Perspectives

L’espérance de vie aux États-Unis tombe à son niveau le plus bas depuis 2006

Près d’un demi-million d’Américains sont morts de la pandémie COVID-19 et le bilan mondial s’élève à près de 2,5 millions de morts. L’immense souffrance se poursuit sans relâche alors que le nombre de cas augmente, atteignant plus de 110 millions dans le monde et que de nouvelles mutations du virus, potentiellement plus virulentes, circulent.

Selon une nouvelle étude des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), la population américaine a connu la plus forte baisse d’espérance de vie depuis les années 1940, tandis qu’une autre étude a montré que la pandémie a fait perdre à l’humanité un nombre stupéfiant de 20 millions d’années de vie.

Des travailleurs qui portent des équipements de protection individuelle enterrent des corps dans une tranchée à Hart Island, le 9 avril 2020 (Photo: AP Photo/John Minchillo)

Ces réalités brutales ne sont pas simplement le résultat du virus mortel, mais la conséquence d’une politique délibérée des gouvernements capitalistes du monde entier, qui ont permis au virus de se propager et ont même accueilli et encouragé son bilan meurtrier. Parmi les victimes, on compte des jeunes et des personnes âgées, mais aussi, et de manière disproportionnée, des travailleurs et des pauvres.

Si l’on juge la santé et le progrès d’une société à l’aune de l’espérance de vie, alors les États-Unis sont effectivement en proie à un déclin social. Une nouvelle étude du Centre national des statistiques sanitaires (NCHS) des CDC montre qu’au cours du premier semestre 2020, l’espérance de vie à la naissance pour l’ensemble de la population américaine était de 77,8 ans, soit une baisse d’une année entière par rapport aux 78,8 ans de 2019. C’est la plus forte baisse de l’espérance de vie depuis la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’elle avait chuté de 3 ans.

Le NCHS met en garde contre le fait que, aussi spectaculaire que soit cette baisse, ses conclusions sont provisoires. Ils se trouvent basés sur des certificats de décès qui peuvent se faire réviser ultérieurement – jusqu’à six mois après la fin de l’année de référence. L’étude ne prend pas non plus en compte les décès survenus au cours du second semestre 2020, lorsque la pandémie s’est solidement installée dans le sud et l’ouest des États-Unis.

Au cours du premier semestre 2020, l’espérance de vie à la naissance aux États-Unis était à son plus bas niveau depuis 2006 (77,8 ans) pour la population totale et pour les hommes (75,1 ans). Pour les femmes, elle était également à son niveau le plus bas depuis 2007 (80,5 ans). L’espérance de vie de la population noire non hispanique au premier semestre 2020 (72 ans) était à son niveau le plus bas depuis 2001.

Les décès dits de désespoir, dus à des surdoses, à des problèmes de santé liés à l’abus de substances et à des suicides, contribuent sans aucun doute à la baisse de l’espérance de vie aux États-Unis. Le CDC a constaté que la période de 12 mois qui se termine en juin dernier a connu une hausse de 20 pour cent. Elle comprend le plus grand nombre d’overdoses mortelles jamais enregistrées aux États-Unis en une seule année, soit 81.003.

Ces décès liés à la toxicomanie doivent être considérés comme un sous-ensemble des décès liés à la pandémie, qui a isolé les personnes en voie de guérison, la toxicomanie ayant largement disparu du radar. Les programmes de traitement des toxicomanes ont été supprimés à un moment où ils sont plus que jamais nécessaires, en raison de l’isolement et de l’insécurité financière alimentés par la pandémie.

Une autre étude publiée dans les «Rapports scientifiques» de la revue Nature a analysé les données de plus de 1,2 million de personnes de 81 pays qui sont mortes de COVID-19 jusqu’à présent. Les auteurs de l’Université Pampeu Fabra de Barcelone, en Espagne, et de l’Institut Max Planck pour la recherche démographique de Rostock, en Allemagne, ont calculé les «années de vie perdues» (AVP). Il s’agit de la différence entre l’âge d’une personne au moment de sa mort et son espérance de vie, en utilisant les données sur l’espérance de vie dans ces pays.

