Perspectives

Après un siècle de pillage, l’impérialisme américain refoule les réfugiés d’Amérique centrale

Un exode humain sans précédent est en cours sur le continent américain. On s’attend à ce que deux millions de personnes – soit près d’un dixième de la population du Salvador, du Honduras et du Guatemala – fuient vers les États-Unis dans les mois à venir. Le gouvernement américain a répondu en fermant ses portes, en abolissant le droit d’asile et en détenant comme des délinquants 15.000 enfants non accompagnés. C’est la réponse brutale et irrationnelle du système capitaliste à la souffrance humaine à une immense échelle.

Les médias d’entreprise et l’establishment politique ont lancé une campagne pour forcer le gouvernement Biden à prendre des mesures plus dures encore contre les demandeurs d’asile. Un titre typique du Washington Post, propriété de Bezos, attaque ce qu’il appelle «l’échec du gouvernement Biden à contenir l’afflux de migrants à la frontière».

Des millions d’électeurs ont eu l’espoir qu’en soutenant Biden, ils pourraient annuler l’attaque fasciste de Trump contre les immigrants, mais le nouveau gouvernement ne fait que poursuivre la politique de l’ex-président. Le secrétaire du DHS (Département de la sécurité intérieure) de Biden a menacé les immigrants dans l’émission «This Week» sur ABC : «Le message est très clair, ne venez pas. La frontière est fermée, la frontière est sécurisée».

Un véhicule des Douanes et Protection des frontières près de migrants après leur détention et incarcération, dimanche 21 mars 2021 à Abram-Perezville, Texas. (AP Photo/Julio Cortez)

Un accord bipartite existe sur l’emprisonnement des enfants, la séparation de leurs familles, la militarisation de la frontière et les déportations massives. Les médias complaisants ne discutent jamais les causes profondes de l’effondrement social de ces pays du ‘Triangle Nord’ [Guatemala, Honduras, Salvador]. La pauvreté et la violence qui dominent en Amérique centrale sont présentées comme le produit de quelque malheureux hasard.

Le fait est que l’impérialisme américain est coupable de sociocide et que des millions de personnes fuient un cauchemar créé aux États-Unis. La classe dirigeante américaine a systématiquement détruit le Honduras, le Guatemala et le Salvador pendant plus d’un siècle : il a pillé les ressources naturelles, exploité la force de travail de la classe ouvrière, accaparé les terres, affamé la population, mis en faillite le trésor public et durant tout ce temps il s’est enrichi.

Les gouvernements qui dirigent actuellement chacun de ces pays ont leur origine dans les dictatures et États policiers imposés par les États-Unis pour faire respecter les diktats des grandes sociétés américaines et écraser l’opposition sociale dans tout l’hémisphère.

Pendant deux décennies pendant et après la Grande Dépression, le Guatemala, le Salvador et le Honduras ont été dirigés par des dictateurs qui ont procédé à des massacres systématiques d’ouvriers et de paysans au nom de l’United Fruit Company américaine. En 1932, le président fasciste du Salvador, Maximiliano Hernandez Martinez, a massacré 40.000 paysans engagés dans une insurrection dirigée par Agustin Farabundo Marti contre les sociétés américaines et les propriétaires terriens locaux. Le dirigeant du Guatemala, Jorge Ubico était un admirateur d’Hitler et un proche allié des États-Unis et de l’United Fruit.

En 1954, les États-Unis ont monté un coup d’État pour chasser du pouvoir le président guatémaltèque Jacobo Arbenz, contrecarrant ainsi des réformes agraires. Dwight Eisenhower reconnaîtra plus tard: «Nous devions nous débarrasser d’un gouvernement communiste qui avait pris le pouvoir.»

Eduardo Galeano a caractérisé les décennies de dictature qui ont suivi dans son livre « Les veines ouvertes de l’Amérique latine »:

Le monde a tourné le dos pendant que le Guatemala vivait une longue nuit de la Saint-Barthélemy. En 1967, tous les hommes du village de Cajón del Rio ont été exterminés; ceux de Tituque ont eu les intestins arrachés au couteau; à Piedra Parada, ils ont été écorchés vifs; à Agua Blanca de Ipala, ils ont été brûlés vifs après avoir reçu des balles dans les jambes. La tête d’un paysan rebelle fut accrochée à un poteau au centre de la place de San Jorge. À Cerro Gordo, on a rempli les yeux de Jaime Velázquez d’épingles… Dans les villes, les portes des condamnés étaient marquées de croix noires. Les occupants étaient mitraillés à leur sortie, leurs corps jetés dans des ravins. (Traduit de l’anglais)

Dans les années 1970 et 1980, les États-Unis ont transformé l’Amérique centrale en charnier encore plus grand. Washington a utilisé le Honduras comme base pour écraser le Front sandiniste de libération nationale au Nicaragua voisin, déployant des escadrons de la mort pour y mener une guerre génocidaire.

