Mardi, le président démocrate élu Joe Biden a prononcé ce qui a été qualifié de «grand discours» sur la pandémie de coronavirus. Il s’est exprimé suite à une réunion avec son groupe consultatif sur les coronavirus.
Dans des remarques superficielles qui ont duré à peine 15 minutes, Biden a donné une description sinistre de la mort en masse déjà survenue et a prédit que les choses ne feraient qu’empirer dans la période à venir. «Nous allons perdre des dizaines de milliers de vies supplémentaires dans les mois qui viennent», a-t-il déclaré. «Les hôpitaux sont au maximum de leur capacité. Ce sont là des données d’avant l’impact des cas provenant des vacances et de la prochaine fête du Nouvel An».
« Nous devons nous attendre à ce que les infections survenues pendant les vacances entraînent une augmentation du nombre de décès en février. Il faudra du temps pour renverser cette tendance. Nous pourrions ne pas voir d'amélioration avant d'être bien avancés en mars ».
Le portrait sombre de Biden était en fait une grave sous-estimation de l’ampleur de la mort et de la souffrance, sans même parler de la crise économique dévastatrice qui touche des dizaines de millions de travailleurs et de petits entrepreneurs.
Dans de nombreuses villes des États-Unis, les unités de soins intensifs sont à 100 pour cent de leur capacité. On utilise des camions frigorifiques pour empiler les corps ne pouvant être pris en charge par les morgues.
Quelques heures seulement après le discours de Biden, NBC Nightly News a rapporté que les hôpitaux débordés de Los Angeles commençaient à rationner les soins, décidant de refuser les traitements aux patients ayant moins de chances de survivre. Les ambulances attendent des heures pour livrer les patients aux services de triage. L’émission a montré une infirmière de Los Angeles en larmes disant que «les patients mouraient comme des mouches».
Biden a réitéré sa prédiction antérieure que 400.000 Américains seraient morts du COVID-19 d’ici la fin du gouvernement Trump, à la mi-janvier. Mais une fois de plus, il a présenté cette vague catastrophique de mort et de souffrance comme quelque chose d’inévitable et d’inaltérable. Il n’a proposé aucune mesure d’urgence pour éviter des dizaines de milliers de morts supplémentaires au cours des prochaines semaines.
Il a combiné de façon incongrue les clichés, les bonnes paroles et les exhortations creuses: «Des jours meilleurs arrivent. Nous aurons besoin de tout le courage et de toute la détermination dont nous disposons en tant qu’Américains pour y parvenir» – en même temps il reconnaissait que le processus de distribution et d’administration des vaccins s’était déjà pratiquement effondré.
«Au rythme auquel le programme de vaccination avance maintenant», a-t-il déclaré, «s’il se poursuit, il faudra des années et non des mois pour vacciner le peuple américain». Même si le Congrès approuvait ses demandes de fonds supplémentaires pour les vaccinations, a-t-il ajouté, «on aurait besoin de multiplier par six le rythme actuel pour atteindre un million de vaccins par jour. Il faudra encore des mois pour vacciner la majorité de la population américaine».
En conclusion, il a déclaré: «Ma capacité à changer la direction de cette pandémie commence dans trois semaines, avec des milliers de morts chaque jour d’ici là». Sous le titre de «Ce qui doit se passer maintenant», il s’est limité à exhorter le président Trump à faire marche arrière et à promouvoir le port du masque. «J’espère que le président exhortera clairement et sans ambiguïté tous les Américains à se faire vacciner» a-t-il ajouté.
Quant à la politique de son administration en matière de pandémie, Biden a réitéré les engagements précédents visant à encourager le port du masque. Il a également déclaré qu’il invoquerait le Defense Production Act pour exiger des sociétés privées qu’elles accélèrent la production de vaccins et d’équipements de protection. Plus important encore, il a réitéré son plan de réouverture des écoles, de la maternelle à la huitième année, à l’enseignement en présentiel avant les 100 premiers jours de son mandat.
Ainsi, malgré une campagne électorale contre la négligence criminelle de Trump face à la pandémie, Biden et Trump sont d’accord sur les piliers centraux de la politique d’«immunité collective» de Trump, c’est-à-dire encourager la propagation du virus. Un des conseillers de Biden en matière de pandémie, le Dr Michael Osterholm, a appelé à un arrêt d’urgence de la production non essentielle avec une protection complète des revenus des travailleurs touchés. Mais Biden a immédiatement répudié toute action de ce type. «Je ne vais pas arrêter l’économie, point final», a-t-il déclaré.
Le gouvernement Biden continuera de forcer les travailleurs à travailler dans des usines et des lieux de travail dangereux. Il doublera les efforts de Trump pour rouvrir les écoles, permettant aux parents de la classe ouvrière de recommencer à produire des profits pour les grandes entreprises. Et ce en dépit des études scientifiques prouvant que les usines et les écoles sont les principaux vecteurs de la propagation du virus.
Quand la classe dirigeante et ses représentants politiques, qu’ils soient républicains ou démocrates, parlent de l’«économie», ils ne parlent pas des emplois et des conditions de vie de la grande majorité de ceux qui travaillent pour vivre et produisent toutes les richesses. Ils parlent de l’exploitation de la classe ouvrière et des profits et de la richesse de l’élite industrielle et financière.
Comme l’a expliqué le «World Socialist Web Site», cette opposition de la vie humaine à «l’économie», celle-ci étant prioritaire sur celle-là, est le «terrible calcul» servant à justifier la normalisation de la mort. Le misérable discours de Biden illustre l’indifférence vis-à-vis de la souffrance et de la mort humaines à une échelle jusque là inconnue en dehors des périodes de guerre, qui caractérise tout l’establishment politique. Une indifférence motivée par des intérêts de classe.
Aucune des demi-mesures proposées par Biden ou le Parti démocrate n’empiète le moins du monde sur les intérêts économiques de l’oligarchie financière qui dirige l’Amérique et d’ailleurs, le monde. L’ensemble de la réponse des deux partis à la pandémie, du début à aujourd’hui, est dicté par la nécessité de maintenir la hausse des cours boursiers et de continuer à faire croître les profits des entreprises et la fortune des super-riches.
Ces intérêts excluent toute mesure sérieuse, scientifiquement et socialement motivée, visant à contenir, traiter et éradiquer le virus. La pandémie a démontré que le système capitaliste est incompatible avec les besoins sociaux les plus élémentaires, y compris la vie humaine même.
La lutte contre la pandémie nécessite l’intervention indépendante de la classe ouvrière, aux États-Unis et à l’international, pour imposer la fermeture de toutes les productions et écoles non essentielles et la protection intégrale des revenus pour tous les travailleurs et les petites entreprises touchés. C’est un combat contre Biden et les démocrates, tout autant que contre Trump et les républicains. Pour obtenir les ressources nécessaires pour contenir le virus et sauver des vies, la richesse des oligarques capitalistes doit être expropriée, les entreprises et les banques transformées en services publics et placés sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière.
(Article paru d’abord en anglais le 30 decembre 2020)