Un syndicat de l’éducation bloque une motion contre la gestion désastreuse de la pandémie par le gouvernement du Québec

Un éducateur spécialisé de la Montérégie s’est tourné vers le World Socialist Web Site pour dénoncer le comportement anti-démocratique des chefs syndicaux de sa section locale, qui ont refusé de discuter de la pandémie de COVID-19 lors d’une assemblée générale des membres.

Quelque 250 employés de soutien, membres du Syndicat de Champlain, affilié à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), étaient réunis en assemblée générale le 28 janvier dernier. Toute la semaine, des milliers d’enseignants et de travailleurs de l’éducation, qui sont sans contrat de travail depuis mars dernier, ont été conviés en assemblée pour se prononcer sur des mandats de grève de cinq jours proposés par les chefs syndicaux. Les derniers résultats montrent un appui important pour la grève à travers la province.

L’éducateur spécialisé, qui préfère garder l’anonymat, a expliqué au WSWS qu’il a présenté une motion condamnant la gestion catastrophique de la pandémie par le gouvernement du Québec et réclamant une réunion d’urgence pour que les membres de la base puissent discuter des actions à prendre contre la pandémie.

Cette proposition était d’autant plus nécessaire que les syndicats de la CSQ – dont celui de Champlain qui constitue avec ses quelque 10.000 membres l’une des plus importantes sections locales – n’ont organisé aucune assemblée générale sur cette question depuis la réouverture des écoles, il y a cinq mois maintenant. Ils se sont plutôt contentés de recycler le discours mensonger du ministère de l’Éducation que les écoles seraient des lieux «sécuritaires» non impliqués dans la propagation du virus.

Des cas de COVID-19 ont été recensés à l’école LCCHS dans le sud-ouest de Montréal, où un groupe d’élèves avait débrayé en octobre dernier pour protester contre les conditions non-sécuritaires de la réouverture des écoles

Comme l’a expliqué ce travailleur en motivant sa proposition, «on ne peut parler de nos conditions de travail sans parler de la protection de notre santé et même de nos vies, qui sont menacées par la pandémie». (Le texte intégral de son intervention, qu’il a fourni au WSWS, est disponible au bas de cet article.)

La motion qu’il a ensuite soumise se lit comme suit: «Cette assemblée condamne la gestion désastreuse de la pandémie par le gouvernement Legault, en particulier la réouverture des écoles qui met en danger la santé et la vie des enseignants et éducateurs, des élèves et des parents. Vu la gravité de la situation, cette assemblée demande la tenue d'une réunion syndicale d'urgence, d'ici une semaine, pour discuter des actions à prendre face à la pandémie.»

Alors que la proposition a été secondée, le président du syndicat, Éric Gingras, a réclamé une «intervention privilégiée», réservée aux dirigeants d’assemblée, pour bloquer la motion. Utilisant le langage bureaucratique employé par les chefs syndicaux pour justifier des décisions anti-démocratiques, Gingras a souligné que l’ordre du jour était «fermé» et que l’assemblée ne pouvait discuter que de la «loi 37 du Code du travail» qui régit les négociations collectives.

Il a demandé au président d’assemblée de vérifier la «recevabilité» de la proposition. Une minute plus tard, le président confirmait qu’il rejetait la proposition selon les mêmes prétextes frauduleux invoqués par Gingras, sans que le proposeur ne puisse contester cette décision. Le président de l’assemblée a indiqué que la proposition ne serait donc pas discutée ni soumise au vote, mais qu’elle pourrait être soulevée lors d’une prochaine réunion dans deux mois!

Cette manœuvre bureaucratique pour bloquer toute discussion sur la gestion désastreuse de la pandémie par le gouvernement Legault doit être dénoncée par tous les travailleurs!

Depuis le début de la crise du coronavirus, les chefs syndicaux ont tout fait pour étouffer la lutte de classe, laissant la gestion de la pandémie entièrement entre les mains du gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ), dirigée par l’ex-PDG converti en figure de droite, François Legault.

Ce dernier s’est avéré sans surprise un défenseur impitoyable des intérêts de l’élite financière. Il a fait passer les profits d’une minorité avant la santé et la vie des travailleurs en appliquant la politique meurtrière de l’«immunité collective», qui consiste à laisser libre cours au virus afin de garder l’économie «ouverte», c’est-à-dire continuer à extraire de la plus-value sur le dos des travailleurs.

