L’administration Biden se prépare à intensifier les expulsions de familles détenues à la frontière

Les données du département de la Sécurité intérieure (DHS) divulguées à Axios indiquent que l’administration Biden a utilisé le «Titre 42» pour expulser environ 13% des plus de 13.000 migrants qui ont tenté de franchir la frontière américano-mexicaine en famille entre le 14 et le 21 mars. Selon ces données, 42% des familles ont été expulsées vers le Mexique le mois dernier, contre 64% en janvier et 91% en octobre.

La baisse de la proportion de familles expulsées survient alors que le nombre de migrants, y compris d’enfants non accompagnés, qui traversent et sont détenus à la frontière entre les États-Unis et le Mexique a fortement augmenté. Outre le fait que les centres de détention américains sont surpeuplés, le Mexique n’a pas été en mesure d’accueillir davantage de familles expulsées des États-Unis.

Un groupe de migrants se repose sur un kiosque dans un parc après avoir été expulsé des États-Unis et poussé par les autorités mexicaines hors d’une zone où il se trouvait, samedi 20 mars 2021, à Reynosa, au Mexique. (AP Photo/Julio Cortez)

Toutefois, le reportage d’Axios indique clairement que l’administration Biden s’efforce d’accélérer les expulsions. Un porte-parole du DHS a déclaré au site web que les États-Unis «travaillent avec nos partenaires au Mexique pour augmenter leur capacité».

L’attaché de presse de la Maison-Blanche, Jen Psaki, a déclaré lors de son point de presse habituel lundi qu’il y avait eu un retard dans les expulsions ces dernières semaines car il «faut une minute pour s’assurer qu’il y a un transport approprié et des mesures en place pour le faire.» Psaki a insisté sur le fait qu’il n’y a que «des circonstances précises dans lesquelles les familles ne peuvent pas être expulsées.»

Le titre 42 est une disposition de la loi fédérale permettant au gouvernement américain de refuser aux migrants le droit de demander l’asile sur le sol américain. Invoquant des préoccupations sanitaires liées au COVID-19, l’administration Biden a expulsé plus de 70.000 migrants en vertu de cette loi en février. À l’époque, cela représentait 70% des migrants détenus ce mois-là.

Les familles qui n’ont pas été immédiatement renvoyées au Mexique sont confrontées à un avenir incertain. Elles seront autorisées à rester aux États-Unis pendant la durée de la procédure d’immigration. Cependant, il n’y a aucune garantie que les migrants se verront accorder l’asile. Les procédures d’immigration pouvant durer des années, les familles pourraient s’installer aux États-Unis, avant d’être renvoyées de force quelque temps plus tard.

Malgré l’augmentation du nombre de migrants autorisés à entrer aux États-Unis, l’administration Biden a déclaré que les migrants qui sont pris en train de traverser la frontière en dehors des points d’entrée officiels seront finalement renvoyés au Mexique.

«Notre politique reste que les familles sont expulsées, et dans les situations où l’expulsion n’est pas possible en raison de l’incapacité du Mexique à accueillir les familles, elles sont placées dans une procédure d’expulsion», a déclaré un porte-parole du DHS à Axios .

Les services d’immigration américains augmentent le nombre de lits dans les centres de détention et, dans certains cas, libèrent des détenus, afin de faire face à l’afflux de migrants. Les camps de la région sont débordés et incapables d’accueillir davantage d’immigrants. Alors que les responsables de la région étaient censés limiter le nombre de migrants en détention à 700, plus de 5.000 étaient en détention à la date de dimanche. L’administration Biden a récemment loué des hôtels près de la frontière pour loger les migrants, grâce à un contrat de 86 millions de dollars.

Axios a rapporté qu’une source qui connaît bien la patrouille frontalière a indiqué que les agents ont été informés qu’ils pouvaient libérer les migrants à leur propre discrétion. Des agents de la patrouille frontalière ont déclaré à Fox News que des agents de la vallée du Rio Grande au Texas avaient libéré 150 migrants sans leur donner de date de comparution devant un tribunal. Souvent, les familles sont déposées aux arrêts de bus ou dans des organisations non gouvernementales locales.

Les autorités locales de San Diego ont ouvert le centre de convention de la ville au département américain de la Santé et des Services sociaux (HHS) pour héberger temporairement des enfants migrants non accompagnés. Le HHS a annoncé que l’installation sera utilisée pendant environ trois mois, chaque enfant restant en moyenne 30 à 35 jours.

L’administration Biden a fait pression sur le gouvernement mexicain pour ralentir le nombre de migrants atteignant la frontière. Bien que les deux gouvernements nient qu’il s’agisse d’une entente, les États-Unis ont récemment accepté de donner 2,5 millions de vaccins COVID-19 au Mexique. Ce week-end, Biden a dépêché de hauts responsables de la Maison-Blanche au Mexique et au Guatemala pour tenter d’amener les deux pays à prendre des mesures plus agressives en matière d’immigration.

Roberta Jacobson, ancienne ambassadrice du gouvernement Obama au Mexique, qui fait maintenant partie du Conseil national de sécurité de Biden, et Juan Gonzalez, directeur principal du Conseil national de sécurité pour la région, se sont rendus au Mexique. Jacobson et Gonzalez rencontreront le ministre mexicain des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard, et d’autres responsables du ministère mexicain des Affaires étrangères. Des responsables de l’Institut national des migrations du Mexique se joindront également aux discussions.

Les responsables de la Maison-Blanche ont annoncé que la délégation discuterait «d’une stratégie de développement conjointe le long du sud du Mexique et dans le Triangle Nord» afin «d’explorer les domaines dans lesquels les États-Unis et le Mexique peuvent travailler ensemble pour s’attaquer aux causes profondes de la migration.»

Gonzalez se rendra ensuite au Guatemala, accompagné du fonctionnaire du département d’État Ricardo Zuniga, pour rencontrer le président Alejandro Eduardo Giammattei et le ministre des Affaires étrangères Pedro Brolo. Là, ils discuteront de la promotion de la création d’emplois au Guatemala avec des représentants du secteur privé et d’autres responsables de l’économie et de la sécurité. Biden a annoncé un programme de 4 milliards de dollars sur quatre ans pour soutenir les efforts dans la région.

«Ce qui se passe à la frontière sud est honteux», a déclaré Luz Lopez, avocate du Southern Poverty Law Center, à Democracy Now! mardi. «En tant que pays, nous devons rester vigilants et demander des comptes à toute administration, quel que soit le parti politique, en ce qui concerne le traitement que nous réservons aux enfants qui cherchent refuge, qui fuient des pays en proie à des troubles, en grande partie à cause de nos politiques géopolitiques au cours des dernières décennies.»

La grande majorité des migrants d’Amérique centrale proviennent des pays du Triangle Nord, à savoir le Guatemala, le Salvador et le Honduras. Le plus grand nombre vient du Honduras, où le président Juan Orlando Hernandez fait l’objet d’une enquête de la police fédérale américaine en tant que baron de la drogue. Le président du Salvador, Nayib Bukele, est également impliqué dans les gangs de la drogue et utilise régulièrement des mesures autoritaires contre l’opposition sociale.

L’effondrement social et la violence des gangs qui poussent des millions de personnes à fuir la région sont le résultat direct de l’intervention impérialiste américaine. Les gouvernements corrompus des pays du Triangle Nord ont tous pour origine des dictatures parrainées par les États-Unis visant à écraser la population qui s’oppose au pillage perpétré par les grandes entreprises.

(Article paru en anglais le 24 mars 2021)

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