Un acte d’accusation fédéral allègue qu’il y a eu vaste planification dans la tentative de coup d’État fasciste du 6 janvier au Capitole

Trois vétérans de l’armée américaine ont joué des rôles dans la planification et le recrutement pour l’assaut du Capitole américain qui a eu lieu le 6 janvier, selon un acte d’accusation fédéral publié mercredi. Les accusés sont des membres présumés de la milice fasciste des «Oath Keepers», l’un des groupes qui ont participé à la prise d’assaut du Capitole pour tenter de renverser les résultats de l’élection présidentielle. L’acte d’accusation indique que la planification de l’assaut a commencé peu après l’élection du 3 novembre avec du recrutement et des exercices d’entraînement dans plusieurs États afin d’être «en état de combattre avant l’investiture».

Les procureurs fédéraux allèguent que les personnes suivantes mis en place des exercices d’entraînement et des camps de base en Ohio et en Caroline du Nord pour préparer la tentative de coup d’État du 6 janvier: Jessica Marie Watkins, 38 ans, vétérane de l’armée américaine, et Donovan Ray Crowl, 50 ans, tous deux de Woodstock, en Ohio, et Thomas E Caldwell, 66 ans, commandant à la retraite de la marine, de Berryville en Virginie. Tous trois font face à de multiples accusations, dont celle de conspiration d’obstruction au Congrès qui pourrait entraîner une peine de 20 ans de prison.

Gaz lacrymogène à l’extérieur du Capitole, 6 janvier (Wikimedia/Tyler Merbler)

Watkins, la commandante de la prétendue Milice régulière de l’État de l’Ohio, aurait commencé à recruter des membres pour les Oath Keepers lors d’un assaut contre le Capitole le 9 novembre. Watkins aurait mis en place un camp d’«entraînement de base» en dehors de Columbus, en Ohio, au début du mois de janvier. Les procureurs allèguent que Watkins a également participé à une conférence téléphonique «réservée aux dirigeants» via une application cryptée, bien que les autres participants ne soient pas mentionnés. Les documents allèguent également que le vétéran de la marine, Caldwell, avait pris des dispositions pour qu’un bus rempli de plus de 40 conspirateurs, munis d’«armement» qui n’a pas été décrit, arrive à Washington DC avant l’assaut du 6 janvier.

Les documents allèguent également qu’en décembre, Crowl a participé à un entraînement avec un nombre indéterminé de membres de la milice en Caroline du Nord. Tandis que, en même temps, Caldwell et Watkins organisaient des forces en Virginie du Nord.

Dans une interview accordée au Loudoun Times-Mirror, Dave LaRock, délégué républicain de l’État de Virginie, a confirmé que Caldwell était très actif dans la politique républicaine locale et qu’on l’avait même choisi comme délégué à la convention républicaine du comté à Berryville en mars dernier. LaRock, qui a admis avoir été présent parmi les insurgés au Capitole le 6 janvier, mais affirmant ne pas être entré au Capitole, a déclaré qu’il était «stupéfait» d’apprendre qu’on avait arrêté Caldwell.

LaRock a déclaré au Times-Mirror que «Tom est un homme merveilleux». Lui et Sharon m’ont beaucoup soutenu». Larock a ajouté que «Tom a servi notre pays au cours d’une longue et brillante carrière dans l’armée américaine. J’ai une très haute opinion de Tom et Sharon».

Dans des documents d’accusation antérieurs, les procureurs ont cité une vidéo Facebook qui aurait été publiée à 19 h 47 le 6 janvier, dans laquelle Caldwell affirme fièrement: «Nous prenons d’assaut le château. Partagez. Sharon est avec moi! Quel instigateur je fais! Elle était prête pour cela! Les gaz lacrymogènes ne l’ont même pas dérangée.»

Selon l’acte d’accusation, après avoir pénétré par effraction dans le Capitole, Caldwell aurait reçu d’une personne non identifiée des informations, par messages Facebook, sur le lieu où se trouvaient des membres du Congrès. L’un des messages disait: «Tous les membres sont dans les tunnels sous la capitale, enfermez-les». Aussi: «Passez par les portes de la chambre de derrière qui font face au N, au bout du couloir à gauche, en bas des marches».

Les nouveaux documents récemment rendus publics font également allusion à une coordination de haut niveau entre les membres des Oath Keepers et le chef et fondateur du groupe, Stewart Rhodes. Bien qu’ils ne soient pas formellement nommés dans les nouveaux documents d’accusation, les documents précédents faisaient référence à [la personne 1] «Stewie». Selon les nouveaux documents, Caldwell aurait écrit à Watkins: «Je ne sais pas ce que [la personne 1] prépare, mais j’entends des rumeurs concernant une autre marche du MAGA le 12 décembre. Je ne sais pas ce qui va se passer, mais comme vous, je suis très inquiet pour l’avenir de notre pays… Je crois que nous devrons devenir violents pour arrêter cela.» Caldwell a ajouté: «Vous êtes mon genre de personne, et nous devrons peut-être nous battre la prochaine fois.»

Le 12 décembre, le chef des Proud Boys dont le rôle en tant qu’informateur fédéral a récemment été révélé, Enrique Tarrio, a fait une visite publique de la Maison-Blanche, avant que lui et son gang de rue n’assistent à un rassemblement pro-Trump «Stop the Steal» (Arrêtez le vol [des élections]). Parmi les intervenants étaient l’ancien conseiller à la sécurité nationale Michael Flynn, le PDG de My Pillow Mike Lindell et le commentateur de droite Jack Posobiec. Après les discours et une fois la nuit tombée, quatre personnes ont été poignardées et 33 ont été arrêtées lors d’affrontements et de bagarres entre les Proud Boys et des contre-manifestants.

