Le dossier de mise en accusation des démocrates documente le rôle de Trump dans la tentative de coup d’État du 6 janvier

Mardi, les responsables de la Chambre démocrate et l’équipe juridique de Donald Trump ont publié leurs dossiers pour le procès de destitution de l’ex-président au Sénat, qui doit commencer le 9 février.

Le 13 janvier, la Chambre des représentants, contrôlée par les démocrates, a voté une résolution qui vise à mettre en accusation Trump pour incitation à l’insurrection en relation avec l’attaque fasciste du 6 janvier contre le Congrès. Trump et ses alliés ont organisé la tentative de coup d’État dans le but de bloquer la certification par le Congrès de la victoire électorale de Joseph Biden et de préparer le terrain pour que Trump s’installe comme dictateur. Dans une manifestation de soutien continu à Trump, 197 des 211 républicains de la Chambre ont voté contre la destitution.

La semaine dernière, 45 des 50 républicains du Sénat ont voté en faveur d’une motion du libertarien d’extrême droite Rand Paul qui visait à annuler le procès du Sénat au motif juridiquement faux qu’il était inconstitutionnel de condamner un président une fois qu’il a quitté ses fonctions.

Le dossier démocrate de 80 pages est dévastateur, détaillé et sans appel, montre que Trump a commis «des crimes et délits graves» en convoquant une foule de partisans d’extrême droite à Washington DC. le 6 janvier – le jour de la session conjointe du Congrès pour procéder au décompte officiel du vote électoral – et en incitant ses partisans à prendre d’assaut le Capitole américain, à perturber la procédure et à probablement kidnapper et tuer des membres du Congrès y compris le vice-président de Trump, Mike Pence.

L'introduction du dossier des démocrates commence:

Ce procès découle de l’incitation du président Donald J. Trump à l’insurrection contre la République qu’il a juré de protéger. La Chambre des représentants l’a mis en accusation pour ce délit constitutionnel. Pour protéger notre démocratie et la sécurité nationale – et pour dissuader tout futur président qui envisagerait de provoquer la violence dans sa quête du pouvoir – le Sénat devrait condamner le président Trump et le disqualifier de toute future fonction fédérale…

Depuis l’aube de la République, aucun ennemi – étranger ou national – n’a jamais fait obstacle au décompte des votes du Congrès. Aucun président n’a refusé d’accepter un résultat d’élection ou défié les processus légaux de résolution des litiges électoraux. Jusqu’au président Trump.

L'introduction se poursuit:

Alors qu’elle prenait d’assaut le Capitole, la foule criait «Le président Trump nous a envoyés», «Pendez Mike Pence» et «Traître traître traître». Les insurgés ont attaqué les policiers avec des armes et des agents chimiques. Ils ont pris le contrôle de la salle du Sénat, du bureau du président de la Chambre et de sections importantes du complexe du Capitole. Des députés et leur personnel étaient pris au piège et terrorisés. De nombreux fonctionnaires (dont le vice-président lui-même) ont à peine échappé aux émeutiers… Des centaines de personnes ont été blessées lors de l’assaut. Cinq personnes – dont un officier de la police du Capitole – ont perdu la vie.

La responsabilité du président Trump dans les événements du 6 janvier est incontestable. Après avoir perdu les élections de 2020, le président Trump a refusé d’accepter la volonté du peuple américain. Il a passé des mois à affirmer, sans preuve, qu’il avait gagné dans un «raz-de-marée» et que l’élection avait été «volée».

En relatant les événements du 6 janvier, le document note que Trump n’a rien fait pendant des heures pour arrêter la foule déchaînée. Il n’a pas répondu non plus aux demandes désespérées des officiels d’envoyer des forces pour reprendre le Capitole. Il aurait été «ravi» par les événements sanglants diffusés en direct sur les réseaux d’information câblés.

Une section intitulée «Exposé des faits» présente la campagne menée pendant des mois par Trump pour discréditer la légitimité de tout résultat qui n’aurait pas abouti à sa réélection, et ses déclarations postélectorales d’une «élection volée». Il détaille comment il a tenté de forcer les fonctionnaires fédéraux et des États afin de renverser les résultats des élections dans les États clés.

Notant qu’il y avait eu plusieurs signes préalables de plans de violence par des groupes néonazis et des milices pro-Trump et que beaucoup de ceux qui allaient se diriger vers Washington seraient armés, indique le dossier:

Cette mobilisation s’est faite au grand jour. Elle a été largement débattue sur des sites web, comme TheDonald.win, qui, comme l’a confirmé un ancien membre du personnel de la Maison-Blanche, étaient «étroitement surveillés» par l’opération de médias sociaux du président Trump…

Sur le site Internet «TheDonald.win», quelqu’un avait écrit: «Si le Congrès certifie Biden illégalement… Trump n’aurait absolument pas d’autre choix que de nous demander de prendre d’assaut le Congrès et de les tuer/battre pour cela.»

Le dossier réfute de manière préventive les affirmations des républicains selon lesquelles Trump serait victime de l’exercice de son droit à la liberté d’expression. Il consacre ensuite une trentaine de pages à l’examen des précédents juridiques et historiques qui démontrent que les fonctionnaires peuvent être mis en accusation et condamnés après avoir quitté leurs fonctions.

