La chef de la police du Capitole dit que des milices d’extrême-droite veulent poser une bombe dans le Capitole

La troisième audition du Congrès s’est tenue cette semaine sur l’attaque du 6 janvier contre le Capitole américain. La chef de la police du Capitole américain par intérim, Yogananda Pittman, et le sergent d’armes par intérim de la Chambre des représentants, Timothy Blodgett, ont témoigné devant une sous-commission de la Chambre des représentants.

L’audition, présidée par le démocrate de l’Ohio Tim Ryan, était la dernière en date à interroger les dirigeants des différentes agences de police sur leur incapacité à maintenir la sécurité du Capitole. Les députés ont soulevé des questions pour savoir comment et pourquoi, malgré la réception de nombreux rapports sur une agression en préparation, il y a eu peu ou pas de mesures pour l’empêcher.

Le sénateur Jon Ossoff, (Démocrat de la Géorgie), à gauche, s’entretient avec l’ancien chef de la police du Capitole américain Steven Sund, à droite, après une audition conjointe de la Sécurité intérieure du Sénat et des Affaires gouvernementales et du Règlement et de l’Administration du Sénat. L’audition s’est tenue au Capitole à Washington le mardi 23 février 2021 pour examiner l’attaque du 6 janvier sur le Capitole. (AP Photo/Andrew Harnik, Pool)

Les deux chefs de police ont répondu par des généralités, ont esquivé les responsabilités ou ont cherché à blâmer «le processus» plutôt que de fournir des réponses directes sur le déroulement des événements du 6 janvier.

Il y a eu une révélation importante quand on a demandé à Pittman combien de temps les mesures de sécurité renforcées, qui comprennent plus de 5.000 soldats de la Garde nationale et un anneau de clôture sécurisé autour du complexe du Capitole, allaient se poursuivre. Elle a fait allusion à la menace permanente de violence terroriste fasciste, avertissant que «les milices qui étaient présentes le 6 janvier ont déclaré leur désir de poser une bombe dans le Capitole et de tuer autant de membres que possible».

En d’autres termes, les fascistes qui ont attaqué le Capitole le 6 janvier sont une menace constante. Pittman a indiqué que leur cible est un discours prévu du président Biden lors d’une session conjointe du Congrès, initialement proposé pour la fin février, mais maintenant repoussé. La présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, a récemment déclaré qu’on déterminera la date de ce discours en tenant compte des préoccupations de sécurité.

Une question soulevée par l’audition, mais qui n’a pas été soulevée, est de savoir combien des forces antidémocratiques et pro-Trump qui ont aidé à l’attaque du 6 janvier sont encore employées au sein de la police et de l’appareil militaire et du renseignement. Ces forces pourraient bien être représentées dans les échelons supérieurs de la police du Capitole elle-même.

L’audition a soulevé de nouvelles questions sur la rupture des communications entre la direction de la police et les agents de terrain au Capitole, et sur les raisons pour lesquelles, semble-t-il, on a constaté un retrait général des forces de police alors même que le Capitole était assiégé.

Le membre républicain le plus en vue de la sous-commission, Jaime Herrera Beutler, qui était l’un des dix républicains de la Chambre à avoir voté pour la destitution de Trump, a insisté auprès de Pittman sur le manque de communication entre les dirigeants de la police pendant le siège. Beutler a raconté qu’elle était «debout à côté des officiers… pendant que l’insurrection se déroulait, c’était très clair… qu’ils ne recevaient aucune communication réelle, aucune directive, aucune coordination et on pouvait voir la peur dans leurs yeux».

En réponse, Pittman a offert une explication sinueuse du système de commandement des incidents, qui, selon elle, a «échoué». Herrera Beutler lui demanda à nouveau directement pourquoi «vous et les dirigeants n’avez pas pris le contrôle du système de communication?»

Pittman a répondu que c’était un «échec à plusieurs niveaux», ce à quoi Herrera Buetler a répondu: «J’entends beaucoup de processus et des explications de pourquoi le problème existait… Chacun de ces officiers a dû prendre une décision sans aucune information, sans une idée de ce que vous faisiez».

La députée a continué en citant un récent sondage réalisé auprès des membres des syndicats de police au sujet de leur direction. Quatre-vingt-douze pour cent des membres éligibles ont voté qu’ils n’avaient «aucune confiance» dans six dirigeants du département de la police du Capitole, dont Pittman et l’ancien chef Steve Sund.

