Le gouvernement Netanyahu refuse le vaccin aux Palestiniens alors qu’il vante une vaccination massive des Israéliens

En grande fanfare, la campagne de vaccination du premier ministre Benjamin Netanyahu a donné une première dose du vaccin Pfizer-BioNTech à 1,7 million d'Israéliens, soit environ 15 pour cent des quelque 10 millions d'habitants d'Israël.

Une deuxième dose sera administrée dans les 21 jours suivant la première, ce qui signifie que toutes les personnes les plus à risque – les travailleurs de la santé et ceux de plus de 60 ans – seront protégés du virus qui sévit actuellement dans tout le pays.

Néanmoins, la levée du confinement précoce en mai dans l'intérêt de l'élite financière a vu une augmentation alarmante du nombre de cas depuis septembre, qui continuera à s'aggraver. Un total de 471 000 infections et 3 600 décès, en grande partie dans la dernière vague, a contraint le gouvernement à imposer un troisième confinement limité.

Le vaccin anti-COVID (Stock image credit: Envato)

Alors que Netanyahu a vanté la campagne de vaccination, baptisée «Revenir à la vie», comme la plus rapide au monde, la distribution du vaccin a été marquée par les inégalités et la mauvaise gestion. Les enseignants ont été exclus du déploiement initial, bien qu'au moins certaines écoles soient restées ouvertes, tandis que des dizaines de milliers de jeunes ont pu se faire vacciner et que des milliers de doses ont été gaspillées, selon le ministère de la Santé. Le gouvernement a maintenant accepté de les vacciner après que le syndicat des enseignants a menacé de faire grève.

Alors que les vaccins seraient, selon de nombreuses informations, proches de la rupture de stock, Netanyahu a négocié avec Pfizer une augmentation du nombre de vaccins et une livraison plus rapide.

Moins de Palestiniens citoyens d'Israël, y compris ceux vivant à Jérusalem-Est, ont été vaccinés que d’Israéliens juifs, en raison du niveau beaucoup plus faible de soins de santé dans les communautés palestiniennes et de leur méfiance à l'égard des programmes officiels du gouvernement. Mais surtout, le déploiement n'inclut pas les cinq millions de Palestiniens vivant en Cisjordanie et à Gaza, qu'Israël occupe illégalement depuis la guerre israélo-arabe de 1967.

Ceci est encore un autre exemple des inégalités flagrantes dans la distribution du vaccin dans les pays du monde entier et entre les divers pays, alors que les riches reçoivent le vaccin pendant que les pauvres font la queue. C’est là une violation flagrante des responsabilités d'Israël en vertu de la Convention de Genève de 1949 pour la santé des Palestiniens vivant dans les zones qu'il contrôle. Cela comprend l'obligation d'assurer des fournitures médicales et des mesures préventives «pour lutter contre la propagation de maladies contagieuses et d'épidémies».

Dans le cadre des accords d'Oslo, Israël a accepté une coopération bilatérale sur les questions concernant les soins de santé et les épidémies. Mais en pratique il a renié ses obligations envers les Palestiniens qui sont depuis longtemps victimes de problèmes d’importation de matériel médical et du régime opaque de sécurité qui rend la vie difficile à ceux qui ont besoin de soins vitaux et d’un traitement en Israël ou à l’étranger.

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Légende : Un rapport d'Amnesty sur le refus de vaccins COVID-19 aux Palestiniens révèle la discrimination institutionnalisée d'Israël

Israël a rejeté une modeste demande de la part de responsables des Nations Unies visant à fournir aux Palestiniens des vaccins pour leurs personnels soignants, affirmant qu'il y avait une pénurie de vaccins pour ses propres citoyens. Le ministre de la Santé, Yuli Edelstein, a déclaré que s'il était dans l'intérêt d'Israël de contenir le virus parmi les Palestiniens, sa première obligation était envers ses propres citoyens.

Israël a refusé de reconnaître l'approche informelle de l'Autorité palestinienne (AP) pour qu’il se procure et distribue un vaccin en son nom. Rejetant les accusations d'«apartheid médical», les traitant d'antisémitisme, il a fait valoir que puisque l'Autorité Palestinienne n'avait pas officiellement demandé l'aide pour obtenir le vaccin, Israël n'était pas responsable de fournir de l’aide médicale aux Palestiniens.

Ce traitement préjudiciable des Palestiniens aura un impact sur tous les Israéliens. Des dizaines de milliers de Palestiniens venant de Cisjordanie pour travailler en Israël et dans les colonies seront un facteur majeur de transmission du virus.