Le mémoire des démocrates présente des arguments irréfutables en faveur de la condamnation de Trump par le Sénat. Plus que cela, il indique clairement, sans l’énoncer explicitement, que l’ex-président et aspirant dictateur est un gangster et complice de meurtre qui devrait être poursuivi et mis en prison à vie.

Cela met d’autant plus en évidence la faillite des appels des démocrates et de Biden à «l’unité» avec les républicains, et leur défense du Parti républicain en tant qu’institution. Ils insistent pour s’adresser en tant que «collègues» à un parti qui s’est aligné derrière Trump et qui cherche à incorporer et à légitimer les fascistes, les racistes et les antisémites.

Il convient de noter, à cet égard, que le récit présenté dans le dossier des démocrates exclut complètement le rôle essentiel joué par les dirigeants et les membres du Congrès républicains dans la promotion du grand mensonge de Trump concernant une élection volée et dans la couverture politique de l’insurrection du 6 janvier en s’opposant à la certification du vote du Collège électoral.

Aucune mention n’est faite du rôle de Mitch McConnell, Ted Cruz, Josh Hawley, Tommy Tuberville et d’autres au Sénat, et de Kevin McCarthy, Mat Gaetz, Mo Brooks, Paul Gosar et Andy Biggs, pour n’en citer que quelques-uns, à la Chambre, qui ont facilité les efforts de Trump pour renverser le résultat de l’élection.

Par exemple, le dossier note les discours incendiaires de Rudy Giuliani, Donald Trump Jr. et Trump à l’Ellipse le matin du 6 janvier. Mais, elle ne fait aucune mention de l’appel du représentant Mo Brooks à la foule pour qu’elle «leur botte le cul» au Capitole.

En outre, le document ne mentionne pas les nombreuses preuves de complicité dans la conspiration du coup d’État de hauts fonctionnaires de l’armée, de la police et du FBI. Il est maintenant établi, par exemple, que le loyaliste Trump installé dans la purge postélectorale à la tête du Pentagone, Christopher Miller, ait interdit à la Garde nationale de Washington DC deux jours avant l’assaut fasciste de porter des armes ou du matériel antiémeute pour intervenir de quelque façon que ce soit auprès des «manifestants» pro-Trump.

Le document ne mentionne pas non plus les actions extra-constitutionnelles antérieures de Trump, surtout sa tentative de coup d’État du 1er juin 2020, lorsqu’il a mobilisé la police militaire pour attaquer violemment des manifestants pacifiques à Washington DC et menacé d’invoquer la loi sur l’insurrection et de déployer des troupes en service actif pour écraser les manifestations contre la violence policière dans tout le pays.

Le dossier soumis par l’équipe juridique de Trump ne compte que 14 pages, ce qui témoigne de l’attitude méprisante du «45e président des États-Unis» à l’égard du Congrès. En outre, sa confiance dans le fait qu’une large majorité de sénateurs républicains voteront pour le disculper était justifiée.

Si le dossier des républicains affirme à plusieurs reprises que le procès du Sénat est inconstitutionnel parce que Trump n’est plus en fonction, sans étayer cette affirmation d’un point de vue historique ou juridique, il ne s’arrête pas là. Il affirme que Trump est victime de l’exercice de son droit à la liberté d’expression et de parole politique, tel que le premier amendement le définit dans la constitution, car le commandant en chef des États-Unis, avec ses vastes pouvoirs de répression, n’est pas différent de toute personne privée.

En avançant cet argument, qui implique qu’aucun contrôle légal ou constitutionnel n’existe sur ce qu’un président peut dire, le dossier affirme qu’un pilier du mensonge de «l’élection truquée» promut par Trump et la majeure partie du parti républicain et tout à fait vrai:

Il a été admis qu’après l’élection de novembre, le 45e président a exercé son droit au premier amendement de la Constitution pour exprimer sa conviction que les résultats de l’élection étaient suspects, puisqu’à quelques rares exceptions près, sous le couvert commode de la pandémie de COVID-19, des politiciens ou des juges locaux, sans les approbations nécessaires des assemblées législatives des États, ont modifié les lois et procédures électorales des États.

Il poursuit en affirmant que le véritable vainqueur des élections de 2020 reste dans le doute et Trump «nie donc que [ses déclarations] étaient fausses».

Le document contient deux autres affirmations importantes et réactionnaires: que les remarques de Trump lors du «Save America Rally» du 6 janvier n’étaient pas une incitation à la foule à «interférer avec le comptage des votes électoraux», et que le Congrès a le droit d’annuler le vote électoral tel que certifié et soumis par les États:

Le devoir du Congrès n’était donc pas seulement de certifier l’élection présidentielle. Son devoir était d’abord de déterminer si les règles de la constitution justifiaient et autorisaient la certification du vote de l’élection présidentielle.

Les implications de ces arguments sont d’une grande portée. Elles justifient essentiellement le refus de Trump d’accepter les résultats de l’élection de 2020 et les efforts de ses co-conspirateurs du Parti républicain pour rejeter illégalement les listes électorales certifiées par les États sur la base du vote populaire dans chaque État. Ils fournissent un cadre pseudo-juridique pour la poursuite de l’élan vers la dictature d’une partie importante de la classe dirigeante.

(Article paru en anglais le 3 février 2021)

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