Le secrétaire à la Défense par intérim de Trump a désarmé la Garde nationale de Washington DC 48 heures avant l’assaut fasciste du 6 janvier

Un mémo publié récemment par l’ex-secrétaire à la Défense par intérim Christopher Miller, écrit deux jours avant l’attaque fasciste du Capitole le 6 janvier, confirme que la direction du Pentagone a délibérément désarmé les soldats de la Garde nationale à la veille de la tentative de coup d’État. Les ordres figurant dans le mémo assurent que les soldats seraient incapables de se protéger – et encore moins le Capitole – permettant ainsi à des milliers de néonazis pro-Trump et de suprémacistes blancs de submerger la police du Capitole, elle-même délibérément sous-déployée.

Le mémo, daté du 4 janvier 2021, répondait à une demande de soutien de la Garde nationale de Washington DC par le secrétaire de l’Armée Ryan McCarthy. Le mémo, ainsi que les documents du FBI parus au cours des deux dernières semaines, contredisent directement les affirmations faites par McCarthy après le coup d’Etat manqué, selon lesquelles le Pentagone n’avait «aucun renseignement» montrant que le Capitole était la cible d’une attaque potentiellement violente.

Les partisans de Trump se rassemblent devant le Capitole à Washington le 6 janvier 2021, photo de dossier [AP Photo/Manuel Balce Ceneta, file]

Le mémo approuvait l'utilisation de seulement 340 soldats de la Garde nationale et imposait des limitations extraordinaires. Il déclarait :

Ce mémorandum répond directement à votre mémorandum du 4 janvier 2021 concernant la demande de soutien de la Garde nationale du District de Columbia (DCNG) en réponse aux manifestations prévues les 5 et 6 janvier 2021. Vous êtes autorisé à approuver le soutien demandé, sous réserve de mes directives ci-dessous et après consultation du procureur général, comme l’exige le décret 11485.

Sans mon autorisation personnelle ultérieure, la DCNG n'est pas autorisée aux actions suivantes:

* À recevoir des armes, des munitions, des baïonnettes, des matraques, des agents de contrôle des émeutes ou des équipements de protection balistique tels que des casques et des gilets pare-balles.

* À interagir physiquement avec les manifestants, sauf en cas de légitime défense ou de défense d’autrui.

* Il lui est interdit de partager du «matériel avec les forces de l’ordre» ou de demander l’aide d’unités de la Garde nationale n’appartenant pas à la Garde nationale de DC

* Interdiction de procéder à des «perquisitions, saisies, arrestations ou autres activités similaires de maintien de l’ordre».

* Il est interdit d’utiliser des «moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance» ou de mener des «activités d’incident, de sensibilisation et d’évaluation».

* Pas d’hélicoptères ou « tout autre moyen aérien».

Cet ordre général de stand-by contraste fortement avec le déploiement de la police militaire fédérale lors des manifestations anti-violence policière à Washington, le 1er juin. À cette occasion, avec l’approbation de McCarthy, deux hélicoptères militaires, un BlackHawk et un Lakota portant l’emblème de la Croix-Rouge, ont survolé les manifestants en face de la Maison-Blanche, soulevant poussière et débris. Ces manœuvres dangereuses et menaçantes ont enfreint plusieurs lois de la Federal Aviation Administration et internationales, qui interdisent l’utilisation d’hélicoptères médicaux pour disperser des foules.

La directive de Miller précisait que la chaîne de commandement de la Garde nationale de Washington passait par McCarthy et Miller et qu’une «force de réaction rapide» de 40 personnes ne devait être déployée qu’en «dernier recours». Si la force de réaction rapide était déployée, McCarthy devait en informer Miller immédiatement.

Ce mémo fuité succède à un entretien révélateur la semaine dernière où le commandant de la Garde nationale de Washington, le général William J. Walker, a déclaré qu’avant l’attaque du 6 janvier, le Pentagone l’avait privé de son autorité normale d’envoyer des troupes au Capitole. Walker a déclaré au Washington Post qu’il avait dû attendre l’approbation de McCarthy et Miller, retardant l’arrivée des soldats d’environ quatre heures.

Miller prit la tête du département de la Défense après le renvoi par Trump de son prédécesseur Mark Esper, le 9 novembre, lors d’une purge de hauts responsables civils du Pentagone. Esper s’était attiré la colère de Trump en s’opposant publiquement à sa menace du 1er juin d’invoquer la Loi sur l’Insurrection et de déployer des soldats d’active dans les principales villes américaines pour réprimer les manifestations anti-violence policière suite au meurtre de George Floyd. Les premiers soldats, de la 82e division aéroportée, furent placés en attente juste en dehors de Washington DC.

Esper et le chef d’état-major interarmées, le général Mark Milley se sont opposés à la demande de Trump d’invoquer la loi, craignant de provoquer des manifestations populaires de masse, que le gouvernement ne pourrait pas contrôler.

Ce n’est pas un hasard si les loyalistes de Trump installés au Pentagone peu après que Joe Biden fut déclaré vainqueur de l’élection présidentielle ont joué un rôle central dans le coup d’État du 6 janvier, qui a failli réussir et que Trump avait organisé pour tenter de stopper la certification du vote du Collège électoral par le Congrès et conserver le pouvoir de façon anticonstitutionnelle.

