Perspectives

Le brasier du camp de réfugiés du Bangladesh et la guerre mondiale du capitalisme contre les migrants

L'horrible incendie lundi qui a dévasté les immenses camps de réfugiés de Cox's Bazar au Bangladesh constitue un réquisitoire non seulement contre les autorités bangladaises, mais aussi les gouvernements capitalistes du monde entier. De l'Asie du Sud et de l'Australie à l'Europe et aux États-Unis, les gouvernements, qu'ils soient nominalement «de gauche» ou ouvertement de droite, soumettent des dizaines de millions de personnes désespérées et démunies fuyant l'oppression et la pauvreté à des persécutions barbares.

L'incendie, dont la cause fait toujours l’objet d’une enquête, a rapidement dévoré des baraques sordides qui abritent un million de réfugiés rohingyas qui ont fui les opérations meurtrières de l'armée au Myanmar voisin. L'incendie a ravagé quelque 10.000 logements ainsi que des centres communautaires, des écoles et d'autres structures, provoquant jusqu'à 60.000 sans-abri et un manque de nourriture, d'eau, d'abris et de médicaments.

Camp de réfugiés rohingyas en flammes à Balukhali, dans le sud du Bangladesh, lundi 22 mars 2021. L'incendie a détruit des centaines d'abris et fait des milliers de sans-abri. (Photo AP / Shafiqur Rahman)

Au moment d'écrire ces lignes, 15 personnes sont confirmées mortes, mais le nombre pourrait augmenter rapidement car au moins 400 personnes, pour la plupart des enfants, sont toujours portées disparues. 560 autres personnes ont été blessées.

Les clôtures en fil de fer barbelé entourant les camps ont empêché les gens de fuir l'incendie et ont contribué au terrible bilan. Le manque d'eau a permis au feu de se propager sans contrôle jusqu'à ce qu'il soit finalement maîtrisé par les pompiers environ six heures plus tard.

Le commissaire aux réfugiés du Bangladesh, Shah Rezwan Hayat, avait rejeté les appels lancés par les agences humanitaires internationales pour le retrait des clôtures, affirmant de manière absurde que leur érection visait «à assurer la sécurité du peuple Rohingya». En réalité, les barbelés entourent ce qui ne peut être qualifié que d'un immense camp de concentration, emprisonnant des centaines de milliers de personnes sans accès aux services les plus élémentaires, y compris l'eau potable et l'assainissement.

Le gouvernement du Bangladesh a traité les réfugiés rohingyas avec une hostilité à outrance, les qualifiant de criminels et les désignant comme boucs émissaires pour le manque de services essentiels dans le pays. Après avoir tenté de les empêcher d'entrer dans le pays, puis les avoir détenus dans des conditions scandaleuses dans les camps de Cox's Bazar, il cherche maintenant à les cantonner de force dans un hébergement permanent sur l'île de Bhasan Char, une vasière isolée, instable, sujette aux inondations et aux cyclones, ou les contraindre à retourner au Myanmar, sans aucune garantie pour leur sécurité.

Plus de 700.000 des réfugiés actuellement au Bangladesh ont fui le Myanmar en 2017 après que l'armée a lancé des attaques systématiques contre la minorité musulmane Rohingya, perpétrant des meurtres, des viols et l'incendie de villages. En 2018, Andrew Gilmour, le secrétaire général adjoint de l'ONU aux droits de l'homme, a qualifié les opérations militaires de «nettoyage ethnique».

La chef du gouvernement de fait du Myanmar à l'époque, Aung San Suu Kyi, qui avait été universellement saluée en Occident comme une «icône de la démocratie», a défendu les atrocités commises par l'armée, comparaissant devant la Cour internationale de Justice en 2019 pour nier les preuves irréfutables de violations des droits de l’homme. Suu Kyi et sa Ligue nationale pour la démocratie, comme l'armée, sont trempées dans le chauvinisme bouddhiste birman et qualifient les Rohingyas d'immigrants clandestins, bien qu’ils vivent dans le pays depuis des siècles.

