Les démocrates terminent la mise en accusation de Trump dans son procès en destitution pour le coup d’État du 6 janvier

Après une session d’environ quatre heures jeudi, les démocrates chargés de la mise en accusation ont conclu leur présentation d’ouverture dans le procès au Sénat de l’ancien président Donald Trump. Dans ce qui était principalement un passage en revue d’une montagne de preuves, les démocrates ont fait le lien entre les actions de la foule fasciste du 6 janvier et les années d’incitation et d’approbation de la violence par Trump.

Pendant les trois jours du procès au Sénat, les démocrates ont présenté des preuves accablantes de la culpabilité personnelle de Trump, tout en cherchant à dissimuler le rôle du Parti républicain dans son ensemble, y compris une majorité des «jurés» républicains du Sénat qui décideront du sort de Trump. Et ils ont généralement cherché à minimiser les implications de la tentative de coup d’État, même si un responsable de la mise en accusation a soulevé pour la première fois la question de savoir ce qui se serait passé si Trump avait réussi.

Le sénateur Todd Young, républicain de l’Indiana (à gauche) et le sénateur Mike Crapo, républicain de l’Idaho (à droite), marchent ensemble au Capitole à Washington, le jeudi 11 février 2021 après le troisième jour du deuxième procès en destitution de l’ancien président Donald Trump. (AP Photo/Susan Walsh)

Les démocrates ont commencé leur présentation en repassant des vidéos des rassemblements de la campagne 2016 de Trump, dans lesquelles il a exhorté ses partisans à «mettre K.O. les manifestants». Puis, réagissant à la démonstration de force des fascistes à Charlottesville, en Virginie, en août 2017, Trump a blanchi le meurtre de la militante antiraciste Heather Heyer par un néonazi en affirmant qu’il y avait «des gens bien» des «deux côtés».

Ensuite, Trump a cautionné l’attaque du 30 avril 2020 contre le Capitole de Lansing, dans le Michigan, par des milices d’extrême droite lourdement armées et opposées au confinement. Certains de leurs membres allaient ensuite se faire arrêter pour leur rôle dans le complot d’enlèvement et d’assassinat de la gouverneure Gretchen Whitmer. Jamie Raskin, le principal démocrate chargé de la conduite du procès, a établi un parallèle entre l’attaque de Lansing et le siège du Capitole le 6 janvier, en faisant des allers-retours entre les images des deux événements.

Alors qu’il montrait les photos de chacun d’eux, Raskin a noté: «Cette foule inspirée par Trump peut en effet vous sembler familière: des drapeaux de combat confédérés, des chapeaux MAGA, des armes, du matériel de camouflage de l’armée – tout comme les insurgés du Capitole. Ils se sont présentés et ont envahi la salle le 6 janvier. Le siège du Capitole du Michigan était en fait une répétition générale au niveau de l’État pour le siège du Capitole américain que Trump a provoqué le 6 janvier».

C’est vrai que les événements du Michigan annonçaient l’assaut du Capitole. Cependant, dans les deux cas, les démocrates ont fait de leur mieux pour dissimuler la véritable ampleur de la menace fasciste. Le candidat démocrate à la présidence, Joe Biden, n’a jamais insisté sur la question des complots contre Whitmer. Lors du procès au Sénat, les dirigeants démocrates ont fait de leur mieux pour dissimuler la véritable étendue de la menace fasciste, afin de protéger leurs «collègues républicains», endormir la classe ouvrière et garder la crise politique sans précédent confinée au sein de la classe dirigeante et de l’État.

Les démocrates chargés du procès ont montré que les agresseurs du 6 janvier n’agissaient pas au hasard, mais sur les ordres de Trump. Ils ont cité de nombreux tweets, vidéos et déclarations sous serment de certaines des personnes arrêtées le 6 janvier, où elles affirmaient suivre les directives de Trump.

La représentante du Colorado Diana DeGette a argumenté du point de vue des «insurgés eux-mêmes», déclarant que leurs déclarations «avant, pendant et après l’attaque montrent clairement qu’ils ont mené l’attaque sur les instructions de Donald Trump et pour répondre à ses souhaits». DeGette a souligné que la foule a été convoquée à Washington «sur ordre du président, et nous le savons parce qu’ils l’ont dit».

DeGette a diffusé une vidéo du discours de Trump le matin du 6 janvier. La vidéo montrait la réaction positive de la foule aux directives de Trump de «faire preuve de force», «prendre d’assaut le Capitole» et «envahir le bâtiment du Capitole». Elle a fait jouer une autre vidéo prise par le néonazi Tim Ginoet (qui porte l’alias: Baked Alaska) depuis l’intérieur du bâtiment alors que le siège était en cours, dans laquelle Ginoet déclare: «Il [Trump] sera heureux. Nous nous battons pour Trump.»

Même s’il n’a pas été cité par l’accusation, un mémorandum déposé jeudi matin par les procureurs fédéraux contre la chef des Oath Keeper d’Ohio, Jessica Watkins, ancienne combattante de l’armée âgée de 38 ans, montre bien l’état d’esprit de ceux qui ont mené le coup d’État au Capitole. En réclamant la détention préventive de Watkins, les procureurs ont écrit qu’ «à l’approche de l’inauguration, Watkins a indiqué qu’elle attendait des instructions du président Trump».