Les actions d'Israël sont rendues encore plus obscènes par le prix astronomique que Netanyahu a payé pour les vaccins, montrant une fois de plus l'effet de distorsion du à des profits outranciers et à la concurrence nationale féroce pour les vaccins. Selon un responsable du ministère de la Santé, le gouvernement a acheté le vaccin Pfizer- BioNTech qui nécessite un stockage à des températures ultra-basses au prix exorbitant de 62 $ la dose, plus de quatre fois les 14,59 $ que l'Union européenne (UE) paie pour le même vaccin. Il est également beaucoup plus élevé que ce que l'UE paie pour le vaccin d’Oxford d’AstraZeneca à 2,16 dollars par injection ou le vaccin de Moderna à 18 dollars.

Pour Netanyahu, le prix n'a pas d’importance s'il garantit un déploiement réussi du vaccin, mais non en raison de véritables préoccupations pour la santé de la population. Sa motivation est sa capacité à se faire passer pour l'homme qui a banni le virus dans la campagne électorale du 23 mars. Sa position politique est devenue de plus en plus précaire avec l’abandon imminent de la Maison-Blanche par son patron, le président américain Donald Trump, un nouveau gouvernement démocrate sous Joe Biden et sa comparution prévue au tribunal – retardée en raison de la pandémie – pour se défendre contre des accusations de pots-de-vin, de corruption et d'abus de confiance en échange d'une couverture médiatique favorable.

La pandémie est en plein essor dans tous les territoires palestiniens ; la Cisjordanie signale 119 000 infections et 1 257 décès, et Gaza 44 000 infections, 32 pour cent de tests quotidiens positifs et 409 décès ; ce qui entraîne une nouvelle série de restrictions et de couvre-feux.

Sans aéroports ou ports maritimes en état de marche ou d'installations de stockage de masse pour des vaccins nécessitant une réfrigération, et toutes les frontières à l'exception du passage de Rafah entre Gaza et l'Égypte étant contrôlées par Israël, les Palestiniens sont totalement dépendants d'Israël pour les importations de nourriture, fournitures médicales et autres produits de base. Les systèmes de santé se sont écroulés sous la pression d'une occupation brutale, d’assauts militaires constants et de la destruction délibérée d'économies largement agricoles.

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Légende : Des manifestants palestiniens fuient les gaz lacrymogènes tirés par les troupes israéliennes lors d'une manifestation contre les colonies israéliennes, dans le village cisjordanien de Deir Jarir, au nord de Ramallah, le vendredi 1er janvier 2021 (AP Photo / Majdi Mohammed)

La situation à Gaza est la pire. L'enclave densément peuplée a subi un blocus terrestre, maritime et aérien de 11 ans. Elle ne dispose d'électricité que quelques heures par jour, ce qui impacte les installations d'eau et d'égouts et rend impossible l'utilisation de vaccins nécessitant une réfrigération.

L'effet combiné a rendu 2,5 millions de Palestiniens, soit environ 47 pour cent des territoires occupés, dépendants de l'aide, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), les rendant particulièrement vulnérables à la pandémie.

L'Autorité Palestinienne n'a pas pu obtenir le vaccin russe Spoutnik V, sur lequel elle comptait et qu'Israël ne devrait pas approuver dans un proche avenir. Moscou aurait refusé d'exporter le vaccin, affirmant que ses approvisionnements seraient insuffisants pour sa propre population.

Selon le Dr Ali Abed Rabbo, responsable du ministère de la Santé de l'Autorité palestinienne, deux millions de doses du vaccin Oxford-AstraZeneca sont attendues en février, bien que l'on ne sache pas d'où proviendra l'argent pour les payer. L’AP attend un envoi de 60 000 doses de l’initiative Covax de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui ne devrait pas arriver avant la fin du mois de février, car les vaccins proposés par Covax n’ont pas encore obtenu l’approbation «d’utilisation d’urgence» de l’OMS, la condition préalable à la distribution. Même cela et un envoi de jusqu'à deux millions de doses plus tard dans l'année seront insuffisants pour les cinq millions de Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza.

Ces conditions sont un réquisitoire contre les puissances impérialistes et la bourgeoisie arabe qui ont soutenu la répression des Palestiniens par Israël, ouvrant la voie à une catastrophe de vastes proportions, et d’un ordre capitaliste incapable d'organiser un programme de vaccination rationnel, équitable et complet, capable de mettre fin à la pandémie.

(Article paru en anglais le 11 janvier 2021)

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