Les universités et les collèges du Canada annoncent leur réouverture malgré la menace d’une troisième vague de COVID-19

Cet article a été soumis au World Socialist Web Site par un membre du tout nouveau Comité de sécurité pancanadien du personnel scolaire de la base (CSPPB). Pour plus d’informations sur le programme du comité ou pour vous impliquer, lisez sa déclaration de fondation ou visitez la page Facebook du CSPPB. Vous pouvez également envoyer un courriel au comité à l’adresse cersc.csppb@gmail.com.

Dans le contexte de la pandémie actuelle de COVID-19 et de la menace croissante d’une troisième vague plus meurtrière, les gouvernements provinciaux du Canada ont donné le feu vert à la réouverture progressive des universités et des collèges. Cette mesure prématurée et imprudente contribuera à la propagation du virus mortel parmi les étudiants et le personnel des campus et dans la communauté en général.

À l’instigation du gouvernement québécois de droite, la CAQ, qui a été à l’avant-garde de la campagne de retour au travail et à l’école de la classe dirigeante canadienne, certaines universités et certains cégeps de la deuxième province la plus peuplée du Canada ont commencé à offrir l’enseignement en présentiel dès le 8 février.

À travers le Canada, les universités prévoient de proposer dès cet automne un apprentissage «bimodal», qui pourrait réunir une centaine d’étudiants dans une salle de classe et une centaine d’autres en ligne.

Les administrations universitaires ont profité de la récente baisse du nombre de nouveaux cas quotidiens de COVID-19 à environ 3000 par jour – un niveau égal au pic de la première vague au printemps dernier – pour annoncer le retour à l’enseignement en classe.

Ces réouvertures représentent une menace sérieuse pour les étudiants et les membres du personnel, comme le soulignent les avertissements répétés des scientifiques et des responsables de la santé publique concernant les trois nouveaux variants du COVID-19, plus contagieux et potentiellement plus mortels, qui se répandent rapidement dans tout le pays. En date du 4 mars, 1649 cas de ces variantes avaient été signalés au Canada, selon l’Agence de santé publique du pays. Le mélange de centaines d’étudiants et de travailleurs sur les campus universitaires au cours des prochaines semaines, dans les classes, les bibliothèques, les cafétérias, les centres de conditionnement physique et les résidences universitaires, augmentera inévitablement la propagation du virus.

Plusieurs éclosions se sont déjà déclarées dans des complexes de résidences étudiantes privées au cours des dernières semaines et des derniers mois. Par exemple, au moins 34 cas ont récemment été identifiés à proximité du Fleming College et de la Trent University, à Peterborough, en Ontario. Selon Affaires universitaires Canada, des éclosions se sont déclarées dans trois résidences de la Western Université de l’Ontario, à London, depuis l’automne dernier. L’université a été contrainte de retarder l’emménagement dans les résidences pour la session d’hiver 2021 jusqu’à la fin de la semaine de lecture, et les étudiants reviendront selon un calendrier échelonné à partir de février.

La réouverture des campus universitaires et collégiaux n’a rien à voir avec le fait d’offrir aux étudiants une meilleure expérience éducative et un meilleur environnement d’apprentissage. Cette décision hâtive et négligente fait partie d’une campagne concertée de réouverture de l’économie qui vise à permettre à l’élite financière et aux grandes entreprises d’engranger davantage de profits aux dépens de la classe ouvrière.

Dans le cas des écoles primaires et secondaires, qui sont ouvertes depuis l’été dernier et qui se sont avérées être un vecteur majeur de la propagation du COVID-19, les gouvernements de la grande entreprise étaient déterminés à retourner les enfants dans les écoles afin que leurs parents puissent être poussés à retourner à leur emploi dans des conditions de travail dangereuses.

L’une des principales raisons pour lesquelles les administrations des universités et des collèges sont impatientes de relancer l’apprentissage sur le campus est qu’elles pourront ainsi continuer à faire payer aux étudiants toutes sortes de frais et à faire de l’argent grâce aux résidences et aux services annexes sur le campus.

La classe dirigeante n’est capable d’aller de l’avant avec la réouverture des écoles et de la production non essentielle que grâce à la bureaucratie syndicale. Les syndicats ont participé activement à des discussions à huis clos avec les gouvernements fédéral et provinciaux et les représentants des grandes entreprises pour orchestrer la réouverture des écoles. L’une de leurs principales fonctions depuis le début a été d’étouffer l’opposition des travailleurs à la réponse désastreuse de la classe dirigeante à la pandémie et de les subordonner aux partis capitalistes responsables de cette catastrophe.

Un professeur d’université en Ontario a contacté le WSWS et a partagé ses observations sur ce qui se passe sur le campus: «Alors que je me promenais sur le campus, j’ai été choqué et consterné de voir tant d’étudiants rassemblés à la cafétéria, sans masque, se promenant sans souci dans leur résidence», a-t-il remarqué. «Il était étrange de voir des agents d’entretien, des employés de sécurité et l’équipe de nettoyage dans plusieurs bâtiments. De plus, les membres du personnel électricien commençaient déjà à installer l’équipement vidéo pour le nouveau mode d’enseignement, comme si rien ne se passait avec la pandémie. Certains travailleurs ont déjà contracté le virus au cours des derniers mois quand le campus était complètement vide. Imaginez quand il rouvrira complètement. Nos vies et notre sécurité sont en jeu.»

