Le sommet «Quadrilatéral» consolide le bloc militaire dirigé par les États-Unis pour préparer la guerre contre la Chine

Le premier sommet des dirigeants du Dialogue de sécurité quadrilatéral ou «Quadrilatérale», s’est déroulé en ligne vendredi dernier. Il a considérablement augmenté les enjeux de l’accélération de la campagne de guerre menée par les États-Unis contre la Chine. Bien que la «Quadrilatérale» ne soit pas encore une alliance militaire officielle, le gouvernement Biden considère clairement la consolidation du partenariat comme un élément central de ses efforts pour miner, encercler et préparer un conflit militaire contre la Chine.

Scott Morrison (à gauche) participe à la réunion inaugurale des dirigeants de la «Quadrilatérale» avec Joe Biden, le premier ministre japonais Yoshihide Suga et le premier ministre indien Narendra Modi lors d’une réunion en ligne à Sydney, le 13 mars 2021 (Source: Dean Lewins/Pool via AP)

Le sommet n'a pas seulement publié une déclaration officielle. De manière inhabituelle, Biden et les premiers ministres de l'Inde, de l'Australie et du Japon – respectivement Narendra Modi, Scott Morrison et Yoshihide Suga – ont apposé leur nom sur un article d'opinion publié en évidence dans le Washington Post de dimanche. Le commentaire est truffé de déclarations où ils prétendent défendre la «démocratie», agir contre le changement climatique et pour les vaccins COVID-19, et s’engagent en faveur d'«une région indopacifique libre, ouverte, sûre et prospère».

Cependant, bien qu’on ne mentionne pas la Chine, elle a dominé les discussions du sommet. Les engagements des quatre dirigeants à poursuivre la coopération, le partenariat et l’engagement régionaux ne s’étendent pas, bien sûr, à Pékin. Dans les diverses déclarations publiques, on trouve des références à peine voilées à la coercition chinoise de la part des États-Unis – qui font régulièrement la guerre et renversent des gouvernements pour promouvoir leurs intérêts impérialistes – et au maintien la «liberté de navigation»: c’est-à-dire les intrusions provocantes de la marine américaine dans les eaux qui entourent les îlots contrôlés par la Chine dans la mer de Chine méridionale.

Le commentaire du Washington Post comprend une histoire fantaisiste de la «Quadrilatérale», censée être née de la coopération des quatre pays en réponse au tsunami catastrophique de 2004 en Asie. «Notre coopération, connue sous le nom de la “Quadrilatérale”, est née dans la crise. Elle est devenue un dialogue diplomatique en 2007 et a renoué avec la vie en 2017», écrivent les dirigeants. Comment et pourquoi elle a mystérieusement disparu, pour réapparaître une décennie plus tard, est laissé inexpliqué.

Pourtant, la genèse du «Quadrilatérale» est très révélatrice. Elle n’a pas commencé avec le tsunami, mais avec l’élection de l’homme politique japonais de droite, Shinzo Abe, au poste de premier ministre en 2006. Il a appelé à renforcer l’alliance militaire américano-japonaise en forgeant des partenariats étroits avec l’Inde et l’Australie. Ce plan était motivé par les préoccupations croissantes de la classe dirigeante japonaise à l’égard de la Chine, qui était sur le point de dépasser le Japon en tant que deuxième économie mondiale. Le gouvernement Bush, sous le feu des critiques des démocrates pour son inaction à l’égard de la Chine, a profité de la proposition et la première réunion officielle a eu lieu en mai 2007. Sa finalité militaire a été dévoilée en septembre 2007 par l’élargissement des jeux navals annuels de Malabar entre les États-Unis et l’Inde aux forces navales de l’Australie et du Japon.

Pékin a protesté contre la formation de ce qui apparaissait comme une alliance militaire dans l’Indo-Pacifique qui vise la Chine. La «Quadrilatérale» s’est ignominieusement effondrée quelques mois plus tard, en février 2008, lorsque le gouvernement travailliste nouvellement élu, avec le premier ministre Kevin Rudd à sa tête, préoccupé par les relations avec le plus grand partenaire commercial de l’Australie et le danger de guerre, s’est brusquement retiré du dialogue. Le ministre des Affaires étrangères Steven Smith a souligné la détermination de Canberra à ne pas rejoindre un groupe qui pourrait être interprété comme anti-chinois. Il avait fait cette annonce aux côtés du ministre chinois des Affaires étrangères, Yang Jiechi.

La première ministre australienne Julia Gillard avec la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton en 2012 (Wikipedia)

Le retrait de Rudd de la «Quadrilatérale» n’était qu’un des «crimes» pour lesquels il s’est fait évincer lors d’une opération de changement de régime orchestrée par les États-Unis en juin 2010. Alors qu’il était pleinement engagé dans l’alliance entre les États-Unis et l’Australie, le fait que Rudd préconisait que les États-Unis fassent des compromis avec la Chine pour éviter la guerre entrait en conflit avec l’orientation de la politique du gouvernement d’Obama qui visait à affronter la Chine. Quatre membres clés du parti travailliste ont sommairement démis Rudd de ses fonctions de premier ministre. WikiLeaks a révélé par la suite que les quatre étaient des «sources protégées» de l’ambassade des États-Unis à Canberra, dans une opération qui a tenu dans l’ignorance non seulement le public, mais aussi les ministres et les membres du Parti travailliste.

