Les travailleurs brésiliens organisent des grèves et des manifestations contre la pandémie de COVID-19 et la crise sociale

Les travailleurs ont organisé des grèves et des manifestations dans tout le Brésil contre la propagation meurtrière et incontrôlée de la pandémie de COVID-19 et la crise sociale résultante qui ont plongé des dizaines de millions de personnes dans la pauvreté.

Aux grèves des enseignants de São Paulo, qui durent depuis plusieurs semaines et qui s’opposent à la réouverture meurtrière des écoles, s’ajoute un nombre croissant d’arrêts de travail des chauffeurs de bus, des travailleurs du pétrole et des chemins de fer, des livreurs et d’autres secteurs. Le Brésil a enregistré près de 14 millions d’infections au coronavirus et 375.000 décès.

Les conducteurs de bus ont organisé des arrêts de travail dans un certain nombre de capitales d’État. Bien que le syndicat de la Confédération nationale des travailleurs du transport et de la logistique (CNTTL) ait cherché à isoler ces luttes, il a été contraint d’appeler à une «grève de la santé» à l’échelle nationale mardi.

Des livreurs manifestent pour de meilleurs salaires et conditions de travail à São Paulo le 16 avril. (Twitter)

Pendant ce temps, quelque 1.700 travailleurs pétroliers de la raffinerie du président Getúlio Vargas (Repar), dans l’État du Paraná, se sont mis en grève le 12 avril pour s’opposer à un plan qui vise à recruter 2.000 travailleurs de tout le pays pour mener des travaux de maintenance non essentiels. Une opération similaire menée en mars à la raffinerie Gabriel Passos (Regap), dans l’État de Minas Gerais, a provoqué une épidémie de coronavirus qui a entraîné au moins 200 infections et cinq décès. Une étude de l’Institut national d’études amazoniennes (INPA), considérant les taux d’infection actuels au Brésil, a prédit que l’envoi de 2.000 travailleurs à Repar déclencherait une épidémie qui entraînerait au moins un décès supplémentaire par jour dans la ville d’Araucaria.

Devant à la montée en flèche ces derniers jours des infections sur les plates-formes pétrolières offshore surpeuplées, le syndicat des travailleurs du pétrole de la côte de São Paulo (Sindipetro-LP) a dû appeler à un «état de grève et de rassemblement permanent», mais il n’est pas allé jusqu’à l’arrêt complet des plates-formes. L’action a été déclenchée par un changement prévu des horaires de travail par le conglomérat énergétique public Petrobras qui a imposé une accélération de la cadence de travail sous prétexte de réduire les infections. Les opérations pétrolières de la côte de São Paulo emploient 900 travailleurs et ont la capacité d’extraire plus de 1,3 million de barils de pétrole par jour.

L’augmentation du militantisme, alimentée par l’impact combiné des décès dus au COVID-19 et de la crise sociale, a poussé les livreurs employés par des géants de la technologie tels que iFood et Uber Eats à entrer en action. Vendredi dernier, des milliers de livreurs ont arrêté de travailler et ont défilé dans les rues de São Paulo. Ils ont été accueillis par les applaudissements des chauffeurs routiers et du personnel hospitalier alors qu’ils descendaient les principales artères de la ville.

Des chauffeurs de bus de São Paulo manifestent contre le nombre élevé d’infections et de décès dus au COVID-19 (Source: Sintetra)

Les métallurgistes ont mené une grève d’une semaine pour protester contre la fermeture de l’usine LG située dans le corridor industriel qui longe les rives du fleuve Paraíba et reliant les deux principales villes du pays, São Paulo et Rio de Janeiro. Les travailleurs de LG ont repris le travail après que le syndicat local des métallurgistes SINDIMETAL a annoncé qu’il reprenait les négociations avec l’entreprise. Dans le cadre de plans de restructuration mondiaux, LG a annoncé qu’elle cesserait de produire des écrans d’ordinateur, ce qui entraînera le licenciement de 700 des 3.000 travailleurs de l’usine. Les travailleurs des usines de composants externalisés de la région, qui emploient 430 personnes, sont en grève contre la fermeture de LG depuis le 6 avril.

