Biden discute des demandes des républicains de réduire drastiquement les dépenses pour la relance

Le président démocrate Joe Biden a rencontré lundi 10 sénateurs républicains pour son premier engagement public dans le cadre des efforts visant à faire adopter par le Congrès un plan de secours d’urgence pour contrer les effets de la COVID-19. Les 10 républicains, avec à leur tête Susan Collins du Maine et Mitt Romney de l’Utah, ont sollicité cette rencontre dans une lettre envoyée à Biden dimanche, ce qui a entrainé une invitation immédiate à la Maison-Blanche.

Malgré les louanges de «négociation» et de «bipartisme», la position des 10 républicains s’apparente davantage à une demande de reddition préventive. Alors que Biden propose un plan de 1,9 billion de dollars – somme en soi complètement inadéquate pour répondre aux besoins sociaux de masse causés par la pandémie – la contre-offre républicaine n’est que de 600 milliards de dollars, soit moins du tiers, et de nombreuses dispositions du plan Biden y sont entièrement éliminées.

Allocution du président Joe Biden lors de sa réunion avec la secrétaire au Trésor Janet Yellen dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, le vendredi 29 janvier 2021, à Washington. (AP Photo/Evan Vucci)

Ainsi, les républicains abandonneraient la proposition d’augmenter le salaire minimum à 15 dollars de l’heure au cours des cinq prochaines années. Le salaire minimum fédéral est resté au niveau épouvantable de 7,25 dollars de l’heure depuis les onze dernières années, et même le taux le plus élevé laisse une famille monoparentale avec un enfant occupant un travail à plein temps, toute l’année bien en dessous du seuil de pauvreté.

Le plan républicain supprimerait entièrement les 300 milliards de dollars d’aide aux gouvernements des États et des collectivités locales, dont les budgets ont été dévastés par la chute des recettes fiscales due à la fermeture d’une grande partie de l’économie américaine, combinée à l’augmentation des dépenses pour les soins de santé et autres services sociaux, rendue nécessaire par la pandémie. Pour la plupart, les États et les villes aux États-Unis sont légalement empêchés d’enregistrer des déficits budgétaires et ont dû en conséquence réduire leurs dépenses de façon considérable.

Cette proposition est particulièrement provocante car la loi CARES adoptée il y a 11 mois, lorsque les républicains contrôlaient le Sénat et que Trump était à la Maison-Blanche, ne prévoyait déjà qu’une aide limitée aux gouvernements des États et des collectivités locales. Trump et le leader républicain au Sénat, Mitch McConnell, ont bloqué toute aide supplémentaire dans les projets de loi ultérieurs, affirmant que cela équivaudrait à un renflouement des États et des villes mal gérés par les gouverneurs et les maires démocrates. Maintenant que les démocrates contrôlent la Maison-Blanche, le Sénat et la Chambre, ce groupe de républicains exige le maintien du blocus Trump-McConnell.

Le seul domaine dans lequel les républicains prétendent être d’accord avec le plan Biden initial est celui des dépenses directes pour la vaccination et les soins aux patients atteints de la COVID-19, où les deux partis accepteraient de dépenser 160 milliards de dollars, une somme qui ne couvrira probablement pas les coûts réels si le taux de vaccination est accéléré pour atteindre 1,5 ou 2 millions par jour.

L’un des aspects les plus cruels du plan républicain est l’élimination de la proposition d’augmenter l’assurance chômage complémentaire fédérale de 300 à 400 dollars par semaine. Le supplément de 300 dollars par semaine, fixé dans une loi promulguée en décembre et signée par Trump, serait maintenu à ce niveau plutôt que d’expirer le 15 mars. Mais, contrairement à la version Biden, qui portait la prestation à 400 $ et la prolongeait jusqu’au 30 septembre, la contre-offre républicaine gèlerait la prestation à 300 $ et ne la prolongerait que jusqu’au 30 juin.

O, il n’y a aucune perspective sérieuse que le raz-de-marée de nouvelles demandes de chômage s’évapore d’ici juin. Les nouvelles demandes d’indemnités de chômage se situent entre 700.000 et un million par semaine depuis plusieurs mois. Si l’on tient compte des demandes de prestations spéciales liées à la pandémie déposées par les travailleurs occasionnels et les travailleurs indépendants, le total des nouvelles demandes d’indemnisation du chômage s’élève à plus d’un million par semaine depuis avril dernier.

