les entrepôts, resteront ouverts. Les entreprises autorisées à poursuivre leurs activités comprennent «toutes les activités et services de construction», «les chaînes d'approvisionnement, y compris les entreprises qui travaillent dans la transformation, l'emballage, l'entreposage, la distribution, la livraison et la maintenance», «la fabrication», «les services de messagerie, de poste, d'expédition, de déménagement et de livraison», «les services de placement, y compris l’offre d'une aide temporaire» et «les hôtels, les chalets, les centres de villégiature et les motels». Les grands magasins de détail comme Costco et Walmart seront également autorisés à rester ouverts parce qu'ils stockent des produits d'épicerie ou de pharmacie.

L'ordonnance de «confinement» fixe au 11 janvier la date de réouverture des écoles primaires. Les écoles secondaires suivront deux semaines plus tard. Une version antérieure de l'ordonnance, qui prévoyait de limiter les services de garde aux travailleurs essentiels, a été supprimée afin de garantir que les services de garde restent accessibles à tous. Étant donné que pratiquement toutes les entreprises en dehors du secteur du commerce de détail restent ouvertes, la grande majorité des parents continueront à envoyer leurs enfants à la garderie afin de continuer à travailler.

Les experts de la santé ont attaqué la décision du gouvernement Ford de retarder l'imposition du «confinement» jusqu'au 26 décembre. Cela signifie que les réunions familiales de Noël ont pu avoir lieu avant que la restriction des réunions sociales aux membres d'un même ménage n'entre en vigueur. Anthony Dale, président de l'Ontario Health Association, a déclaré que les directeurs d'hôpitaux et les responsables de la santé étaient «scandalisés» que les restrictions aient été reportées après Noël.

Un processus similaire est en cours dans le Québec voisin. À la mi-novembre, Legault a annoncé en grande pompe que les rassemblements familiaux de trois ménages et de dix personnes au maximum seraient autorisés pendant une période de quatre jours autour de Noël. Cependant, comme les conséquences dévastatrices des politiques de retour au travail et à l'école de la province sont devenues évidentes, le gouvernement a été contraint de faire volte-face et d'abandonner l'assouplissement prévu des mesures de distanciation sociale.

Lors d'une conférence de presse conjointe avec les chefs de l'opposition mardi dernier, le jour même où la province a annoncé un record quotidien de 2183 nouvelles infections, Legault a cherché à rejeter la responsabilité de la catastrophe produite par les politiques de son gouvernement sur l'ensemble de la population. «Il est temps d'être responsable», a-t-il sermonné aux habitants du Québec, en insistant sur le fait qu'ils devraient limiter les rassemblements aux membres de leur propre foyer. Manon Massé, co-dirigeante du parti de la pseudo-gauche Québec Solidaire, a déclaré lors de la conférence de presse conjointe qu'elle mettait de côté ses «désaccords politiques» avec Legault pour s'assurer que les Québécois «travaillent ensemble».

Si les restrictions sur les rassemblements sociaux sont nécessaires, la détermination du gouvernement Legault à rouvrir les écoles le 11 janvier contribuera à une nouvelle escalade des infections. L'ensemble du secteur manufacturier sera également autorisé à fonctionner normalement entre le 25 décembre et le 10 janvier.

Les conditions désastreuses produites par la mauvaise gestion criminelle de la pandémie par l'élite au pouvoir soulignent l'urgence pour la classe ouvrière d'intervenir avec sa propre solution à la crise. Si l'on veut sauver des milliers de vies et éviter l'effondrement du système de santé, les travailleurs doivent mener une lutte politique pour l'arrêt complet de toute production non essentielle avec un salaire complet pour tous les travailleurs touchés, la fermeture de l'apprentissage en personne dans toutes les écoles jusqu'à ce que la pandémie soit maîtrisée, et l’octroi de dizaines de milliards de dollars pour les soins de santé et les services sociaux. Ces mesures sont d'autant plus nécessaires étant donné que la mise au point réussie d'un vaccin signifie que la grande majorité de la population pourrait être immunisée en quelques mois.

Pour financer les mesures nécessaires pour freiner la propagation de la COVID-19 et sauver des vies, il faut confisquer les vastes richesses de l'élite au pouvoir et utiliser les centaines de milliards de dollars de fonds de sauvetage que le gouvernement fédéral et la Banque du Canada ont acheminés vers les banques et les marchés financiers afin de protéger les revenus des travailleurs et de fournir des soins de santé de qualité à tous. Cela ne peut être réalisé que dans le cadre de la mobilisation de masse de la classe ouvrière dans la lutte pour un gouvernement ouvrier engagé dans la réorganisation socialiste de la vie socio-économique.

(Article paru en anglais le 23 décembre 2020)

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