L'organisation israélienne des droits de l'homme déclare qu'Israël est un État d'apartheid

B'Tselem, l'une des principales organisations de défense des droits humains en Israël, a publié un rapport déclarant qu'Israël n'est pas une démocratie, mais un «régime d'apartheid» qui impose la suprématie juive sur les Palestiniens dans toutes les terres qu'il contrôle.

Cela confirme non seulement ce que les critiques de la répression brutale des Palestiniens par Israël disent depuis longtemps, mais aussi la faillite historique et l'aboutissement réactionnaire du projet sioniste et de tout programme nationaliste.

Lors de la guerre de 1967, Israël s'est emparé de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, auparavant gouvernés par la Jordanie, et de la bande de Gaza, auparavant administrée par l'Égypte et sous blocus par Israël depuis 2007. Collectivement, ces régions abritent plus de cinq millions de Palestiniens.

En Israël, il y a environ 2 millions de citoyens d'origine palestinienne, un cinquième de la population totale, ce qui signifie que les Palestiniens constituent près de la moitié de la population dans les terres contrôlées par Israël. Ces quatre groupes palestiniens ont des droits différents les uns des autres qui sont tous inférieurs à ceux des juifs israéliens vivant dans les mêmes territoires (sauf pour Gaza où il n'y a pas de colonies israéliennes).

Comme le souligne B'Tselem, «toute la zone entre la mer Méditerranée et le Jourdain est organisée selon un principe unique: faire progresser et consolider la suprématie d'un groupe (les Juifs) sur un autre (les Palestiniens)».

Dans son rapport intitulé «Un régime de suprématie juive du Jourdain à la mer Méditerranée: c’est l’apartheid», B'Tselem affirme: «Grâce à l’espace créé par l’ingénierie géographique, démographique et physique, le régime permet aux Juifs de vivre dans une zone contiguë avec tous leurs droits, y compris l'autodétermination, tandis que les Palestiniens vivent dans des unités séparées et jouissent de moins de droits. Cela remplit les conditions d’un régime d'apartheid, bien qu'Israël soit généralement considéré comme une démocratie engagée dans une occupation temporaire. »

L'apartheid est considéré comme un crime au regard du droit international. En 1973, l'Assemblée générale des Nations Unies a réclamé la ratification de la Convention internationale sur l'élimination et la punition du crime d'apartheid. Ce crime est défini par la Cour pénale internationale dans le Statut de Rome de 2002 comme une série d'actes inhumains «commis dans le contexte d'un régime institutionnalisé d’oppression et de domination systématiques par un groupe racial sur tout autre groupe ou groupe racial et commis dans l’intention de maintenir ce régime». Ni Israël ni son principal soutien, les États-Unis, n'ont adhéré au Statut de Rome.

Hagai El-Ad, directeur général de B'Tselem, a déclaré: «Israël n’est pas une démocratie engagée dans une occupation temporaire. C'est un seul régime entre le Jourdain et la mer Méditerranée, et nous devons avoir une vision d’ensemble et le reconnaitre pour ce qu'il est: l'apartheid.»

B'Tselem n'est pas le seul à tirer cette conclusion. Les groupes israéliens de défense des droits de l’homme, les groupes de gauche, le soi-disant «camp de la paix», le parti Meretz et des hommes politiques, dont le président Reuven Rivlin et les anciens premiers ministres Ehud Barak et Ehud Olmert, ont averti depuis un certain temps que même s’il n’y avait «pas encore l'apartheid» en Israël, il était sur une pente glissante. Un certain nombre de politiciens avaient fait valoir que sans une «solution à deux États», Israël deviendrait un État d’apartheid.

L'été dernier, Yesh Din (Il y a une loi), un autre groupe israélien de défense des droits humains, a publié un avis juridique affirmant qu'Israël opérait l'apartheid en Cisjordanie.

B'Tselem va beaucoup plus loin et inclut Israël lui-même dans le régime de l'apartheid, soulignant deux développements récents. Le premier, la loi ouvertement raciste sur l'État-nation, consacre le principe de la suprématie juive comme fondement juridique de l'État. Cela inclut les Juifs non seulement en Israël, mais dans toute la diaspora donnant automatiquement le droit à l'immigration et à la citoyenneté, bien qu'Israël refuse le «droit au retour» aux Palestiniens qui ont fui ou ont été chassés de leurs foyers en 1948-49 et suite aux guerres israélo-arabes de 1967. En outre, elle proclame Jérusalem «complète et unie» comme capitale d'Israël.

