Le directeur du FBI confirme que des terroristes d’extrême droite pro-Trump ont coordonné et planifié l’attaque du 6 janvier

Mardi, le directeur du Federal Bureau of Investigation, Christopher Wray, a témoigné devant la commission judiciaire du Sénat sur le rôle du FBI dans l’assaut du Capitole américain le 6 janvier.

Cette audition faisait suite aux audiences du Congrès la semaine dernière où des chefs de la police de Washington DC ont défendu leur échec à sécuriser le Capitole à l’approche de la tentative de coup d’État orchestrée par Donald Trump. Ces policiers ont attribué la capacité de la foule fasciste de prendre d’assaut le bâtiment et de retarder la certification du résultat des élections de 2020 à un échec de «renseignement» ou de «communication».

Légende: Les partisans de Trump tentent de franchir une barrière de la police, le mercredi 6 janvier 2021, au Capitole de Washington. (AP Photo/John Minchillo)

Dans son témoignage, Wray a confirmé que:

  • Des miliciens «extrémistes» avaient coordonné et planifié à l’avance l’assaut contre le Congrès.
  • Il n’y avait aucune preuve que les forces de l’Antifa – mystérieuse organisation dont personne ne peut nommer un seul membre ou dirigeant – se faisant passer pour des partisans de Trump, étaient le fer de lance de l’assaut contre le Capitole, une théorie complotiste promue par un certain nombre de membres républicains du Congrès et par des groupes d’extrême droite.
  • On avait communiqué les rapports de renseignement du FBI à la police du Capitole et à la police métropolitaine de D.C. avant le 6 janvier.
  • Le FBI n’ont pas publié d’«évaluation de danger» avant le 6 janvier.
  • Le FBI et le Département de la sécurité intérieure ont diffusé des rapports de renseignements qui avertissaient de «violence» en rapport avec l’élection, la certification du vote du Collège électoral et l’inauguration du président, aux services de police concernés en décembre 2020.

Les questions cruciales laissées sans réponse par l’audience et le témoignage de Wray sont entre autres:

  • Pourquoi le FBI n’a-t-il pas publié d’«évaluation de danger» officielle?
  • Pourquoi les forces de sécurité devant le Capitole ont-elles été mise en repos effectif le 6 janvier?
  • Quelles mesures le FBI a-t-il prises une fois que l’attaque du Capitole a commencé?
  • Pourquoi a-t-il fallu des heures pour que des soldats de la Garde nationale soient déployés?

La session conjointe du Congrès le 6 janvier, présidée par le vice-président Mike Pence, et chargée de compter officiellement le vote du Collège électoral fut visée par Trump et ses complices dans le complot comme la dernière chance de renverser la défaite de l’ex-président. Trump avait appelé ses partisans d’extrême droite à se mobiliser ce jour-là. Il avait donné explicitement aux Proud Boys l’instruction de «prendre du recul et de se tenir prêts» et promis que l’événement «Stop the Steal» [arrêtez le vol de l’élection] serait «violent». Il était bien connu dans les cercles militaires, de renseignement et de la police que des milliers de gens prévoyaient de descendre sur le Capitole américain, beaucoup portant des armes.

Compte tenu de ces éléments, aggravés par la présence au Capitole le 6 janvier des trois responsables venant après le président dans la succession de la «continuité gouvernementale» – le vice-président, la présidente de la Chambre et le président pro tempore du Sénat – le fait que le FBI n’ait pas publié d’évaluation de danger officielle avant le 6 janvier est une omission extraordinaire qui soulève de nombreuses questions.

Le président de la commission judiciaire du Sénat, Dick Durbin (démocrate de l’Illinois), a ouvert l’audition en notant le caractère historiquement sans précédent de l’attaque contre le Congrès. «Pour la toute première fois, nous n’avons pas réussi à avoir un transfert de pouvoir pacifique», a-t-il déclaré.

Il a ensuite déclaré son soutien à la poursuite d’Antifa et d’autres personnes supposées responsables de la «violence de gauche» lors des manifestations de masse de l’été dernier contre la violence policière.

Durbin a commencé son interrogatoire de Wray en exprimant sa «surprise» que le FBI n’ait pas publié une évaluation de danger avant le 6 janvier. À cet égard, il a fait référence à la note de service du 5 janvier du bureau du FBI de Norfolk, en Virginie, citant le trafic des réseaux sociaux, qui montrait que les insurgés pro-Trump préparaient une «guerre» au Capitole et avaient obtenu des cartes des tunnels sous le complexe du Capitole.

Wray a esquivé la question de sa non publication d’une évaluation de danger. Il a noté en revanche qu’on avait transmis le mémo de Norfolk par e-mail à la Joint Terrorism Task Force (JTTF), à la police métropolitaine de Washington. Le mémo avait aussi été transmis à la police du Capitole dans l’heure qui avait suivi sa publication.

