Les ouvriers PSA Kénitra débrayent et défient les forces de l’ordre au Maroc

Le 27 janvier, les ouvriers PSA à l’usine de Kénitra au Maroc ont débrayé et bloqué leur usine pour exiger une revalorisation des salaires, un matériel sanitaire conséquent, et une amélioration de leurs conditions de travail. La nouvelle de la grève s’est diffusée rapidement sur les réseaux sociaux, provoquant une vive approbation des travailleurs en France et internationalement.

Les 2.500 travailleurs du site, qui doit produire 200.000 véhicules cette année dont la Peugeot 208 et la Citroën AMI, ont défilé à travers l’usine et bloqué les sorties. Interpellés par le directeur de la production, ils ont formulé des revendications à la direction qui circulent sur les réseaux sociaux. Celles-ci portent notamment sur le salaire très bas (2600 dirhams, 241€ mensuels), les équipements sanitaires, le non-paiement de primes et d’heures supplémentaires, notamment une prime à la performance non payée depuis six mois, les pannes des équipements, et les conditions de travail.

Les travailleurs PSA-Kénitra ont également exigé une couverture médicale pour tous, l’indemnisation des accidents de travail, une augmentation de la durée des pauses, et une attitude plus respectueuse des responsables de l’usine envers les ouvriers. Les ouvriers ont fait savoir que la satisfaction de leurs revendications était une condition de leur retour au travail.

L’Opinion du Maroc, qui a contacté des grévistes à Kénitra, écrit: «la majorité des ouvriers sont embauchés par un contrat ANAPEC pour une durée de douze mois qui ne leur octroie pas une couverture médicale ni une protection en cas d’accident grave, ajoutant que leur salaire ne dépasse pas 2400 dirhams. Ils nous ont également confié qu’une grande partie des salariés se trouvent dans l’obligation de travailler une heure supplémentaire après la fin de leur shift sans rémunération.»

Le soir de la grève, plusieurs escouades de gendarmes mobiles ont entouré l’usine pour essayer de dissuader les grévistes avant la prochaine réunion avec la direction, le 29 janvier. Le 28, pourtant, les travailleurs ont organisé un sit-in devant l’enceinte de l’usine. La direction s’étant montrée intraitable le 29, la grève continue, selon les dernières informations.

Le site de Kénitra est d’une importance stratégique pour PSA, alors que le Maroc a dépassé l’Afrique du sud pour devenir le premier constructeur d’automobiles en Afrique. Si PSA a accusé un recul de ses ventes en Europe en 2020, PSA a connu une augmentation de 46 pour cent de sa part du marché au Moyen-Orient, grâce notamment à des hausses importantes des ventes en Turquie et en Égypte. Une part importante de la production de Kénitra serait écoulée en direction des marchés moyen-orientaux.

Le mouvement à Kénitra témoigne de la montée internationale de la colère ouvrière face aux effets de la pandémie et des conditions de travail créées par la fusion entre PSA et le constructeur italo- américain Fiat-Chrysler, entérinée en décembre 2019 mais effective seulement depuis le 15 janvier.

Alors que les ventes de PSA ont chuté de 27,8 pour cent et celles de Fiat-Chrysler de 17 pour cent, le nouveau groupe tente de créer le maximum de profits malgré la pandémie en employant une main d’œuvre surexploitée au Maroc comme en France et internationalement. Or, le coronavirus a infecté 475.589 personnes au Maroc et a fait 8.408 victimes, selon les dernières statistiques officielles, avec 234 nouvelles infections confirmées hier. Il y a eu 31,4 millions de cas et 740.000 morts en Europe.

La nouvelle de la grève à Kénitra a suscité un grand enthousiasme parmi les travailleurs sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, un travailleur d’Alstom en France a commenté la différence entre cette grève et le dialogue social habituel entre les syndicats et la direction: «Ils ont raison, et c'est rare, Peugeot revendiquer, et revendiquer c'est offensif, c'est pas en défensif comme quand on négocie sur propositions des patrons et directions.»