Le professeur a ajouté: «Je me sens trahi par mon syndicat pour lequel j’ai payé mes cotisations mais qui ne me représente pas du tout. Au contraire aujourd’hui, les syndicats universitaires ne représentent que les intérêts de l’administration. Une grande trahison.»

La pandémie a intensifié la crise capitaliste, en augmentant les inégalités sociales et en touchant principalement les travailleurs, dont beaucoup sont obligés de travailler dans des lieux de travail dangereux. Les enseignants et les travailleurs sur les campus universitaires n’ont pas été épargnés par l’impact ravageur de la pandémie de COVID-19.

Les administrations des universités et des collèges considèrent la réouverture des campus comme un moyen de compenser les pertes de revenus passées et actuelles, qui sont le résultat de décennies d’austérité et de sous-financement. Les universités canadiennes prévoient également d’énormes pertes de revenus dans les années à venir en raison de la pandémie, notamment une baisse importante des inscriptions d’étudiants, en particulier d’étudiants internationaux.

Pour tenter de compenser ces pressions, les universités ont obtenu le feu vert des gouvernements pour accueillir des étudiants internationaux dès octobre dernier, même si les experts ont mis en garde contre les dangers liés aux voyages internationaux. Au Canada, les étudiants internationaux paient des frais de scolarité environ cinq fois plus élevés que les étudiants nationaux et représentent une source de revenus importante pour les universités. Les frais de scolarité des étudiants internationaux comptaient pour plus d’un tiers des frais de scolarité reçus par les universités canadiennes en 2018-2019.

Le professeur qui a contacté le WSWS a également expliqué que les enseignants contractuels, mal payés et surchargés, risquent particulièrement leur santé. Il a souligné que la pandémie pourrait être exploitée pour augmenter leur charge de travail. «Il y a une instrumentalisation abusive des professeurs doctorants à temps partiel qui donnent des cours de premier cycle composés de plus de 100 étudiants», a-t-il déclaré. «Nous avons, a-t-il ajouté, toute une cohorte de doctorants qui peinent à payer leur dette d’études avec des contrats dans les universités qui leur refusent les prestations sociales. Cette situation perpétue les déterminants sociaux des problèmes de santé qui sont soulevés en relation avec précarité de l’emploi.»

La situation à laquelle sont confrontés les enseignants et les chargés de cours au Canada est similaire à celle des États-Unis et de l’Australie, où ils sont contraints de retourner dans leurs salles de classe avec peu de mesures de sécurité et dans des conditions de plus en plus stressantes.

Pour justifier la réouverture des écoles et des universités, les gouvernements tels que celui d’Emmanuel Macron en France invoquent le prétexte de la santé mentale. Macron et les médias corporatifs ont récemment exploité le suicide tragique d’un étudiant pour justifier la réouverture des campus. Au Canada, les médias rapportent de plus en plus souvent l’isolement et la dépression ressentis par les étudiants.

S’il est vrai que de nombreux étudiants souffrent de stress et de dépression, il faut avant tout mettre fin à la pandémie et à la politique meurtrière d’immunité collective prônée par tous les partis politiques de l’establishment. La santé mentale des étudiants ne s’améliorera que si la propagation du virus est stoppée, si la situation économique s’améliore et si de bons emplois sont disponibles. Mais en opposition directe à tous ces objectifs, toutes les mesures ont été prises pour donner la priorité aux intérêts de profit des entreprises sur la santé et la vie des travailleurs. Les gouvernements ont imposé des mesures infructueuses telles que des confinements de courte durée et totalement inadéquats, et ont systématiquement ignoré les preuves scientifiques et les avertissements des experts de la santé.

La réouverture de l’économie alors que la campagne de vaccination a pris du retard entraîne des décès inutiles et évitables et nous menace d’une troisième vague de la pandémie, encore plus importante et plus meurtrière que les deux précédentes.

Pour protéger les travailleurs et sauver des vies, les enseignants et le personnel de soutien au Canada ont commencé à s’organiser en créant le Comité de sécurité pancanadien du personnel scolaire de la base. La déclaration du comité, adoptée à l’unanimité par ses membres le 7 mars, affirme: «La lutte pour mettre un terme à l’enseignement en personne doit être liée à l’appel pour un arrêt de toute production non essentielle, avec la garantie du plein salaire versé à tous les travailleurs, ainsi que la mise en place de services de garde d’enfants gratuits et sûrs pour tous les travailleurs de la santé et autres travailleurs essentiels. En mettant de l’avant cette demande essentielle, les comités de la base des enseignants prendront la tête de l’opposition croissante des travailleurs de la santé, de l’industrie, de la construction, de la logistique et d’autres secteurs de la classe ouvrière contre la réponse catastrophique de la classe dominante à la pandémie.»

Nous encourageons tous les membres du personnel et les étudiants des universités et des collèges qui sont d’accord avec nous à rejoindre et à construire notre comité.

(Article paru en anglais le 12 mars 2021)

Loading