En outre, le plan républicain réduirait le chèque d’aide unique proposé de 1400 à 1000 dollars et abaisserait le niveau de revenu permettant de recevoir un chèque non amputé de 75.000 à 50.000 dollars par an. Le montant de 1400 dollars était déjà un montant réduit par Biden, qui a fait campagne lors du second tour du Sénat en Géorgie en affirmant que si les électeurs élisaient les démocrates et donnaient au parti le contrôle du Sénat, des chèques de 2000 dollars seraient immédiatement émis. Plus tard, Biden a affirmé qu’il voulait en fait dire 1400 $ venant s’ajouter au chèque de 600 $ devant être envoyé dans le cadre du projet de loi de secours adopté par le Congrès en décembre.

Selon une analyse, la combinaison de la baisse des montants et du renforcement des restrictions d’admissibilité réduirait de moitié la somme des chèques de secours, qui passerait de 465 milliards de dollars dans le cadre du plan Biden à 220 milliards de dollars dans le cadre du plan républicain. Quelque 29 millions de personnes, principalement des personnes ayant un revenu moyen (en 2019, avant la pandémie), deviendraient inadmissibles au paiement.

Biden continue de prétendre qu’il s’en tient à son objectif de 1900 milliards de dollars. Lui et ses porte-parole ont déclaré à plusieurs reprises que le principal danger est un plan trop petit, et non trop grand.

Pourtant le président démocrate a accueilli les dix républicains avec enthousiasme, décrivant leurs demandes pour une capitulation pure et simple comme une véritable contribution à une négociation politique. La veille, son principal assistant économique, Brian Deese, est apparu dans une émission de télévision du dimanche et a suggéré qu’au moins une concession, à propos de l’admissibilité des revenus pour recevoir un chèque de relance, serait envisagée.

Les 10 sénateurs sont exactement le nombre requis, combiné aux 50 démocrates du Sénat, pour donner les 60 voix nécessaires à l’adoption d’un plan législatif pouvant surmonter une obstruction. Mais les démocrates ont une autre option pour la législation, en la faisant passer dans le cadre d’une procédure spéciale appelée «réconciliation budgétaire», qui ne requiert qu’une majorité simple et ne peut faire l’objet d’une obstruction. Cela permettrait au vice-président Kamala Harris de briser toute égalité de vote et d’assurer l’adoption du texte.

Selon les procédures obscures du Sénat, la Chambre et le Sénat doivent d’abord adopter une résolution budgétaire, qui n’est pas signée par le président mais qui fournit un cadre aux commissions du Congrès pour rédiger des projets de loi de dépenses pour divers départements fédéraux. La Chambre et le Sénat devraient tous deux adopter une telle résolution cette semaine – la version de la Chambre a été dévoilée lundi. Les résolutions budgétaires, selon les règles du Sénat, ne peuvent faire l’objet d’obstruction.

Une fois la résolution budgétaire adoptée, un projet de loi distinct visant à «réconcilier» les dépenses totales pour des programmes spécifiques avec la résolution globale peut être à nouveau adopté par le Sénat sans faire l’objet d’une obstruction. Ce projet de loi, adopté une fois par an, est utilisé par le parti qui contrôle le Sénat pour faire passer sa priorité absolue. En 2017, les républicains au Sénat ont utilisé le processus de réconciliation pour promulguer une réduction d’impôts de 1,5 billion de dollars pour les riches sans aucun vote démocrate.

Les démocrates de la Chambre et du Sénat ont demandé que le processus de réconciliation soit utilisé pour faire passer le projet de loi de secours pour contrer les effets de la COVID-19 sans le soutien des républicains, si nécessaire. Le sénateur Bernie Sanders, qui préside aujourd’hui la commission du budget du Sénat, a fait cette demande lors d’une apparition dimanche à l’émission d’interview «This Week» sur ABC.

Il est important de signaler que Sanders demande le recours à la réconciliation uniquement pour faire passer le projet de loi de secours pour contrer les effets de la COVID-19 afin d’adopter le plan édulcoré et inadéquat de Biden, et non pour faire passer une législation qui répondrait réellement aux besoins sociaux massifs créés par la pandémie et l’effondrement économique actuel.

Tout au long de l’année 2020, tant pendant sa candidature à l’élection présidentielle démocrate qui a échoué que par la suite, Sanders a affirmé qu’il serait possible de faire pression sur une administration Biden et de la pousser à gauche. Mais les partisans de gauche du Parti démocrate sont devenus dans les faits de simples porte-parole de la politique propatronale de la Maison-Blanche de Biden.

Ce rôle comprend, plus important encore, l’appui à la campagne de Biden pour la réouverture des écoles et de l’économie, deux mesures qui forcent les travailleurs à retourner au travail en pleine pandémie, malgré le danger pour leur santé et leur vie, afin de maintenir les profits des sociétés américaines.

(Article paru en anglais le 2 février 2021)

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