L'Ontario rouvre toutes les écoles et retarde la semaine de relâche de mars en ignorant les avertissements d'une troisième vague de la COVID-19

Le ministre de l’Éducation de l’Ontario, Stephen Lecce, a prononcé une diatribe de mensonges lors d’une conférence de presse la semaine dernière pour dissimuler les implications mortelles de la politique de réouverture des écoles de la province.

Ses remarques ont été faites à la veille du retour, mardi, à l’enseignement en classe dans les seules parties restantes de la province où l’enseignement est principalement en ligne, à savoir la région métropolitaine de Toronto et les régions voisines de Peel et de York. Ces trois régions continuent d’être des foyers de propagation de la COVID-19.

La conférence de presse a été convoquée pour annoncer le report au 12 avril de la semaine de relâche annuelle de mars pour toutes les écoles publiques et les écoles catholiques financées par l’État dans toute la province.

École secondaire de Huntsville en Ontario, Canada. (Source: Wikimedia Commons)

Avec la propagation de souches plus infectieuses et plus mortelles du virus, la province se heurte à une résistance accrue de la part des enseignants à son retour progressif à l’enseignement en personne.

L’année dernière, les écoles ont été fermées en raison de la pandémie pour la première fois immédiatement après le congé de mars, alors que la moyenne mobile de sept jours des nouveaux cas quotidiens de la COVID-19 se chiffrait encore à plusieurs centaines. Aujourd’hui, elle est de plusieurs milliers. Cependant, le gouvernement, les partis d’opposition et les bureaucrates syndicaux exigent tous que les écoles non seulement restent ouvertes, mais ne soient plus jamais fermées.

Lecce l’a clairement indiqué lors de la conférence de presse, en déclarant que le gouvernement «suivait les conseils de la communauté médicale et du directeur de la santé publique de retarder la relâche de mars [...] dans un seul but, celui de garder ces écoles ouvertes».

La décision de retarder la relâche de mars a provoqué la colère des enseignants et des familles. Les éducateurs ont travaillé sans relâche ces derniers mois pour offrir un enseignement à leurs élèves, tout en ne recevant pratiquement aucune aide du gouvernement. Ils ont été ballottés entre l’enseignement à distance, les modèles hybrides et les cours en personne. Nombre d’entre eux estiment, à juste titre, qu’ils méritent une pause. De nombreuses familles, préoccupées par le fait que leurs enfants soient exposés au virus mortel dans des classes surpeuplées et dans les transports publics, préféreraient les garder à la maison, même si cela implique des difficultés financières importantes en raison de l’aide totalement inadéquate fournie par tous les niveaux de gouvernement au Canada.

Lecce a affirmé que la province était surtout préoccupée par la propagation communautaire en raison des voyages et des rassemblements des vacances. Il a affirmé que le fait d’obliger tous les élèves jusqu’à la première année à porter des masques assurerait la sécurité de tous, et que la suspension de la relâche de mars était une décision nécessaire pour protéger la santé mentale des enfants.

C’est de l’hypocrisie pure et simple. La grande majorité des enseignants, des parents et des travailleurs reconnaissent que de voyager dans des conditions de pandémie constitue une grave menace, et n’ont aucune intention de le faire. Les voyageurs les plus flagrants de ces derniers mois ont été des membres de l’establishment politique et des super-riches, dont l’ancien collègue de Lecce, l’ex-ministre des Finances de l’Ontario Rod Phillips, qui a été contraint de démissionner après s’être rendu dans une station balnéaire privée des Caraïbes alors que des milliers de personnes mouraient à travers l’Ontario en décembre.

Alors que le gouvernement Ford prétend protéger la santé et le bien-être du personnel éducatif et des élèves contre la transmission communautaire qui pourrait résulter d’une petite minorité de voyageurs pendant les vacances de mars, sa politique de réouverture des écoles prépare la voie à une propagation beaucoup plus catastrophique de la COVID-19, y compris de ses variants plus infectieux. De nombreuses études scientifiques ont confirmé le rôle central que les écoles ouvertes ont joué dans le déclenchement de la deuxième vague dévastatrice de la pandémie.

Avec le soutien du gouvernement libéral fédéral, le gouvernement conservateur de l’Ontario et ses homologues provinciaux de tout le Canada préparent la voie à une troisième vague mortelle de la pandémie, un fait ouvertement reconnu par de nombreux experts médicaux. Commentant les récentes annonces du gouvernement Ford concernant la réouverture des écoles et de l’économie, le Dr Michael Warner, directeur des soins intensifs à l’hôpital Michael Garron de Toronto, a déclaré: «L’espoir que j’avais de voir un peu de lumière a été balayé par cette annonce du gouvernement. Cela n’a aucun sens! Je ne connais pas un seul scientifique, épidémiologiste ou médecin spécialiste des infections qui pense que ce plan a du sens».