La grève nationale des travailleurs du secteur des transports et de la logistique fait suite à une semaine de manifestations et d’arrêts partiels lors des changements d’équipe des chauffeurs de bus dans certaines des plus grandes villes du Brésil. Les bus ont été arrêtés à différents jours dans la capitale fédérale Brasília, la troisième plus grande ville du pays; Salvador, Bahia, la quatrième plus grande; Recife-Pernambuco, la neuvième plus grande et São Luís-Maranhão, la 15e plus grande. Les autobus ont également été arrêtés à Vitória, la capitale de l’État d’Espírito Santo. Lundi, une grève illimitée a débuté dans le métro de Brasília.

Aujourd’hui [mardi], des manifestations sont prévues dans 14 États et comprendront pour la première fois un arrêt du service ferroviaire à São Paulo, le plus grand système de transport en commun du pays, ainsi qu’à Porto Alegre. Les chauffeurs d’autobus, les collecteurs de billets et les employés feront un arrêt de travail de 24 heures dans toutes les grandes régions de l’État de São Paulo, y compris dans la vallée de la Paraíba et d’autres centres industriels tels que Sorocaba, Jundiaí et Guarulhos, qui comptent pour plus de 80 pour cent des 44 millions d’habitants de l’État.

Le militantisme des travailleurs des transports en commun est une réponse directe à la politique d’immunité collective adoptée par la classe dirigeante brésilienne, du président fasciste Jair Bolsonaro jusqu’aux gouverneurs d’État de la prétendue opposition politique dirigée par le Parti des travailleurs (PT).

Les travailleurs de LG votent la grève contre la fermeture de l'usine de Taubaté (Twitter)

Selon une étude commanditée par El País et basée sur le registre national de l’emploi (CAGED), la surmortalité des chauffeurs de bus au Brésil au cours de l’année écoulée s’élève à 62 pour cent. Ce chiffre est trois fois supérieur à la moyenne nationale de 22 pour cent. Les deux données sont basées sur les décès enregistrés en 2020 et n’ont pas encore intégré le terrible bilan de la dernière vague de COVID-19 qui a vu le nombre de décès quotidiens atteindre 3.000, soit le triple du nombre enregistré lors du pic de la première vague à la mi-2020. Ces chiffres ne permettent pas non plus de savoir combien de membres de la famille des travailleurs en transit ont été victimes d’infections qu’ils ont ramenées de leur travail.

Les statistiques de São Paulo jettent la lumière sur cette réalité de manière encore plus frappante. Dans la région du Grand Sorocaba, la quatrième plus grande zone métropolitaine de l’État, avec plus d’un million d’habitants, une proportion choquante de 10 pour cent des chauffeurs de bus a déjà perdu la vie à cause du COVID-19. Malgré toutes les déclarations de propagande selon lesquelles l’État ne gardait ouvertes que les «activités essentielles», dans la seule ville de São Paulo, le système de transport en commun a enregistré 3 milliards de voyages pendant la pandémie: plus de 1,6 milliard dans les bus et 1,4 milliard sur le réseau ferroviaire. Dans le métro, 22 travailleurs sont déjà morts et 1.500 des 8.000 travailleurs sont infectés. Dans le réseau de transport de banlieue, encore plus encombré, 50 des 8.000 travailleurs du rail ainsi que 131 chauffeurs de bus sont morts.

Les travailleurs des transports en commun ont également été frappés par plus de 50.000 licenciements au cours de la pandémie, les sociétés de transport ayant profité de la propagande du gouvernement concernant une vaste réduction de la circulation résultant des restrictions liées à la pandémie pour restructurer les opérations et réduire le nombre de bus et de trains.

