Enrique Tarrio, chef du gang fasciste «Proud Boys», s’avère être un informateur «prolifique» du FBI

Une enquête de Reuters a révélé qu’Enrique Tarrio, 36 ans, le chef du groupe d’extrême droite «Proud Boys», était un informateur confidentiel «prolifique» pour le «Federal Bureau of Investigation» (FBI) et la police locale de Floride. Il est devenu informateur suite à une arrestation en 2012 pour fraude liée à la vente de trousses volées servant à tester le diabète.

Selon une transcription d’une procédure judiciaire fédérale de 2014 obtenue par Reuters, qui comportait les déclarations d’un ancien procureur, d’un agent du FBI et du propre avocat de Tarrio, Tarrio a travaillé clandestinement pour les autorités fédérales et la police locale, aidant à poursuivre 13 personnes dans des affaires de drogue, de jeu et de trafic d’êtres humains.

Un manifestant de droite équipé d’une arme automatique au Capitole de Lansing, au Michigan, lors d’une manifestation contre la gouverneure Whitmer le 30 avril [Source: AP Photo/Paul Sancya]

La révélation de l’identité de Tarrio n’est pas surprenante. Les milices d’extrême droite telles que les Proud Boys, les OathKeepers et les «III percenters», qui ont toutes participé à la tentative de coup d’État du 6 janvier sur le Capitole, sont truffées de policiers, de militaires en service et à la retraite, et des agents au service de l’État. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une organisation entièrement gérée par l’État, il ne fait aucun doute que Tarrio n’est pas le seul agent provocateur opérant au sein du groupe.

Cette révélation souligne encore la nécessité d’une enquête publique complète sur l’insurrection fasciste du 6 janvier, incluant toutes les communications faites entre Tarrio, la police, les agents fédéraux et les politiciens républicains. Dans une interview accordée l’année dernière, Tarrio s’est vanté de son attachement à Trump et des liens étroits qu’il entretenait avec sa campagne, affirmant qu’il «avait personnellement frappé à 40.000 portes pour le président» et qu’il était un ami proche de Roger Stone, un ami politique de longue date de Trump.

Lorsqu’il a été confronté à la transcription du tribunal par un journaliste de Reuters, Tarrio a souffert d’une amnésie apparente: «Je ne me souviens de rien de tout cela», a-t-il déclaré. L’ancien procureur fédéral dans l’affaire Tarrio, Vanessa Singh Johannes, a déclaré à Reuters que Tarrio «a coopéré avec les forces de l’ordre locales et fédérales, pour aider à la poursuite de ceux qui dirigent d’autres entreprises criminelles distinctes, allant de la gestion de maisons de culture de marijuana à Miami à l’exploitation de systèmes de fraude pharmaceutique».

L’avocat de Tarrio, Jeffery Feiler, a déclaré lors de la procédure judiciaire que Tarrio avait contribué à la découverte de trois maisons où l’on cultivait de marijuana et qu’il était un collaborateur «prolifique». L’agent du FBI a qualifié Tarrio d’«élément clé» dans les enquêtes de la police locale concernant la marijuana, la cocaïne et la MDMA, ou ecstasy.

Cette organisation fasciste, raciste et antisémite, a laquelle Donald Trump avait ordonné «tenez-vous à l’écart et tenez-vous prêts» lors d’un débat présidentiel en septembre dernier, a l’habitude de se rapprocher des services de police de tout le pays afin de terroriser ceux qui manifestent contre les violences policières.

En juillet dernier, on a révélé que des dizaines de membres des Proud Boys de Philadelphie avaient pu assister à un discours du vice-président Mike Pence au siège de la Fraternal Order of Police Lodge 5 en Pennsylvanie. Environ deux mois plus tard, on a filmé les Proud Boys en train de serrer la main de la police de Philadelphie après avoir organisé une marche fasciste dans la ville, brandissant des pancartes promouvant la suprématie blanche et qualifiant les gens de la gauche et les «antifa» de terroristes.

Le cofondateur de Vice Media, Gavin McInnes, qui a fondé les Proud Boys en 2016, s’est dissocié publiquement de ce groupe d’extrême droite après que le Guardian ait révélé que le FBI avait catégorisé le gang fasciste comme «un groupe extrémiste qui a des liens avec le nationalisme blanc». Après que McInnes a abandonné sa position de visage public de l’organisation, Tarrio a été élu chef du groupe.

