Les syndicats enseignants permettent la propagation du coronavirus dans les écoles du Québec

Lundi dernier, le juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec a entendu d’urgence la demande d’injonction de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) relativement à la ventilation et à la situation sanitaire dans les écoles du Québec en lien avec la pandémie de COVID-19.

La FAE avait déposé une première requête contre le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) suite à la réouverture des écoles à l’automne dernier pour réclamer que les enseignants aient un accès prioritaire aux tests de dépistage. Cette demande a été rejetée par la Cour le 30 septembre au motif qu’il s’agissait d’une question politique et que le gouvernement était le mieux à même de déterminer ce qui était dans l’intérêt public.

Satisfaite que cette démarche futile lui permette de sauver la face auprès de ses membres, la FAE, comme tous les autres syndicats enseignants, a ensuite passivement regardé la deuxième vague frapper les écoles québécoises de plein fouet sans tenter de mobiliser ses membres.

Confrontée à l’apparition de variants plus contagieux et plus mortels dans les écoles et à une résurgence du militantisme des enseignants au retour de la relâche scolaire, c’est seulement le 8 mars que la FAE a modifié sa procédure pour tenter de nouveau d’obtenir une ordonnance d’urgence de la Cour supérieure.

Loin de donner expression à une quelconque inquiétude des syndicats pour la santé et la sécurité de leurs membres, la démarche de la FAE est une tentative d’étouffer puis canaliser la colère des enseignants québécois derrière une procédure judiciaire qui n’aura aucun impact réel sur les conditions dangereuses dans lesquelles ils doivent travailler.

Ultimement, les manœuvres de la FAE ne servent qu’à justifier la réouverture des écoles pour permettre à l’élite dirigeante de maintenir l’économie pleinement « ouverte » en envoyant les parents au travail. C’est ce qu’a admis le président de la FAE, Sylvain Mallette, lorsque questionné sur les impacts de l’injonction demandée. « C’est essentiel, parce que l’on veut collectivement que les écoles restent ouvertes », a-t-il dit.

Comme l’ensemble de la bureaucratie syndicale, la FAE, un syndicat qui se prétend plus « militant », est pleinement complice de la politique meurtrière de réouverture des écoles menée par le gouvernement de droite de la CAQ. Les syndicats ont joué un rôle clé pour étouffer l’opposition ouvrière à la gestion désastreuse de la pandémie par le premier ministre François Legault, forçant les travailleurs à retourner générer des profits pour les banques et la grande entreprise.

Comme le démontre le texte de sa requête, la FAE est pleinement consciente du rôle des écoles dans la transmission du coronavirus dans la communauté et du danger auquel font face le personnel scolaire, les élèves et leurs familles.

Par exemple, la FAE rappelle que le tiers des éclosions de COVID-19 au Québec ont eu lieu dans des écoles (32.5% en date du 8 mars), et qu’au total, plus de 2350 des 2994 établissements du réseau scolaire ont enregistré au moins un cas confirmé. Depuis le début de l’année scolaire, plus de 30 000 étudiants et membres du personnel ont attrapé le virus potentiellement mortel et débilitant.

La FAE est forcée d’admettre que les mesures sanitaires limitées mises en place – et acceptées par les syndicats – n’ont pas empêché l’apparition de cas dans les écoles dès la réouverture après le congé des fêtes en janvier. La FAE note également qu’une troisième vague est imminente et que les variants « préoccupent fortement les experts » en raison d’un « potentiel de contagion plus élevé même chez les enfants ». Le syndicat déplore que les enseignants soient « contraints d’exercer leurs fonctions dans des conditions qui ne répondent pas aux normes sanitaires en temps de pandémie et qui compromettent leur santé et sécurité ».

Ces constats de la FAE représentent une mise en accusation de sa propre politique, qui a consisté à renvoyer les travailleurs scolaires dans des conditions non sécuritaires, sans mesures sanitaires adéquates ni équipement de protection individuel (EPI) suffisant.