Les recherches des auteurs ont révélé que le COVID-19 a fait perdre 20,5 millions d’années de vie à l’échelle mondiale, un chiffre stupéfiant. Comme le nombre de décès dans les 81 pays s’élève à 1.279.866 et que les décès officiels actuels dans le monde s’élèvent à près de 2,5 millions, les années de vie perdues sont sans aucun doute bien plus élevées.

Cette étude contredit les affirmations des autorités selon lesquelles la pandémie emporte la vie de personnes âgées qui, même sans l’infection par le virus, auraient eu peu d’années de vie restantes. La classe dirigeante considère les décès des personnes âgées avant la pandémie et toujours maintenant, comme une chose dont on doit se réjouir. Car, la poursuite de leur vie et de leurs soins médicaux représente une ponction sur le système de santé. Et, surtout, c’est dans un moment de leur vie où ils ne produisent plus de profits pour l’oligarchie financière.

Selon l’étude des «Rapports scientifiques», les trois quarts des cas d’AVP sont dus à des décès chez les personnes de moins de 75 ans et près d’un tiers à des décès chez les personnes de moins de 55 ans. En d’autres termes, alors que les personnes âgées souffrent d’un nombre disproportionné de décès, les moins de 55 ans se trouvent privés d’un grand pourcentage de leurs années d’âge adulte par le virus.

Les auteurs de l'étude reconnaissent également que leur étude ne tient pas compte de la charge que représente le handicap pour ceux qui contractent le virus et survivent, mais dont la qualité de vie est affectée par un large éventail de handicaps débilitants – tant physiques que mentaux – dont l'ampleur est encore à l'étude.

Pris ensemble, les «Rapports scientifiques» et les études du NCHS révèlent l’ampleur des souffrances infligées à la population mondiale, tant en termes de décès que d’années perdues, par la politique des élites dirigeantes de la planète dans le cadre de la pandémie. Aux États-Unis, la politique du gouvernement Biden diffère peu, dans ses principes fondamentaux, de celle de son prédécesseur Trump.

La réponse à la pandémie aux États-Unis et dans les pays d’Europe est dictée par la politique de «l’immunité collective» et le slogan «le remède ne peut être pire que la maladie». Pour la classe dirigeante, sauver des vies humaines ne peut pas faire obstacle à l’accumulation de profits privés.

Ce qui motive la réouverture des écoles c’est qu’elles doivent être rouvertes afin que les parents puissent reprendre le travail dans des usines et des lieux de travail dangereux où le virus continuera à se propager. Mais les études scientifiques successives ont prouvé que les écoles, qui ne disposent pas des mesures de sécurité les plus élémentaires pour les élèves et les enseignants, sont un moteur essentiel de la propagation.

En réalité, l’immunité collective signifie qu’on doit conduire les étudiants, les enseignants et les autres travailleurs dans des écoles et des usines dangereuses, où les infections vont se répandre et où le nombre de morts va augmenter, dans le but de préserver les profits de l’aristocratie financière. Selon cette logique, la vie humaine doit à tout prix être subordonnée à l’accumulation de biens par l’élite financière.

Au début de ce mois, le journal anciennement connu sous le nom de British Medical Journal (maintenant le BMJ) a publié un éditorial qui accuse à juste titre les gouvernements du monde entier de «meurtre social» dans leur politique face à la pandémie. Le BMJ a qualifié celle-ci avec justesse d’effort délibéré pour limiter les réponses gouvernementales à la pandémie en promouvant la politique meurtrière de «l’immunité collective».

Alors que le virus continuait à se propager et à tuer des millions de personnes dans le monde, les gouvernements ont levé les mesures de confinement et encouragé la population à voyager, à aller au restaurant et à assister à des manifestations sportives. Aux États-Unis, cela a notamment été le cas au début de ce mois lors du Super Bowl en Floride, un foyer de la pandémie. Le point culminant de cette action a été la campagne meurtrière de réouverture des écoles aux États-Unis. Les syndicats procapitalistes ont été les exécutants de cette campagne de retour à l’école et au travail.

La classe ouvrière doit contrer ce programme capitaliste de misère et de mort avec un programme socialiste qui répond aux intérêts sociaux de la grande majorité de la population, et utilise les progrès de la science et de la médecine pour le bien de l’humanité.

(Article paru en anglais le 19 février 2021)

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