La grève des transports à São Paulo survient alors que le gouvernement de l’État a annoncé la réouverture du service de vente au détail en personne après une «phase d’urgence» qui a vu les lits des unités de soins intensifs de l’État réduire leur occupation à un peu moins de 90 pour cent pour la première fois en un mois. Cette décision a été prise après que l’association des centres commerciaux de São Paulo a annoncé que les magasins licencieraient 60.000 travailleurs dans la ville si le commerce de détail restait fermé une semaine de plus. Cela représenterait un pour cent des travailleurs de la ville jetés à la rue du jour au lendemain. L’État enregistre actuellement plus de 820 décès par jour.

À la mort de masse s’ajoutent la paupérisation de masse et la croissance sans précédent de l’inégalité sociale. Des dizaines de millions de Brésiliens ont été jetés dans la pauvreté depuis le début de la pandémie, et le chômage atteint des niveaux record. Plus de la moitié de la population fait face à l’insécurité alimentaire. En même temps, le nombre de milliardaires brésiliens est passé de 45 à 65 au cours de l’année écoulée, tandis que leur fortune cumulée a augmenté de 72 pour cent pour atteindre 219 milliards de dollars.

La vague de grèves et de protestations des travailleurs au Brésil est l’expression de la colère et du militantisme croissants des travailleurs face à des conditions similaires qui existent dans le monde entier. Après une année où 3 millions de personnes sont décédées du COVID-19 et où la population a souffert d’une immense privation sociale, les conditions sont réunies pour une éruption de la lutte des classes à l’échelle mondiale.

Au Brésil, comme dans tous les pays, la classe dirigeante refuse de prendre les mesures nécessaires pour arrêter la mort en masse et prévenir la pauvreté et la faim de masse, car elles empiéteraient sur ses intérêts de profit. Par conséquent, la bataille contre le COVID-19 ne peut être menée avec succès en dehors d’une lutte politique contre le système capitaliste.

Pour mener cette bataille, les travailleurs brésiliens ont besoin d’une nouvelle direction et de nouvelles organisations de lutte. Les syndicats existants, liés au Parti des Travailleurs (PT) et à son programme capitaliste, refusent de lutter pour les mesures nécessaires pour contenir la pandémie. Au lieu de cela, ils ont promu les politiques meurtrières de réouverture économique et d’immunité collective, tentant d’isoler toute lutte, tout en exigeant uniquement que les travailleurs qu’ils prétendent représenter soient prioritaires par rapport aux autres sections de la population pour l’approvisionnement nettement insuffisant en vaccins.

Les travailleurs brésiliens, y compris les chauffeurs de bus et de train, les travailleurs du pétrole, les livreurs et les enseignants, doivent former leurs propres comités de la base, indépendants des syndicats procapitalistes, afin de mener une lutte unie pour un véritable arrêt de tous les services non essentiels jusqu’à ce que la propagation du virus soit stoppée et que les vaccins soient disponibles pour tous. Ils doivent exiger une indemnisation complète des travailleurs et des petites entreprises ruinées pour mettre fin au chantage économique qui oblige les travailleurs à travailler dans des conditions dangereuses.

Ces revendications ne peuvent être réalisées qu’au moyen d’une attaque frontale contre les vastes richesses accumulées par l’élite dirigeante, qui doivent être expropriées dans le cadre d’un programme socialiste qui vise à financer une réponse mondiale à la pandémie, fondée sur les besoins sanitaires et sociaux de tous.

Le développement du mouvement émergent de la classe ouvrière en une lutte consciente et révolutionnaire pour le socialisme nécessite la construction d’une nouvelle direction révolutionnaire: le Comité international de la Quatrième Internationale et son organisation sympathisante au Brésil, le Groupe de l’égalité socialiste.

(Article paru en anglais le 20 avril 2021)

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