Le mémo de Miller est la plus récente révélation confirmant que ce qui s’est passé le 6 janvier était un coup d’État fasciste orchestré par la Maison-Blanche et coordonné avec les plus hauts niveaux du Pentagone, de la police et du Parti Républicain. Il ne s’agissait pas, comme certains le soutiennent, d’une simple action spontanée, vouée à l’échec, de lèche-bottes de Trump aux yeux écarquillés.

La planification avancée du coup d’État est encore soulignée par une vidéo de sécurité révélée vendredi dernier, montrant le présumé coupable de l’attentat à la bombe artisanale. Cette vidéo rendue publique par le Washington Post fut prise la veille du coup d’État, entre 19 h 30 et 20 h 30 et montre un individu en sweat-shirt clair qui place deux bombes artisanales – une au siège de chaque comité national des partis démocrate et républicain.

Fait significatif, malgré de nombreuses informations de violence potentielle, dont un avertissement du FBI le même jour, il s’est passé 18 heures avant qu’on ne découvre ces bombes, à peu près au même moment où la horde des attaquants forçait l’entrée du Capitole, le 6 janvier. Ce n’est pas le FBI ou la police qui les a découvertes mais un civil. Les deux bombes étaient munies d’un minuteur et furent considérées comme «actives» quand on les découvrit.

L’usage de bombes comme mesure de diversion pour attirer la police loin du Capitole est la même tactique que celle discutée par les membres de la milice d’extrême droite du Michigan et les «Boogaloo Boys» pour leur complot d’enlèvement et de meurtre de la gouverneure, Gretchen Whitmer, l’été dernier. Le complot fut démasqué et les meneurs arrêtés en octobre.

Le week-end dernier furent publiés des vidéos et des documents judiciaires détaillant le plan des milices d’extrême-droite et des groupes d’autodéfense avant l’assaut du 6 janvier. Le 5 janvier, le FBI de Norfolk, en Virginie, avait publié une feuille de renseignement avertissant des activités violentes en rapport avec l’événement du lendemain.

Le Washington Post a révélé que ces avertissements comprenaient une carte détaillée montrant le tracé des tunnels qui relient le complexe du Capitole, tandis qu’une autre carte était intitulée «CRÉER UN PÉRIMÈTRE».

Les documents judiciaires montrent comment plusieurs groupes d’extrême droite, dont les « Proud Boys » ont monté une action concertée pour déborder la police du Capitole juste avant 13 heures. On a révélé la semaine dernière que le chef de cette milice était un indicateur de police «prolifique». Parmi ceux qui ont mené l’assaut, on trouve Jason Biggs, un ancien combattant, Dominic Pezzola, ancien marine, et William Pepe. Biggs a été vu en train de coordonner les actions des «Proud Boys» le 6 janvier. Il a été inculpé d’obstruction, d’‘entrée sur des terrains restreints’ et d’‘inconduite’, tandis qu’on a accusé Pezzola et Pepe de conspiration.

L’assistant du procureur américain Erik Kenerson a écrit que les actions de Pezzola ont montré «planification, détermination et coordination». Kenerson prétend que Pezzola a fait obstacle à la protection du Capitole par la police en enlevant les barricades métalliques et en brisant les fenêtres. Bien que Kenerson note que «Pezzola n’était pas la seule personne à essayer de briser les fenêtres et d’entrer de force dans le Capitole à ce moment-là. Mais il semble… avoir été le premier à briser une fenêtre avec tant de succès que lui et d’autres émeutiers ont pu entrer dans le Capitole par cette fenêtre».

L’un des « Oath Keepers » (Gardiens du Serment) accusés de conspiration est Jessica Watkins, barman dans l’Ohio et vétérane de l’armée. Le chef des Oath Keepers Stewart Rhodes a confirmé dans une interview au Washington Post qu’avant d’attaquer le Capitole, Watkins avait joué un «rôle important» en menaçant des manifestants anti-violence policière à Louisville, l’automne dernier.

Chaque jour, de nouvelles révélations révèlent l’action coordonnée de la police et des militaires dans la tentative de coup d’État. Une analyse récente de CNN a révélé que sur les 150 personnes accusées jusqu’à présent par les autorités fédérales pour leur rôle dans l’attaque, il y en a 21, soit 14 pour cent, qui sont membres actuels ou anciens de l’armée. Un décompte en cours, compilé par le site Internet juridique l’Appeal, a confirmé qu’au moins 39, mais peut-être 42, officiers de police actuels ou anciens y ont également participé.

Parmi ceux qu’on a vus au Capitole avec un porte-voix, il y avait l’animateur fasciste de radio et de podcast Alex Jones, qui a accueilli Rhodes, le leader des «Proud Boys» Enrique Tarrio, et les «Boogaloo Bois» dans son émission. On a révélé ce week-end que Jones avait contribué à hauteur de 96.000 dollars au financement du rassemblement du 6 janvier à l’Ellipse. Donald Trump, Donald Trump Jr, Rudy Giuliani et le député républicain du Congrès Mo Brooks y avaient incité la foule à prendre le Capitole d’assaut. Jones a travaillé en étroite collaboration avec Julie Jenkins, donatrice majeure de Trump et héritière des supermarchés Publix, qui a fait un don de 300.000 dollars pour l’événement.

(Article paru d’abord en anglais le 1er février 2021)

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