Malgré tout, la FAE ne demande pas la fermeture des écoles. La requête plaide plutôt pour que le gouvernement corrige des « lacunes » dans le plan de réouverture des écoles pour « limiter la propagation du virus ». Autrement dit, la FAE accepte que des élèves et des travailleurs risquent leur santé et leurs vies pour que l’élite financière et patronale puisse continuer d’accumuler les profits.

La FAE conclut sa requête par quatre demandes extrêmement timides qui, même si elles étaient appliquées, n’amélioreraient en rien la situation dans les écoles à temps pour contrer la troisième vague. Au final, ces demandes se heurtent aux limites du système de « justice » des tribunaux bourgeois qui, depuis le début de la pandémie, donnent raison au gouvernement Legault.

Prenons par exemple la question très importante de la ventilation dans les écoles. La demande qui a été débattue de façon urgente est que le gouvernement soit forcé de mettre en place un calendrier et une méthodologie pour la réalisation de nouveaux tests. Ce n’est qu’aux stades ultérieurs de la procédure, lors d’auditions subséquentes qui auront lieu dans plusieurs semaines, que la FAE plaidera que le gouvernement devrait être forcé de réaliser ces nouveaux tests de ventilation et « mettre en œuvre les mesures nécessaires pour assurer la ventilation » dans les salles de classe. En tenant compte des délais nécessaires à la réalisation des tests et à la tenue de nouvelles auditions, d’éventuels correctifs à la ventilation ne seraient même pas envisagés avant la fin de l’année scolaire, qui aura lieu dans environ 3 mois.

Selon des comptes-rendus des plaidoiries de lundi, le gouvernement a affiché un mépris absolu pour la sécurité du personnel scolaire et des élèves. Soutenant que la ventilation n’est pas une solution miracle, les avocats du gouvernement auraient déclaré qu'une école devrait tout simplement cesser d'utiliser une classe mal ventilée. Dans un contexte où les écoles manquent déjà de locaux après des décennies d'austérité capitaliste, une telle mesure reviendrait à augmenter le nombre d’élèves par classe, et du coup, le risque de propagation du coronavirus, sans parler des effets négatifs sur l’enseignement.

Le gouvernement a également fait valoir que le dépistage préventif du personnel ou d'élèves qui ne présentent pas de symptômes n'était pas nécessaire, confirmant que rien ne sera fait pour empêcher la contagion dans les écoles. Finalement, ses avocats ont affirmé que le milieu scolaire ne « représente pas un risque plus important que les autres milieux de travail ». Autrement dit, le gouvernement laisse des milliers de travailleurs contracter la COVID-19 dans les usines et il applique la même politique meurtrière dans les écoles.

Ni les procédures judiciaires ni les supplications de la bureaucratie syndicale ne vont changer la détermination du gouvernement de faire fonctionner l’économie à plein régime au détriment des vies humaines. Au moment de mettre cet article en ligne, la décision du juge Riordan a été rendue publique: ce dernier a rejeté la demande d’injonction de la FAE.

Seule la mobilisation politique des enseignants et du personnel scolaire, indépendamment des partis officiels et des syndicats procapitalistes, peut permettre la mise en œuvre de la seule solution apte à stopper la contagion dans les écoles et protéger la vie et la santé du personnel : la fermeture immédiate des écoles et l’arrêt de l’enseignement en personne. Cette mesure doit être accompagnée d’une pleine compensation financière pour les enseignants et tous les travailleurs forcés de rester à la maison pour veiller sur leurs enfants.

En ce sens, des enseignants à travers le Canada ont commencé à s’organiser sous l’égide du Comité de sécurité pancanadien du personnel scolaire de la base pour contrer les politiques meurtrières de la classe dirigeante. Les enseignants, travailleurs, parents et étudiants qui veulent participer à cette lutte, en alliance avec leurs frères et sœurs de classe aux États-Unis et dans le monde, peuvent contacter le comité à l’adresse suivante: cersc.csppb@gmail.com

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