Perspectives

Trump intensifie l’agitation fasciste à la conférence CPAC

Le discours de clôture prononcé par l’ancien président Donald Trump à la Conférence sur l’action politique des conservateurs (CPAC) en Floride marque une nouvelle étape dans l’élévation d’une tendance ouvertement fasciste dans la politique américaine.

L’ex-président a vitupéré contre ce qu’il a appelé «l’assaut du radicalisme et du socialisme, et, en effet, tout cela mène au communisme». Il a déclaré qu’il était nécessaire de «combattre… une fois pour toutes». Il a rapporté cela, de manière absurde, à la politique du nouveau gouvernement Biden, qu’il a dénoncé pour avoir défait sa politique d’immigration et d’autres mesures.

L’ancien président Donald Trump s’exprime à la Conférence sur l’action politique des conservateurs (CPAC), dimanche 28 février 2021, à Orlando, en Floride. (AP Photo/John Raoux)

Le discours de Trump était cependant centré sur la nécessité de purger le Parti républicain de toute opposition. Il a nommé tous les membres républicains du Congrès qui avaient voté à la Chambre des représentants pour le destituer ou au Sénat pour l’inculper sur des accusations relatives à l’attaque du Capitole par ses partisans fascistes le 6 janvier.

«Débarrassez-vous de tous» a déclaré l’ex-président, et il a salué plusieurs de ses anciens collaborateurs ou fidèles ayant annoncé qu’ils affronteraient ces «traîtres» aux primaires républicaines l’année prochaine.

Lorsque Trump a répété son mensonge de l’élection volée, l’auditoire de la conférence a répondu en scandant des «tu as gagné». Il est maintenant clair qu’adhérer à la fausse affirmation que l’élection présidentielle lui a été volée deviendra le test décisif pour tous les candidats et titulaires de postes républicains à l’avenir. C’est là un élément clé de l’effort pour transformer le Parti républicain en Parti de Trump, une organisation personnaliste et autoritaire, symbolisée par la statue dorée du président vaincu exposée à la conférence.

Trump a commencé son discours en rejetant les suggestions de création d’un troisième parti, indiquant que dominer le Parti républicain était sa ligne de conduite préférée. On ne s’est guère efforcer de dissimuler l’empreinte fasciste qu’il allait lui donner, la scène du CPAC a été construite en forme de rune Othalan, symbole adopté par deux unités de la Waffen SS, un instrument clé dans l’extermination des Juifs par Hitler.

Lorsqu’on a soulevé la question auprès des organisateurs du CPAC, ceux-ci ont nié tout lien avec l’utilisation du symbole par les groupes néonazis et suprémacistes blancs aux États-Unis, dont ceux ayant défilé au rassemblement «Unite the Right» (unifiez la droite) de 2017 à Charlottesville, en Virginie, où un fasciste a assassiné une manifestante antinazie.

Il y avait sans aucun doute dans le public de la CPAC des membres de groupes fascistes qui ont apprécié le symbolisme. Les journalistes ont vu un néonazi éminent, Enrique Tarrio, leader des «Proud Boys» se mêlant à la foule et prenant des photos avec ses fans.

Le discours de Trump à la CPAC était sa première déclaration publique importante depuis sa harangue, devant la Maison-Blanche le 6 janvier, d’une foule qui a ensuite défilé sur Pennsylvania Avenue. Celle-ci a ensuite forcé l’entrée du Capitole et empêché temporairement le décompte officiel des votes électoraux validant la victoire de Biden et la défaite de Trump. Celui-ci a répété les thèmes et repris le ton du 6 janvier devant un public tout aussi enragé.

L’establishment du parti républicain qu’il vilipende maintenant a joué un rôle essentiel dans la légitimation de ses fausses affirmations d’élection volée. Mitch McConnell, alors leader de la majorité au Sénat, a soutenu que Trump n’avait pas subi de défaite dévastatrice le 3 novembre et affirmé qu’il ne faisait qu’exercer ses droits légaux en intentant des dizaines de procès sans fondement contre le décompte et la certification des votes dans les principaux États contestés.

McConnell, rejoint par l’écrasante majorité des républicains à la Chambre et au Sénat, a refusé de reconnaître Biden comme président élu jusqu’au vote du Collège électoral en décembre. À la Chambre, une majorité de républicains a continué à contester les votes électoraux en faveur de Biden, même après l’attaque fasciste du Capitole le 6 janvier.

L’élévation d’une tendance de plus en plus fasciste dans la politique américaine est ancrée dans la réalité du capitalisme. Les inégalités stupéfiantes aux États-Unis sont incompatibles avec des formes démocratiques de gouvernement. En une année, la réponse de la classe dirigeante à la pandémie a entraîné la mort de plus d’un demi-million de personnes. On a mobilisé des bandes fascistes pour imposer l’exigence de l’oligarchie financière de laisser libre cours à propagation du virus.

Le rôle du Parti démocrate, un parti de Wall Street et de l'armée, est de réprimer l'opposition de la classe ouvrière, de camoufler à tout moment l'extrême danger pour les droits démocratiques. La politique militariste et droitière du gouvernement Biden, sa promotion de la politique identitaire de la race et du genre, donnent à Trump et aux républicains la possibilité d'exploiter les griefs sociaux à des fins réactionnaires.

Biden a annoncé son désir d’avoir «un parti républicain fort, une opposition forte» tout au long de la transition. Il a insisté, même après qu’une majorité de républicains du Congrès se soit rangé du côté des agresseurs fascistes le 6 janvier et ont voté pour l’annulation des votes électoraux en Géorgie et en Pennsylvanie, remportés par Biden, le Parti démocrate s’est abstenu de toutes représaille politique. Il s’est limité à l’éloignement, tout cosmétique, de ses tâches dans les commissions d’une seule républicaine, Marjorie Taylor Greene, partisane des théories conspirationnistes QAnon.

Les démocrates ont délibérément géré la destitution de Trump et son procès au Sénat de façon à exclure toute charge visant des républicains du Congrès. Après avoir voté l’accès au procès du témoignage d’un républicain de la Chambre prêt à confirmer le soutien de Trump à la tentative de coup d’État du 6 janvier, ils ont fait marche arrière et décidé de boucler le procès sans entendre un seul témoin.

Le programme législatif du gouvernement Biden est lui aussi axé sur un effort pour parvenir au «bipartisme», c’est-à-dire pour gagner des voix républicaines, une excuse passe-partout pour des mesures réactionnaires comme l’exclusion du salaire horaire minimum à 15 dollars du projet de loi de relance économique face au coronavirus.

Le spectacle de la CPAC est un avertissement pour la classe ouvrière. Les forces qui se sont révélées le 6 janvier en lançant une attaque frontale contre la démocratie américaine, continuent d’être incitées et mobilisées par Trump. Grâce à la complicité de l’ensemble de l’establishment politique, démocrate comme républicain, elles se voient attribuer un rôle central dans la politique américaine.

L’effort d’une faction de la classe dirigeante pour développer un mouvement fasciste ne relève pas de la force, mais de la faiblesse. L’élite financière s’efforce de déployer toutes les forces à sa disposition contre la classe ouvrière et se sert de ses deux partis politiques.

La classe dirigeante américaine est terrifiée par la radicalisation massive de la classe ouvrière, générée par une année de pandémie, par la dislocation économique continue et par l’inégalité sociale croissante. La lutte contre la résurgence du fascisme et contre le virage vers l’autoritarisme et la dictature exige la transformation de ce mouvement objectif en un mouvement socialiste conscient, organisé et révolutionnaire.

(Article paru d’abord en anglais le 2 mars 2021)

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