Legault a été l’un des principaux promoteurs au Canada de la réouverture des commerces et lieux de travail non-essentiels, ainsi que des écoles, pour permettre à la grande entreprise d’accumuler ses profits. Cette politique, combinée aux décennies de sous-financement des services publics par les gouvernements péquistes et libéraux, a causé une vraie catastrophe au Québec, y compris l’hécatombe dans les centres pour aînés et un taux de décès par habitant parmi les plus élevés au monde.

Les syndicats – qui se sont transformés au cours des quatre dernières décennies en agences corporatistes intégrées à l’État et à la haute direction des entreprises – ont travaillé main dans la main avec le gouvernement fédéral de Trudeau et les gouvernements provinciaux pour orchestrer la réouverture dangereuse des écoles, dont le but réel a toujours été de renvoyer les parents au travail.

Face au silence coupable des chefs syndicaux sur l’impact dévastateur de la pandémie (des dizaines de milliers de travailleurs et élèves contaminés, une douzaine de morts parmi le personnel de la santé), les travailleurs de la base doivent prendre les choses en main.

Il faut lier la lutte des travailleurs du secteur public en défense des emplois et des services publics à l’opposition ouvrière grandissante envers la politique meurtrière de Legault sur la pandémie. Cela créerait les conditions pour un mouvement de masse contre tout le programme d’austérité de la classe dirigeante.

Comme les experts scientifiques internationaux l’expliquent, il existe des solutions pour enrayer la pandémie et protéger les vies humaines: traçage des contacts, isolement des cas, tests de masse, fermeture de la production non-essentielle et des écoles, investissements massifs dans les soins de santé et déploiement accéléré du vaccin dans toute la population.

Mais de telles solutions ne peuvent être imposées que si les travailleurs s’organisent comme une force sociale indépendante en formant des comités de sécurité de la base, complètement indépendants des syndicats pro-capitalistes. De tels comités devront lutter pour faire passer les vies humaines avant les profits, et assurer ainsi la protection du personnel de la santé, de l’éducation et de tous les secteurs.

Une telle mobilisation doit être associée à une lutte politique plus large pour réorganiser l’économie sur une base égalitaire, c’est-à-dire socialiste, afin de satisfaire les besoins sociaux de tous, et non les profits d’une minorité.

* * *

Ce qui suit est le texte intégral de l’intervention qu’a faite l’éducateur spécialisé pour motiver sa proposition:

«La question de nos conditions de travail est primordiale. La question centrale que nous confrontons actuellement, toutefois, est celle de la pandémie. En fait, on ne peut parler de nos conditions de travail sans parler de la protection de notre santé et même de nos vies, qui sont menacées par la pandémie. Ce serait une erreur de séparer ces deux questions.

«Tout indique que la situation est loin d’être réglée. Le nombre de cas et de décès est encore à un niveau alarmant, non seulement au Québec, mais partout dans le monde. L’arrivée au Canada de la nouvelle souche du coronavirus – plus contagieuse et possiblement plus sévère et mortelle – est des plus inquiétante. Les experts internationaux les plus sérieux affirment que des mesures d’urgence doivent être prises immédiatement, y compris en fermant les écoles et la production non-essentielle, avec pleine compensation pour les travailleurs à l’arrêt.

«Contrairement à ce que Legault prétend faussement, les écoles sont un lieu de transmission du virus. Au Québec seulement, c’est plus de 16 000 étudiants qui ont attrapé la COVID-19, et plus de 4000 membres du personnel. Et ça se poursuit. Legault dit que c’est un 'risque calculé'. Le résultat c’est maintenant un peu plus d’une personne sur 1000 qui a perdu la vie en raison de la COVID au Québec. Il faut rappeler que chez les enfants, le virus peut avoir des conséquences graves sur la santé, possiblement à long terme.

«Pour la CAQ, l’ouverture des écoles n’a rien à voir avec la santé mentale. Le but est de permettre aux parents-travailleurs de retourner générer du profit pour les entreprises et l’élite financière. Autrement dit, les profits avant les vies humaines.

«Des mesures strictes et appuyées par la science auraient dû être appliquées dès le printemps dernier, mais Legault et sa CAQ ont choisi de tout rouvrir pour que les riches s’enrichissent. Les 45 milliardaires canadiens, y compris une dizaine de Québécois, ont accru leur fortune de 50 milliards de dollars depuis la pandémie, pendant que nous sommes envoyés au front sans mesures ni équipements adéquats. Au même moment, le gouvernement veut réduire nos salaires et nos conditions de travail. Toute lutte pour défendre nos conditions doit être liée, je crois, à une opposition à la gestion désastreuse de la pandémie par le gouvernement Legault.»

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