Malgré des hôpitaux sous tension et une pandémie de COVID-19 en progression, le Canada lève ses restrictions minimales

Depuis le début de la pandémie, plus de 20.000 personnes ont succombé au coronavirus au Canada. C’était la troisième cause de mortalité dans le pays en 2020, après les cancers et les maladies cardio-vasculaires.

Les lits dans les hôpitaux et les services de soins intensifs demeurent très occupés. On comptait, en date du 2 février, 1.144 hospitalisations au Québec, dont 183 aux soins intensifs, alors que l’Ontario voisin fait état de 1.158 hospitalisations, dont 354 aux soins intensifs.

La transmission dans les milieux de travail se poursuit. Et elle reprend de l’ampleur dans les écoles du Québec suite à leur réouverture, une mesure à laquelle l’Ontario a emboité le pas.

Pendant ce temps, avec l’appui du gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau, les gouvernements provinciaux sont en train de rouvrir les quelques secteurs qui avaient été fermés.

Le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) a annoncé mardi que les magasins, les salons de coiffure et les musées pourront ouvrir leurs portes partout dans la province à compter du 8 février; les restaurants et les gyms pourront recommencer dans six régions; et les cégeps et universités sont encouragés à reprendre immédiatement l’enseignement en présentiel.

Au Manitoba, la réouverture des commerces a déjà débuté dans le sud de la province avec la levée de diverses mesures. En Alberta, le premier ministre Jason Kenney – l’un des plus fervents promoteurs du retour précipité au travail – a récemment déclaré: «Il faut comprendre qu’on ne peut pas suspendre indéfiniment les activités des entreprises parce que beaucoup d’entre elles n’y survivront pas».

Avec la détection au Canada de plusieurs cas de souches plus contagieuses du coronavirus d’abord apparues au Royaume-Uni et en Afrique du Sud, cette levée des restrictions pourrait précipiter le pays dans une spirale de la mort.

De nombreux épidémiologistes disent que ce n’est pas le temps de rouvrir l’économie. Selon les prévisions du groupe Covid Strategic Choices, qui s’accordent avec celles de la santé publique, les nouveaux cas quotidiens pourraient atteindre le seuil des 9.000 au Canada ce printemps, ce qui se mettrait sous intense pression des hôpitaux déjà débordés.

Un autre expert à déplorer la levée prématurée des mesures de restriction est le Dr Matthew Oughton, qui recommande plutôt «d’amener les chiffres au plus bas, puis d’assouplir». D’autres experts préviennent qu’avec la situation critique dans les hôpitaux et les hausses potentielles de cas, on pourrait se retrouver en situation de triage, où les hôpitaux doivent choisir de traiter certains patients et de laisser en mourir d’autres.

Selon le Dr Mathieu Simon, chef des soins intensifs de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ): «Si on devait se relâcher en février, il y a un risque de dépassement des capacités et de revenir dans une dynamique dont on parlait il n’y a pas si longtemps, dont le protocole d’attribution de lits aux soins intensifs et de sélection inhumaine».

Dans les dernières semaines, des hôpitaux du Québec et de l’Ontario ont procédé à des «simulations» pour entraîner les médecins à décider qui aura – et n’aura pas – accès aux soins intensifs advenant un débordement.

Alors que les gouvernements blâment les citoyens pour la transmission communautaire, les statistiques démontrent que la contamination se produit en grande majorité dans les milieux de travail. Au Québec par exemple, cette part représente plus de 40 pour cent des infections, alors que les centres pour aînés (CHSLD) représentent près de 35 pour cent des cas.

Il y a eu, partout au Canada, d’innombrables éclosions parmi les travailleurs de la santé, dans les usines et sur les lieux de travail. La semaine dernière, plus de 250 cas de COVID-19 ont été détectés dans les installations de Postes Canada à Mississauga en Ontario, et un travailleur en est mort. Une usine de transformation de la viande de Toronto, Belmont Meats, a fait état de 78 cas, y compris 2 associés à la nouvelle souche britannique.

Quant aux organismes publics censés assurer la santé et la sécurité des travailleurs (la CNESST au Québec), ils ferment les yeux devant les violations flagrantes des mesures sanitaires par les entreprises. Depuis le début de la pandémie, sur plus de 17.000 interventions, la CNESST n’a donné que 86 constats d’infraction, entraînant la fermeture de seulement deux établissements et vingt-trois chantiers.

De nombreuses études ont démontré le rôle central des écoles dans la transmission communautaire, y compris une menée à Montréal après la rentrée scolaire de l’automne dernier (voir: Les médias prétendent à tort que les écoles sont sûres: ce que la science dit réellement). En soutenant faussement que les risques pour la santé sont faibles chez les jeunes, les gouvernements forcent les élèves à retourner sur les bancs d’école pour que leurs parents puissent retourner au travail et continuer à générer des profits pour la grande entreprise.

C’est ce qui a fait des écoles des vecteurs importants de la propagation du virus. Au Québec, seulement 3 semaines après leur réouverture suite au congé de fin d’année, on compte déjà 1.450 établissements avec au moins un cas, 857 classes fermées et 3 écoles complètement fermées. En plus des effets inconnus à long terme pour les jeunes qui contractent la maladie, le virus cause des hospitalisations et des décès mêmes chez cette tranche d’âge.

Rien que dans les dernières semaines, un jeune de 14 ans de Québec, Viktor Rousseau, a dû être hospitalisé après avoir développé un syndrome inflammatoire multisystémique, une maladie qui ressemble à la maladie de Kawasaki, des semaines après avoir contracté le virus dans sa classe. Si le jeune en question a survécu, après s’être retrouvé en salle de réanimation, un autre jeune de l’Ontario n’a pas eu cette chance. À seulement 19 ans, Yassin Dabeh de London en Ontario est décédé de la COVID-19 suite à son hospitalisation pour des problèmes respiratoires.

Il est impératif pour la classe ouvrière d’intervenir pour apporter sa propre réponse à la profonde crise sanitaire et socio-économique dont la pandémie a été l’élément déclencheur.

Les travailleurs doivent établir des comités de sécurité de la base, indépendants des syndicats pro-capitalistes, sur tous les lieux de travail – hôpitaux, écoles, usines, centres de distribution, chantiers.

Ces comités pourront mobiliser la force sociale de la classe ouvrière pour exiger les mesures d’urgence nécessaires pour endiguer la pandémie: dépistage de masse; investissements massifs dans le réseau de la santé; fermeture des écoles et des activités économiques non-essentielles, avec pleine compensation financière pour les travailleurs concernés et la petite entreprise – et ce, jusqu’à ce que la grande majorité de la population soit vaccinée.

Ce programme de lutte doit être basé sur la perspective socialiste d’une profonde réorganisation de l’économie pour satisfaire les besoins sociaux de la majorité, et non les profits individuels d’une petite minorité.

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