L’année suivante, en novembre 2011, Obama, qui avait annulé à deux reprises ses visites en Australie lorsque Rudd était au pouvoir, a annoncé sa stratégie de «pivot vers l’Asie» dirigée contre la Chine. Dévoilé par Obama au parlement australien, le «pivot» impliquait des plans diplomatiques, économiques et stratégiques complets qui visaient à miner et à encercler la Chine dans toute la région. Sur le plan militaire, le Pentagone a annoncé la restructuration des bases américaines dans la région, le renforcement des alliances et des partenariats stratégiques et le transfert de 60 pour cent de ses ressources navales et aériennes en Asie. Lors de son séjour en Australie, Obama a signé un accord avec la première ministre Julia Gillard pour le stationnement de Marines américains dans le nord du pays.

Biden, en tant que vice-président d’Obama et ancien président de l’influente Commission des Affaires étrangères du Sénat, a été étroitement associé à toutes ces machinations. En convoquant le sommet de vendredi dernier, il a élevé la «Quadrilatérale» à un nouveau niveau, démontrant ainsi que son gouvernement va intensifier la position anti-chinoise agressive des gouvernements Obama et Trump. La «Quadrilatérale», qui a été relancée sous Trump, est sur le point de jouer un rôle beaucoup plus important. Des réunions régulières au niveau ministériel, un sommet en face à face plus tard cette année, et une nouvelle expansion des exercices militaires conjoints sont déjà planifiés.

Aucun des commentateurs stratégiques de la Quadrilatérale n’ignore le fait qu’elle vise la Chine. Elle est déjà devenue une alliance quasi militaire engagée dans une série de jeux de guerre annuels. L’Australie et le Japon sont des alliés militaires de longue date des États-Unis, tandis que l’Inde a noué des liens étroits dans le cadre d’un partenariat stratégique qui comprend des accords complets de déploiement de bases d’opérations et d’assistance technologique.

À l’approche du sommet quadrilatéral, l’ancien secrétaire à la défense de Trump, James «mad-dog» Mattis, et deux autres analystes militaires ont rédigé un commentaire pour Foreign Policy intitulé «La mission la plus importante de Biden est de faire en sorte que la “Quadrilatérale” soit opérationnelle». Le commentaire disait que: «le dialogue de sécurité quadrilatéral est le meilleur espoir pour tenir tête à la Chine». Il déclarait que Biden faisait face à «une Chine renaissante, plus confiante qu’avant la pandémie du COVID-19» et le félicitait de poursuivre l’initiative de Trump en relançant la «Quadrilatérale».

Le commentaire identifiait quatre domaines dans lesquels la «Quadrilatérale» devait agir: contrer la Chine dans les mers de Chine méridionale et orientale; assurer la «sécurité de la chaîne d’approvisionnement» – c’est-à-dire garantir l’accès aux importations vitales nécessaires pour mener une guerre; – maintenir l’avantage technologique sur la Chine, en particulier dans les domaines cruciaux de la haute technologie; et renforcer les liens diplomatiques dans toute l’Asie, «d’une manière impossible pour Washington seul». Ces quatre domaines ont été mentionnés, ne serait-ce que de manière indirecte, dans la déclaration commune publiée par les dirigeants de la «Quadrilatérale». Chaque point est une préoccupation de l’armée américaine, qui se prépare à mener ce qui serait une guerre entre des puissances nucléaires aux conséquences incalculables.

Au cours de la dernière décennie, les plans américains de guerre contre la Chine sont devenus de plus en plus évidents: du renforcement militaire constant dans toute la région indopacifique, y compris les systèmes antibalistiques conçus pour combattre une guerre nucléaire, à la propagande anti-chinoise de plus en plus stridente et belliqueuse, marquée par les campagnes frauduleuses sur les «droits de l’homme» au Xinjiang, au Tibet, en Mongolie, à Hong Kong et à Taïwan, qui visent avant tout à affaiblir et à fracturer la Chine.

Avant le sommet de la «Quadrilatérale», le chef du commandement indopacifique américain, l’amiral Philip Davidson, a témoigné devant le Congrès américain. Il a demandé un doublement du budget du Pentagone pour la région et a prédit que les États-Unis pourraient être confrontés à une guerre avec la Chine d’ici cinq ans. La fuite en avant de l’impérialisme américain vers la guerre est motivée par la crainte de Washington de voir la Chine le dépasser économiquement et technologiquement, ainsi que par la nécessité de diriger les tensions alimentées par la profonde crise politique et sociale intérieure vers un ennemi extérieur.

Le «World Socialist Web Site» et le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) sont les seuls à avertir la classe ouvrière du danger croissant d’une guerre mondiale désastreuse et à appeler à un mouvement international unifié des travailleurs contre la guerre. Dans sa puissante déclaration intitulée «Le socialisme et la lutte contre la guerre» publiée en mars 2016, le CIQI a exposé les principes qui doivent animer un tel mouvement:

La lutte contre la guerre doit se baser sur la classe ouvrière, la grande force révolutionnaire de la société, ralliant à elle tous les éléments progressistes de la population.

Le nouveau mouvement antiguerre doit être anticapitaliste et socialiste, car il ne peut y avoir de véritable lutte contre la guerre sans une lutte qui vise à mettre fin à la dictature du capital financier et au système économique qui est la cause fondamentale du militarisme et de la guerre.

Le nouveau mouvement antiguerre doit donc nécessairement garder une pleine et entière indépendance et hostilité envers tous les partis et organisations politiques de la classe capitaliste.

Le nouveau mouvement antiguerre doit surtout être international et mobiliser toute la puissance de la classe ouvrière dans une lutte mondiale unifiée contre l'impérialisme.

Nous exhortons les travailleurs et les jeunes qui souhaitent discuter de ces questions et se joindre à la lutte pour construire un tel mouvement antiguerre international à nous contacter.

(Article paru en anglais le 16 mars 2021)

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