La police de Washington DC avait déjà arrêté Tarrio le 4 janvier dernier pour un délit de destruction de biens. Il a également été accusé de deux délits de possession de chargeurs de munitions à grande capacité. Un mandat d’arrêt a été lancé contre lui après s’être filmé dans une vidéo en direct, le 12 décembre, en train de brûler une banderole «Black Lives Matter» volée à l’église méthodiste d’Asbury.

La police a affirmé que quatre églises avaient été vandalisées la même nuit où Tarrio et les Proud Boys ont brûlé la bannière BLM. Au total, trois douzaines de personnes ont été arrêtées dans des affrontements entre les Proud Boys et des gens qui manifestaient contre le racisme et la violence policière.

Cependant, à la lumière des événements du 6 janvier, on ne peut exclure que l’arrestation de Tarrio ait eu pour but d’empêcher que le chef des Proud Boys s’incrimine lui-même en raison des événements qui allaient se dérouler moins de 48 heures plus tard.

Une vidéo filmée par le PDG de Txtwire, Daniel Beck, a permis de mieux comprendre la coordination intime entre le Parti républicain et le cercle restreint de Trump dans la préparation du coup d’État. La vidéo et les reportages qui ont suivi ont révélé qu’une grande réunion s’est tenue à la «résidence privée du président», au Trump International Hotel, à Washington le 5 janvier. Parmi les personnes présentes figuraient:

* Donald Trump Jr et Eric Trump, le fils aîné et le deuxième fils aîné de Trump

* Michael Flynn, ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump, qui a précédemment soutenu que Trump devrait déclarer la «loi martiale» et «refaire l’élection». Flynn s’est également exprimé lors de la «Marche de Jéricho» qui s’est tenue à Washington le lendemain et qui a rejoint le groupe «Stop the Steal/March to Save America» qui a pris d’assaut le Capitole.

* Peter Navarro, assistant du président, directeur de la politique commerciale et manufacturière et coordinateur de la politique relative à la loi sur la production de défense nationale

* Corey Lewandowski, directeur de la campagne Trump 2016

* David Bossie, directeur adjoint de la campagne Trump 2016

* Adam Piper, directeur général de l’Association républicaine des procureurs généraux (RAGA). Piper a démissionné au début du mois après qu’on a révélé que le RAGA avait envoyé des centaines de milliers de messages automatiques qui exhortaient les partisans de Trump à participer au rassemblement du 6 janvier.

* Charles Herbster, riche éleveur du Nebraska et candidat potentiel au poste de gouverneur, président national du Comité consultatif agricole et rural pour le gouvernement Trump

* Tommy Tuberville, sénateur républicain de l’Alabama qui a voté pour l’annulation des résultats des élections le 6 janvier après l’échec de l’insurrection

* Rudy Giuliani, l’avocat personnel de Trump, qui s’est également exprimé à l’Ellipse le 6 janvier, a déclaré à la foule fasciste de Trump que «les plus forts doivent l’emporter».

* Kimberly Guilfoyle, la petite amie de Donald Trump Jr.

* Michael Lindell, donateur de Trump et PDG de MyPillow

Dans un commentaire publié le 5 janvier sur Facebook, Herbster a affirmé que toutes les personnes mentionnées ci-dessus étaient présentes à l’hôtel. Il a écrit que «ces fidèles serviteurs de la liberté ont besoin de nos prières ainsi que du Congrès américain. Demain, au Capitole, ils [ouvriront] les certificats de vote scellés de chaque État. Cette session conjointe est la dernière chance officielle pour nos membres du Congrès de s’opposer à la fraude électorale généralisée qui s’est produite le 3 novembre».

Lors d’une participation le 6 janvier à Breitbart News Daily, l’organisateur de «Stop the Steal», Ali Alexander, a déclaré avoir parlé à Kimberly Guilfoyle dans la soirée du 5 janvier concernant les efforts du groupe pour renverser l’élection. Alexander a déclaré que Trump était en «mode combat» et que Guilfoyle lui avait dit qu’«aucun d’entre nous ne va reculer» et que «c’est le parti de Trump».

Dans un article précédent de l’Omaha World-Herald, Herbster a confirmé que le groupe a discuté de la façon dont il pourrait «faire pression» sur les membres du Congrès pour qu’ils rejettent les résultats du Collège électoral et annulent l’élection.

Malgré ces révélations surprenantes, le président Joe Biden et le Parti démocrate n’ont pas exigé de nouvelles enquêtes ni l’arrestation des personnes impliquées.

(Article paru en anglais le 28 janvier 2021)

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