Les États-Unis ont soutenu, entraîné et armé les dictatures du Salvador et du Guatemala. Au cours de la guerre civile du Salvador, 80.000 personnes ont été tuées et un million déplacées dans la campagne de la terre brûlée contre le Front de libération nationale Farabundo Martí. En une seule année, de 1982 à 1983, le dictateur guatémaltèque Efrain Rios Montt, soutenu par les États-Unis, a tué 75.000 personnes dans le cadre d’une campagne génocidaire contre les indigènes. En 1982, Ronald Reagan a rencontré Montt, défendu ses actions et l’a qualifié «d’homme d’une grande intégrité personnelle et d’un grand engagement».

Cette litanie de crimes contre l’humanité n’appartient pas seulement au passé. En 2009, le gouvernement Obama a orchestré un coup d’État contre le gouvernement élu du Honduras dirigé par Manuel Zelaya, qui se présentait comme un réformateur social et un allié du Vénézuélien Hugo Chavez.

Des documents publiés en 2017 suite à une demande «Freedom of Information Act» [Loi sur la liberté d’information] révèlent une implication de haut niveau de l’armée américaine et du Département d’État, dirigé alors par Hillary Clinton. Une semaine après que l’armée hondurienne a fait sortir Zelaya du pays en pyjama, Hillary Clinton écrivait à l’ambassade américaine au Honduras lui donnant son accord pour «engager des éléments des forces armées honduriennes et du régime de fait». Le régime hondurien a mis en œuvre de brutales mesures d’austérité, assassiné des militants comme Berta Cáceres et il continue aujourd’hui à opérer dans une alliance à peine voilée avec de puissants cartels de la drogue.

Les États-Unis préparent de nouveaux crimes ; l’amiral Craig Faller du Commandement sud des États-Unis (SOUTHCOM) a déclaré à la presse en décembre que «l’avantage concurrentiel » de l’impérialisme américain [en Amérique latine] s’érodait « en particulier face à l’influence de la Chine». Les États-Unis maintiendraient une présence active en Amérique latine afin de forcer la Chine à «jouer selon les règles mondiales.»

Suite à un siècle d’exploitation impérialiste, l’Amérique centrale est la région la plus inégalitaire du monde. Soixante pour cent des Honduriens, Salvadoriens et Guatémaltèques vivent sous le seuil de pauvreté de leur pays. Soixante-dix pour cent de la population n’a qu’un emploi informel. Dix à vingt pour cent des habitants de la région n’ont pas accès à l’électricité. Un quart de la population est analphabète. Les envois de fonds de parents vivant aux États-Unis représentent environ un sixième du PIB total. Des centaines de milliers de travailleurs s’échinent dans des ateliers clandestins à produire des textiles destinés à l’exportation pour des entreprises américaines de l’habillement qui fournissent les détaillants comme Walmart, Macy’s et Kohl’s.

La pandémie de coronavirus a ravagé l’Amérique centrale, plongeant des millions de personnes dans la pauvreté. Cela a conduit les Nations unies à mettre en garde contre une famine généralisée dans la région. Le virus s’est initialement propagé parce que les États-Unis ont expulsé de nombreuses personnes qui se sont infectées dans les centres de détention pour immigrés. Alors que les États-Unis accumulent les vaccins, les hôpitaux sont débordés et les tests sont si inadéquats que le nombre de cas et de décès est largement sous-estimé.

Des masses de travailleurs, de paysans et de propriétaires de petites entreprises d’Amérique centrale s’arrachent à cet enfer social au prix de grands risques personnels. Ils méritent la sympathie et le soutien de tout travailleur conscient de sa classe. Cet exode est une indication que des masses de gens se rendent compte de ce que la vie ne peut pas continuer comme avant et que les besoins sociaux de milliards de personnes ne peuvent être satisfaits dans le cadre du système capitaliste et dans les limites étroites des frontières nationales.

Le Parti de l'égalité socialiste revendique :

  • Un passage sûr et un statut légal pour tous les immigrants qui entrent aux États-Unis.
  • Libération immédiate des enfants détenus et remise à leur famille aux États-Unis, et libération immédiate de tous les détenus, quel que soit leur âge.
  • Un programme de plusieurs billions de dollars pour reconstruire l’Amérique centrale, payé par l’expropriation de la richesse des milliardaires américains.
  • Abolition des agences Immigration et contrôle douanier (ICE) et Douanes et protection des frontières (CBP).
  • Le droit de tous les travailleurs d’aller partout dans le monde en toute sécurité et sans crainte de harcèlement.

(Article paru d’abord en anglais le 22 mars 2021)

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