La loi de l'État-nation préconise activement la judaïsation des territoires occupés et l'expansion des colonies, stipulant que «l'État considère le développement des colonies juives comme une valeur nationale et prendra des mesures pour encourager et promouvoir l'établissement et le renforcement de ces colonies».

Elle cautionne l'exclusion des Arabes des communautés exclusivement juives, relègue l'arabe de sa position de langue officielle de l'État et donne un statut officiel et exclusif aux symboles juifs, y compris en déclarant «Hatikva» l'hymne national. Elle empêche les Palestiniens d'obtenir la citoyenneté israélienne en épousant des Israéliens et de potentiels demandeurs d'asile d'entrer en Israël. La loi fournit ainsi le cadre d'un État d'apartheid qui met fin à tout engagement en faveur de l'égalité et aligne ouvertement l'État sur l'oppression brutale de tout un peuple, les Palestiniens.

Alors qu'il y avait une opposition généralisée à la loi sur l'État-nation parmi les Juifs en Israël et à l'extérieur, elle n'a pu trouver aucune expression à la Knesset (parlement) en raison de la lâcheté et de la complicité du parti d'opposition travailliste.

Deuxièmement, le gouvernement de coalition de droite du premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré à plusieurs reprises ses plans d'annexion de certaines parties de la Cisjordanie. Si ces plans ont été mis en attente à la suite de la «normalisation» des relations avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc, il n’y a aucun doute sur les projets du gouvernement qui sont soutenus par les partis ultra-nationalistes et religieux. Israël a l'intention d'étendre son régime sur les Palestiniens et de rendre un État palestinien complètement impossible.

Israël contrôle déjà de nombreux aspects de la vie, y compris le registre de la population, l'attribution des terres, les listes électorales et le droit ou le refus de voyager à l'intérieur, d'entrer ou de sortir de n'importe quelle partie du territoire.

Dire comme B'Tselem qu'Israël est un État d'apartheid sous-entend que la solution à deux États est morte, à la suite du «plan de paix» ridicule de Trump, annoncé en janvier de l'année dernière, qui soutenait les plans de Netanyahu d'annexer des parties de la Cisjordanie où près de 500.000 colons israéliens vivent. Les Accords d'Abraham, auxquels plusieurs États arabes – avec le feu vert de l'Arabie saoudite – ont apposé leurs signatures, constituent le certificat de décès officiel de l'Initiative arabe. L'Initiative arabe fut lancée par Riyad en 2002 et approuvée par la Ligue arabe. Elle subordonnait la normalisation des relations avec Israël à un retrait complet des territoires occupés, un «règlement équitable» du problème des réfugiés palestiniens basé sur la résolution 194 des Nations Unies, et la création d'un État palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale.

Le fait qu’une organisation israélienne ait qualifié Israël d’État d’apartheid et de «régime de suprématie juive» démasque la position frauduleuse du lobby israélien en Europe et aux États-Unis, fondée sur la définition de l’antisémitisme par l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance), qui fait l’amalgame entre la critique de la politique du gouvernement israélien, y compris sa politique raciste envers les Palestiniens, et l'antisémitisme.

Le tournant ouvert vers une politique d'apartheid est le résultat de deux facteurs majeurs. Premièrement, la crise politique et économique aiguë de l'État sioniste, l'une des plus inégales du monde développé. Deuxièmement, la logique du projet sioniste qui cherchait à créer un État juif comme refuge sûr pour un peuple qui avait été cruellement persécuté. Un tel État ne pouvait être bâti que par la dépossession violente de la population arabe indigène, en utilisant les horreurs de l'Holocauste pour justifier l'oppression d'un autre peuple.

La recrudescence de la lutte de classe internationale contre les inégalités sociales, la répression et l'injustice sociale montre la voie à suivre pour les masses de travailleurs juifs et arabes, à savoir la lutte commune pour renverser et remplacer l'État sioniste et les différents régimes bourgeois arabes et forger les États socialistes unis du Moyen-Orient.

Telle est la perspective défendue par le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI). Il est vital que des sections du CIQI soient construites en Israël et à travers le Moyen-Orient pour fournir la direction nécessaire pour mener à bien cette lutte.

(Article paru en anglais le 18 janvier 2021)

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