Dans un autre message prétendument envoyé le 30 décembre, Caldwell a déclaré à Watkins: «Si [la personne 1] ne fait pas de plans, je vais prendre les choses en main moi-même et lancer le mouvement». À quoi Caldwell aurait souscrit: «Je ne sais pas si [la personne 1] a même lancé son appel aux armes, mais il se fait tard. Cette fois-ci, on va le faire seuls. Nous allons le faire nous-mêmes».

Dans une interview accordée au Washington Post la semaine dernière, le chef des Oath Keepers, Rhodes, a admis que Caldwell avait aidé à rassembler les manifestants de «Stop the Steal», mais il a nié que Caldwell était membre officiel des Oath Keepers ou qu’il ait occupé un poste de direction dans la milice fasciste. Rhodes a affirmé qu’il n’était pas au courant des actions entreprises par Caldwell le 6 janvier au nom des Oath Keepers, mais il a admis que Watkins en était membre.

Les procureurs ont également révélé des messages présumés qui montrent que Trump avait encouragé le groupe et que les membres pensaient faire leur «devoir patriotique» en prenant d’assaut le Capitole. «Trump veut que tous les Patriotes en bonne santé viennent» au rassemblement «Stop the Steal», a déclaré Watkins dans un message le 29 décembre. Watkins a ajouté que «si Trump active la Loi d’insurrection, je ne voudrais pas manquer ça».

Les documents soulignent une fois de plus que ce qui s’est passé le 6 janvier n’est pas le résultat d’une foule incontrôlable qui a réussi tout bonnement à régler le cas d’une force de police du Capitole suspecte, non préparée, mal équipée et en sous-effectif, mais plutôt la conséquence d’actes et de planification coordonnés entre les milices fascistes de droite, les services de police, l’appareil de renseignement militaire, de riches bienfaiteurs et des sections importantes du Parti républicain. Le but était de renverser les formes de pouvoir démocratique aux États-Unis et installer Trump comme président-dictateur.

L’acte d’accusation cite un message adressé à Watkins par un homme non identifié sur l’application Zello, dans lequel on peut lire «Vous faites des “arrestations citoyennes”. Arrêtez cette assemblée, nous avons un motif probable pour des actes de trahison et de fraude électorale.» Cela suggère des plans pour l’enlèvement de membres du Congrès et pour les tenir potentiellement en otage pour forcer l’annulation de l’élection.

Il est impératif que toutes ces communications, y compris les messages textes et les appels téléphoniques entre les Oath Keepers, la police, l’armée et les responsables républicains, soient rendues publiques. Ces actions nécessaires n’auront pas lieu si elles sont laissées entre les mains du président Joe Biden et du Parti démocrate. Ces derniers font tout ce qu’ils peuvent pour étouffer et minimiser les événements afin de parvenir à une «unité» avec leurs «collègues républicains».

Le danger permanent de violence fasciste a été souligné par le récent accord de plaidoyer conclu avec Ty Garbin, l’un des cinq hommes arrêtés en octobre et accusés de complot pour l’enlèvement de la gouverneure démocrate du Michigan, Gretchen Whitmer. Mercredi, Garbin a témoigné contre huit autres personnes accusées d’avoir participé au plan et a plaidé coupable à l’accusation de complot d’enlèvement.

L’accord de plaidoyer affirme que Garbin, Daniel Harris, Kaleb Franks, Brandon Caserta et Adam Dean Fox ont commencé à planifier l’enlèvement et la pendaison de Whitmer au début du mois de juin 2020. À la mi-juin, Fox, cherchant à développer l’opération, s’est coordonné avec Barry Croft pour assister à une réunion de «personnes qui partageaient les mêmes idées» à Dublin, en Ohio, où ils ont discuté de démettre les «tyrans» de leur fonction.

À cette occasion, le groupe prévoyait, en avant-goût des événements du 6 janvier, de prendre d’assaut le Capitole de l’État du Michigan, après avoir déclenché ailleurs une explosion pour faire diversion, et d’utiliser des tasers et des attaches rapides en plastique pour «neutraliser» leur «cible», la «détenir» et l’«exfiltrer». Aussi, deux bombes artisanales, l’une au siège du Comité national républicain, l’autre au siège du Comité national démocrate, ont été trouvées, ainsi que des attaches rapides et des tasers, lors de l’assaut fasciste sur le Capitole.

Selon l’accord, le groupe s’est entraîné à tirer avec un fusil d’assaut semi-automatique de type AR-15 modifié, équipé d’un lance-projectiles de 37 millimètres, et a tenté de fabriquer des bombes lors d’un «exercice d’entraînement sur le terrain» qui s’est tenu les 12 et 13 juillet à Cambria, dans le Wisconsin. Le groupe s’est préparé sur la propriété de Michael Jung, 70 ans, qui se décrit comme un membre des Oath Keepers et des «III Percenters» qu’on ne l’a pas encore inculpé.

Le 18 juillet, Garbin, Fox, Croft, Franks, Harris et «d’autres» ont participé à une réunion des chefs de milice de «plusieurs» États à Peebles, en Ohio. C’est lors de cette réunion que le groupe a décidé que l’assaut du Capitole du Michigan serait trop difficile et a commencé à planifier l’enlèvement de Whitmer dans sa maison de vacances.

(Article paru en anglais le 29 janvier 2021)

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