Un autre a écrit, «Il y a ‘du pain sur la planche’ les camarades! Foncez, ils ont du mal à honorer les commandes.»

En effet, après le plan d’aides de 8 milliards d’euros octroyées par l’État français au secteur de l’automobile l’année dernière après le déconfinement, il serait absurde de prétendre que les constructeurs automobiles n’ont pas l’argent nécessaire pour rémunérer les ouvriers.

Les conditions d’une puissante grève internationale contre PSA-Fiat Chrysler et d’une mobilisation ouvrière plus large sont réunies. Ceci pourrait non seulement améliorer les conditions salariales et de travail des ouvriers PSA, mais poser les bases d’une lutte pour stopper la pandémie de COVID-19 et contre les guerres menées par l’impérialisme français au Mali et à travers l’Afrique de l’Ouest. Dans cette lutte, les meilleurs alliés des travailleurs à Kénitra sont les travailleurs de PSA-Fiat-Chrysler à l’international et leurs frères et sœurs de classe à travers le monde.

Toutefois, pour engager une telle lutte il faudra pour les ouvriers s’organiser en comités de base, indépendants des appareils syndicaux à la botte du pouvoir, et se préparer à une lutte politique. L’envoi des forces de l’ordre dès le premier soir de grève à Kénitra souligne que la monarchie marocaine, dont les liens étroits avec Washington et Paris sont avérés, voit en une grève à PSA une menace intolérable à ses intérêts et à ses liens avec le capital financier international.

De plus, les applaudissements adressés par les appareils syndicaux en France à la grève à Kénitra sont d’une hypocrisie répugnante. Non seulement ils ont accordé leur soutien aux guerres menées par l’impérialisme français en Syrie et à travers la région méditerranéenne, mais ils sont dirigés par des bureaucrates qui travaillent étroitement avec PSA au dépens des travailleurs.

C’est en particulier le cas de Jean-Marc Mercier, qui est délégué central de CGT-PSA en France et membre dirigeant du parti petit-bourgeois Lutte ouvrière (LO), dont il a dirigé la liste aux élections européennes de 2019 avec la candidate présidentielle de LO, Nathalie Arthaud. Mercier a une longue expérience à PSA, ayant coordonné la fermeture du site de PSA-Aulnay dans la banlieue nord de Paris en 2013. A présent délégué à l’usine PSA à Poissy, il a adressé sur Facebook une vidéo faussement enthousiaste et amicale aux grévistes à Kénitra.

Mercier a dit qu’au Maroc, «comme en France, en Angleterre, en Allemagne et en Algérie», les salaires «sont bloqués». Il a ensuite souligné le contraste entre les conditions de travail des ouvriers et la situation financière de l’entreprise. PSA aurait enregistré selon Mercier «2,5 milliards d’euros» de bénéfices. «Pourtant, on travaille tous les jours de la semaine, les samedis, la nuit (…) Nos salaires, vos salaires doivent augmenter.» Il a affirmé, «Nous allons faire connaître votre grève dans les usines en France et dans toutes les usines PSA en Europe.»

En fait, Mercier, sachant que la colère ouvrière en Europe est explosive avec la gestion criminelle de la pandémie et la vaste montée des inégalités sociales, tente désespérément de garder le contrôle et d’éviter que les syndicats soient débordés par les travailleurs. Il n’organisera pas plus d’actions de solidarité pour les travailleurs à Kénitra qu’il n’a fait pour les travailleurs d’Aulnay.

La voie pour aller de l’avant est de former un réseau international de comités de base, indépendants des appareils syndicaux, qui permettront de coordonner les luttes et de veiller à la sécurité sanitaire des travailleurs. A terme, ceci permettra non seulement de lutter pour une vaste amélioration des niveaux de vie, mais aussi pour organiser un confinement scientifiquement dirigé pour stopper la pandémie. Ceci nécessitera avant tout une lutte politique socialiste pour unifier les travailleurs d’Afrique, d’Europe et d’Amérique contre l’impérialisme et ses guerres et ses alliés locaux.

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