Les démocrates, les républicains et les dirigeants des différents services de police chargés de protéger le Capitole et ses membres ont tous proposé une variante de l’affirmation d’une «défaillance des services de renseignement» pour expliquer la violation du bâtiment par des milices de droite, des tenants de la suprématie blanche et des partisans de Trump. Mais, le témoignage de Pittman a mis cette thèse à mal.

Pittman a confirmé qu’une évaluation spéciale de la police du Capitole en date du 3 janvier avertissait que «des membres des milices, des tenants de la suprématie blanche et d’autres groupes extrémistes» visaient «le Congrès et le processus de certification conjoint (la session qui allait confirmer des résultats de l’élection)» qu’ils considéraient comme «la dernière occasion de renverser l’élection». Cette évaluation avait été diffusée par courrier électronique dans tout le département aux sergents et à leurs supérieurs avant le 6 janvier.

Bien que son département ait produit l’évaluation d’alerte d’une attaque contre des membres du Congrès, Pittman, qui était alors chef adjointe pour les opérations de protection et de renseignement, a affirmé que son département n’avait pas «ignoré le renseignement» et qu’il n’y avait «aucun renseignement» d’une «menace crédible de cette ampleur».

Pittman a également reconnu que la police avait reçu un mémo du bureau de Norfolk du FBI qui avertissait que des milices se préparaient pour la «guerre» et se partageaient des cartes des tunnels creusés sous le complexe du Capitole. Bien qu’elle n’ait prétendument pas vu ce mémo, Pittman a déclaré que même si elle en avait eu connaissance, cela n’aurait pas changé la réponse de la police.

Plusieurs députés ont remis en cause la lenteur de la réponse de la Garde nationale, et en particulier, la raison pour laquelle le Conseil de la police, qui contrôle le déploiement de la Garde nationale sur les terrains du Capitole en collaboration avec le Département de la défense, n’a pas autorisé son déploiement avant le 6 janvier et pendant cette journée.

Pittman a témoigné que le chef Sund avait demandé le déploiement de la Garde avant le 6 janvier, mais que le sergent d’armes Paul Irving s’y était opposé. Un rapport précédent du Washington Post avait affirmé que Irving n’aimait pas «la perspective» de voir des milliers de soldats entourer le Capitole.

Avant de démissionner suite à l’attaque du Capitole, Irving était sergent d’armes depuis 2012, date à laquelle le républicain John Boehner, qui était alors président de la Chambre, l’avait nommé. Irving a passé des décennies au sein des services secrets avant de prendre sa retraite en 2008 et de rejoindre en 2009 le Command Consulting Group, une société internationale de conseil en matière de sécurité et de renseignement.

Dans son témoignage en début de semaine, Irving a déclaré n’avoir «aucun souvenir» d’un appel téléphonique entre lui et Sund le 6 janvier, au sujet du déploiement de la Garde au Capitole avant 13h28. Il a affirmé qu’aucune demande n’a été faite avant 14h10.

Pittman a témoigné qu’elle avait consulté les relevés téléphoniques de Sund qui montrent qu’il avait appelé Irving à 12h58, puis le sergent d’armes du Sénat, Michael Stenger, à 13h05, également pour demander le soutien de la Garde. Pittman a témoigné que Sund a de nouveau contacté Irving à 13h28, 13h34 et 13h45. La demande de déploiement de la Garde a finalement été approuvée et relayée au Département de la Défense à 14h10. Les troupes n’arriveraient sur le terrain que vers 18h00, bien après la fin du siège, en grande partie grâce aux efforts de la police métropolitaine de Washington.

La députée Jennifer Wexton, démocrate de Virginie, a interrogé Pittman sur le manque apparent de policiers déployés sur le terrain le 6 janvier. Pittman a reconnu que lors d’une journée typique où le Congrès est en session, un peu plus de 1.000 policiers sont sur le terrain, mais le jour de la certification du Collège électoral, seulement 200 autres policiers, soit environ 1.200 au total, étaient déployés à midi.

Et ce, malgré la présence de tout le Congrès dans une même pièce, aux côtés des trois plus hauts placés dans la chaîne de succession à la présidence, le vice-président Pence, la présidente de la Chambre Nancy Pelosi et Chuck Grassley, président par intérim du Sénat.

(Article paru en anglais le 26 février 2021)

Loading