Contrairement aux autres groupes ethniques du pays, les Rohingyas n'ont aucun droit de citoyenneté et sont donc réduits au statut de minorité apatride, pas les bienvenus au Myanmar, au Bangladesh ou ailleurs dans le monde.

La responsabilité du terrible incendie de cette semaine n'incombe pas seulement aux élites dirigeantes au Bangladesh et au Myanmar, mais aux classes dirigeantes du monde entier qui ferment leurs frontières et diffament les réfugiés et les immigrants.

Sans surprise, l'incendie qui a dévasté les camps de détention de Cox's Bazar a été pratiquement ignoré dans les médias américains et internationaux. Aucune offre d'aide ne s'est manifestée de la part des gouvernements occidentaux pour aider au relogement, à l'alimentation et à la fourniture de soins médicaux.

Alors que le traitement brutal des Rohingyas au Myanmar est reconnu comme un crime contre l'humanité, les victimes sont traitées avec indifférence et mépris. S'ils cherchaient une vie meilleure dans les pays capitalistes avancés, ils seraient accueillis par des armes à feu, des cellules de prison et des camps de détention.

Les Rohingyas font partie de la marée montante de l'humanité forcée de fuir la guerre, l'oppression et la pauvreté produites par l'aggravation de la crise du capitalisme mondial. Selon les dernières statistiques de l'ONU, datant de 2019, il y a au moins 79,5 millions d'apatrides dans le monde, dont beaucoup sont confinés dans des camps de réfugiés fétides et surpeuplés dans des pays économiquement arriérés comme le Bangladesh.

Le traitement impitoyable des Rohingyas par le gouvernement bangladais est répété dans des pays du monde entier. L'administration Biden a la même intention que Trump de bloquer l'entrée de réfugiés fuyant l'oppression et la pauvreté en Amérique latine provoquée par plus d'un siècle de pillage par l'impérialisme américain. Ceux qui atteignent la frontière, y compris quelque 15.000 enfants non accompagnés, sont traités comme des criminels et enfermés.

Les puissances européennes ont mis en place des mesures de contrôle frontalier en mer et sur terre provoquant des noyades de masse en Méditerranée.

Les gouvernements australiens ont été les premiers à utiliser la marine pour bloquer les réfugiés par voie maritime et incarcérer indéfiniment les arrivées dans des centres de détention offshore. Des milliers de personnes ont été confinées dans des îles éloignées du Pacifique pendant des années, sans aucune possibilité de résidence en Australie même si le statut de réfugié leur est accordé.

La pandémie de COVID-19 a considérablement intensifié la crise mondiale du capitalisme et toutes ses contradictions, accélérant la marche vers la guerre, le recours à des mesures d'État-policier et à des formes de gouvernement autoritaires et fascistes, et l'assaut incessant contre la position sociale de la classe ouvrière.

Les vapeurs toxiques du nationalisme et de la xénophobie qui sont attisées par chaque classe dirigeante visent à détourner les tensions sociales explosives vers l'extérieur: soit en faisant passer certains des peuples les plus vulnérables du monde comme des «immigrés clandestins», soit en battant les tambours de la guerre contre un ennemi externe.

Le refus des gouvernements de reconnaître le droit démocratique fondamental à l'asile est une autre preuve qu'il n'y a pas de partisans parmi les cercles dirigeants dans aucun pays pour la défense des droits démocratiques.

La pandémie mondiale, cependant, produit une recrudescence de la lutte de classe à mesure que les travailleurs s'opposent aux tentatives des gouvernements et des grandes entreprises de les forcer à travailler dans des lieux de travail dangereux et insalubres, et d'accepter de profondes réductions des emplois, des conditions de travail et des salaires afin d’augmenter les profits.

Alors que le monde se précipite vers la guerre et la catastrophe économique, les travailleurs doivent rejeter le poison du nationalisme et du racisme, unir leurs luttes au niveau international et défendre les droits de toutes les sections de la classe ouvrière, y compris les millions de réfugiés persécutés à travers le monde.

(Article paru en anglais le 25 mars 2021)

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