Cependant, les démocrates ont continué à limiter la portée de leur mise en accusation au seul Trump. Ils ont laissé de côté ses co-conspirateurs au sein de la police, de l’armée, des agences de renseignement et du parti républicain, dont certains sénateurs faisaient partie des jurés. Ils auraient pu facilement souligner le mépris manifesté par les principaux partisans de Trump au Sénat tout au long du processus: à un moment donné, des journalistes ont fait remarquer que 18 des 50 sénateurs républicains s’étaient absentés. Des journalistes ont repéré d’autres sénateurs républicains en train de griffonner sur leurs blocs-notes ou de faire défiler leurs téléphones pendant que les démocrates présentaient leurs arguments.

Il y avait une contradiction manifeste entre les dimensions du complot fasciste et les efforts des démocrates pour se concentrer uniquement sur le rôle de Trump. Cette contradiction a été mise en évidence dans l'intervention du député de Rhode Island, David Cicilline, qui a conclu en posant la question des questions: et si Trump avait réussi?

Cicilline a fait remarquer qu’une attaque sur le Capitole n’avait pas eu lieu, même pendant la guerre civile américaine. «Pour la toute première fois dans notre histoire, un président en exercice a activement incité ses partisans à perturber violemment le processus qui prévoit le transfert pacifique du pouvoir d’un président à l’autre. Pensez-y un instant. Et si le président Trump avait réussi? Et s’il avait réussi à renverser la volonté du peuple et nos processus constitutionnels? Qui parmi nous est prêt à risquer ce résultat en laissant les crimes constitutionnels de Trump sans réponse?»

Aucun autre représentant de l’accusation n’a cherché à approfondir cette question. Les experts des médias après la fin de la session du jour ont tous évité de reprendre la question dans leurs analyses. C’est prévisible, car la question soulève un problème central: qui seraient devenus les collaborateurs de Trump en cas de succès dans la prise du pouvoir? Il n’aurait pas gouverné seul. Le gros du parti républicain se serait rallié à lui en déclarant que l’insurrection était la voix du peuple indigné par la fraude électorale présumée, et sans doute, dans ces circonstances, de nombreux démocrates auraient fait la paix avec le dictateur en herbe.

Au lieu d’insister sur ce point, les représentants de l’accusation ont déclaré qu’une condamnation était nécessaire pour éviter que Trump ne mène des actions similaires en 2024, à savoir qu’il se présente à nouveau comme candidat, qu’il perde à nouveau, et qu’il incite de nouveau à la violence. C’est une grossière sous-estimation du danger réel de la violence fasciste. Les mêmes voyous mobilisés le 6 janvier sont capables d’agir maintenant, dès que Trump ou d’autres facilitateurs de l’élite dirigeante estiment que c’est avantageux de le faire. Le même réseau de sympathisants fascistes haut placés, au Congrès, et dans l’appareil militaro-renseignement, reste en place.

Dans leurs remarques finales, les représentants de l’accusation ont cherché à réfuter à l’avance les questions que les avocats de Trump pourraient soulever lors de la session qui commence vendredi. Les avocats de Trump ont déjà perdu leur argument selon lequel le procès de mise en accusation est inconstitutionnel parce que Trump n’est plus président. Le Sénat a rejeté cette affirmation mardi, par un vote de 56-44. Raskin les a explicitement mis en garde contre le fait de soulever à nouveau la même revendication, suggérant ainsi que le sénateur Patrick Leahy, qui préside le procès, pourrait la juger irrecevable.

Raskin a également démoli l’affirmation des avocats de Trump selon laquelle ses droits constitutionnels, garantis par le premier amendement, étaient violés parce qu’il est accusé d’avoir incité la foule dans le discours qu’il a prononcé devant la foule réunie à la Maison-Blanche le 6 janvier. Raskin a souligné que les fonctionnaires du gouvernement prêtent serment de soutenir et de défendre la Constitution, et qu’un discours contraire à ce serment n’est pas protégé par le premier amendement. Il a aussi fait remarquer que le discours de Trump visait en fait à détruire les droits garantis par le premier amendement, non seulement ceux des membres du Congrès contraints de fuir le Capitole, mais aussi ceux des dizaines de millions de personnes qui ont voté lors de l’élection et qui auraient vu leur vote supprimé si Trump avait réussi.

Un autre appel lancé par les représentants de l’accusation mérite d’être noté tant il était explicitement réactionnaire. Le démocrate du Texas, Joaquin Castro, a pointé du doigt la réaction de «grandes puissances» rivales comme la Russie et la Chine, en citant un rapport des services de renseignement selon lequel: «Depuis l’incident au Capitole américain le 6 janvier, des acteurs russes, iraniens et chinois ont saisi l’occasion pour faire valoir des points de vue conformes à leurs intérêts politiques pendant la transition présidentielle».

Castro a exhorté ses collègues républicains à voter pour la condamnation de Trump afin de renforcer la position mondiale de l’impérialisme américain contre ses rivaux étrangers. Il faisait ainsi écho à la campagne anti-russe bidon menée par le parti démocrate pendant la présidence de Trump. Son but était de détourner à droite l’opposition populaire à la brutale politique anti-ouvrière de Trump, afin d’en faire un soutien à une politique étrangère américaine plus agressive au Moyen-Orient et ailleurs dans le monde.

(Article paru en anglais le 12 février 2021)

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