Durbin a donné le ton aux autres membres du panel, démocrates comme républicains, en faisant l’éloge de Wray et du FBI pour leur «travail acharné» et leur «service dévoué» à la nation.

Au cours de son témoignage, Wray a reconnu le rôle central des milices d’extrême droite organisées dans le siège du Capitole le 6 janvier. Il a déclaré «trois groupes de personnes» étaient impliqués dans les événements du 6 janvier. Il a qualifié le «groupe le plus important» de « manifestants principalement pacifiques et turbulents». Un second groupe, plus petit, se trouvait «emporté par l’émotion» et avait eu «un comportement criminel de bas niveau». Un troisième groupe, selon Wray, était «le plus petit et le plus sérieux».

Ce groupe était «entré de force sur le terrain du Capitole, livré à des violences contre les forces de l’ordre et tenté de perturber les membres du Congrès et l’acquitement de leurs responsabilités constitutionnelles». Wray poursuit: «Ces gens sont clairement venus à Washington… avec des plans et des intentions de s’engager dans la pire sorte de violence.»

Dans un échange révélateur avec la sénatrice démocrate Amy Klobuchar, Wray a confirmé le contenu des documents judiciaires cités par Klobuchar concernant le procès en cours du leader des Proud Boys, EthanNordean. Le dépôt de déclaration du 1er mars par les procureurs fédéraux, qui cherchent à maintenir EthanNordean en détention en attendant le procès, détaille l’attaque des Proud Boys contre le Capitole, dont l’entrée par effraction dans des parties du bâtiment ayant la plus faible sécurité et l’utilisation par le groupe de radios Baofeng fabriquées en Chine pour communiquer par des canaux cryptés durant l’attaque.

La déclaration note: «[Nordean] – habillé tout en noir, portant un gilet tactique – a dirigé les Proud Boys en utilisant des communications cryptées et du matériel de type militaire. Il les a menés avec les plans spécifiques de se diviser en groupes; de tenter de pénétrer dans le bâtiment du Capitole à partir d’un maximum de points différents; d’empêcher la session conjointe du Congrès de certifier les résultats du Collège électoral».

Le document note également qu’à la suite de l’arrestation du président des Proud Boys, Henry «Enrique» Tarrio, le 4 janvier, Nordean «a été designé de l’intérieur pour avoir des “pouvoirs de guerre” et pour prendre la direction finale des activités des Proud Boys le 6 janvier».

Les procureurs affirment que certains Proud Boys «au courant des plans» ont discuté de «leur espoir de lâcher les “normies” ou “normiecons” le 6 janvier pour les inciter et les inspirer à “réduire cette ville en cendres aujourd’hui” et à “tourner quelques porcs en charpie”».

Lors de ses questions, Klobuchar a laissé entendre que le FBI n’avait pas d’informateurs parmi les membres de la milice fasciste qui ont assiégé le Capitole. «Il doit y avoir des moments», a-t-elle dit, «si seulement nous avions pu savoir, si nous avions pu infiltrer ce groupe et découvrir ce qu’ils font. Avez-vous eu ces moments?»

Cela ne pouvait être qu’une tentative de limiter les dégâts pour le compte du FBI. L’idée que le FBI ne dispose pas de dizaines, voire de centaines d’informateurs dans des groupes tels que les «Proud Boys», les «Oath Keepers» et les III Percenters est absurde, étant donné la facilité avec laquelle ces groupes sont infiltrés par l’État.

En effet, comme Klobuchar le sait bien, la presse a rapporté, en citant des documents judiciaires de 2014, que le président des Proud Boys, Tarrio, avait lui-même servi d’indicateur au FBI.

Les républicains de la commission ont continué à mettre en avant la ligne du parti, assimilant les centaines de milliers de personnes qui ont protesté contre les meurtres policiers pendant l’été à ceux qui avaient pris d’assaut le Capitole le 6 janvier.

C’est la position adoptée par le républicain le plus influent de la commission judiciaire, Chuck Grassley (Iowa), qui a dénoncé ceux qui avaient une «vision étroite» de la «menace extrémiste». «Nous ne pouvons pas nous concentrer uniquement sur les suprématistes blancs», a déclaré Grassley, en demandant que la commission examine «très largement, toutes les formes d’extrémisme politique». Il a ensuite fait allusion à Michael Reinoehl, un manifestant antifasciste qui a été assassiné par les US Marshals l’année dernière sur ordre de Trump.

Parmi les «collègues républicains» des démocrates, il y avait à la commission des complices du coup d’État, comme Josh Hawley du Missouri et Ted Cruz du Texas, qui ont mené la campagne au Sénat pour bloquer la certification de la victoire électorale de Biden sur la base du mensonge de l’«élection volée».

(Article paru d’abord en anglais le 3 mars 2021)

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