Les prétendues mesures de sécurité mises en place par le gouvernement de l’Ontario pour accompagner la réouverture des écoles ne peuvent même pas être qualifiées de pansement. Dans un système scolaire comptant environ 2 millions d’élèves, Lecce s’est vanté que le gouvernement ne mettrait à disposition que 50.000 tests par semaine pour dépister les cas asymptomatiques. À ce rythme, il faudrait la plus grande partie de l’année pour tester chaque élève de l’Ontario une seule fois! De plus, étant donné les efforts ratés du gouvernement en matière de dépistage de masse et de distribution de vaccins, il est extrêmement douteux que même son objectif inadéquat de 50.000 tests soit atteint.

Le gouvernement provincial sait très bien que les écoles sont un vecteur majeur de transmission, mais il surenchérit avec le mensonge selon lequel les écoles sont sécuritaires. Selon la mise à jour du 12 février sur le site web du gouvernement de l’Ontario chargé de suivre les épidémies dans les écoles, 5264 élèves, 1130 membres du personnel et 1125 personnes non identifiées ont été infectées par la COVID-19 depuis septembre. Il y a des foyers actifs dans 112 écoles, dont quatre ont été fermées, avec 167 cas signalés au cours des 14 jours précédents. Il y a également eu 2431 cas dans des garderies agréées, dont 134 cas actifs. 17 d’entre elles ont fermé leurs portes. Au total, la province a signalé plus de 295.000 cas et 6775 décès depuis le mois de mars.

Le danger accru posé par les mutations du virus a été souligné par les rapports de deux enseignants de Brampton testés positifs pour le variant britannique plus infectieux, et d’un étudiant de Waterloo qui a probablement aussi un cas du même variant.

Ces développements soulignent qu’il est impossible d’organiser en toute sécurité l’enseignement en personne dans un contexte de pandémie. Toutefois, cela n’empêchera pas l’élite politique d’essayer de forcer les enseignants, les élèves et leurs proches à risquer leur vie au quotidien, car la réouverture des écoles est considérée comme essentielle pour accroitre les profits des sociétés. Du point de vue de la classe dirigeante, les enfants doivent retourner à l’apprentissage en personne afin que les écoles puissent fonctionner comme des enclos, libérant ainsi les parents pour qu’ils participent pleinement à la «main-d’œuvre», en dégageant des bénéfices pour les grandes entreprises.

L’opposition parmi les enseignants et les familles à cette voie meurtrière s’accroit depuis des semaines. Depuis novembre, les éducateurs de trois écoles de la région de Toronto ont débrayé pour protester contre les conditions de travail dangereuses dues à des éclosions de la COVID-19. L’exemple le plus récent est celui de 22 assistants pédagogiques et membres du personnel de soutien qui ont débrayé à l’école publique de Beverly à la fin janvier. Ces luttes déterminées ont été systématiquement sabotées par les syndicats de l’éducation qui soutiennent que les enseignants et les assistants éducatifs doivent limiter leurs protestations au système réactionnaire de relations de travail anti-travailleurs qui est conçu pour imposer les diktats du gouvernement et de la grande entreprise.

Neuf écoles du nord de l’Ontario, où les écoles ont rouvert le 11 janvier, avaient déjà signalé des cas avant le 28 janvier. En réponse, Shannon Senior, une assistante éducative et mère célibataire de deux enfants d’âge scolaire vivant à Sudbury, a écrit une lettre ouverte au premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, pour dénoncer la réouverture des écoles de la province. «Aucun de nos enfants ne devrait être malade aujourd’hui. Les écoles auraient dû être fermées. Cela aurait pu être évité. Nous avons l’impression que comme nous sommes une petite communauté, nous avons été négligés», a-t-elle déclaré au Sudbury Star. «L’une des choses qui m’a frappée il y a quelques semaines lors de l’annonce de Ford, c’est quand il a dit qu’il ne prenait pas la santé et la sécurité de nos enfants à la légère. J’ai presque eu envie de dire que vous ne prenez clairement pas à la légère la santé et la sécurité de vos enfants, mais qu’en est-il des nôtres?»

Alors que la menace mortelle que représente la réouverture des écoles pour les travailleurs devient de plus en plus évidente pour un grand nombre d’entre eux, l’opposition au programme imprudent de l’élite au pouvoir doit trouver une expression politique. Le World Socialist Web Site se bat pour mettre en place un comité de la base des éducateurs de tout le Canada, indépendant et en opposition aux syndicats procapitalistes. Ce comité se battra pour mettre un terme à tout enseignement en personne jusqu’à ce que la pandémie soit maîtrisée, pour la fermeture de toutes les entreprises non essentielles et pour que tous les travailleurs et parents puissent demeurer à la maison en bénéficiant d’un salaire complet. Les ressources pour un tel programme existent en abondance, mais elles doivent être expropriées des super-riches par le biais d’une lutte politique menée par la classe ouvrière. Nous encourageons tous les éducateurs et leurs sympathisants qui sont d’accord avec ces revendications à nous contacter aujourd’hui pour participer à cette lutte.

(Article paru en anglais le 19 février 2021)

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