Des dizaines de Palestiniens blessés à Jérusalem alors que des suprémacistes juifs défilent en scandant «Mort aux Arabes»

Plus de 100 Palestiniens ont été blessés lors de violents affrontements avec la police. Ceux-ci ont éclaté à Jérusalem-Est après une marche de centaines de suprémacistes juifs d'extrême droite scandant: «Mort aux Arabes! Mort aux Arabes! Tout le monde demande vengeance! » jeudi 22 avril. Ces affrontements font suite à des jours de tensions croissantes dans la ville.

Un manifestant palestinien blessé reçoit des soins après avoir été frappé à la porte de Damas juste à l'extérieur de la vieille ville de Jérusalem, jeudi 22 avril 2021. (AP Photo / Ariel Schalit )

La police a utilisé contre les Palestiniens des canons à eau et des grenades assourdissantes. Beaucoup étaient réunis en familles avec de jeunes enfants en vêtements de vacances. Ils s'étaient rassemblés devant la porte de Damas à la fin du jeûne de la journée (le Ramadan a commencé le 12 avril). Au moins 20 Palestiniens, blessés par les balles en caoutchouc et les grenades assourdissantes des forces de sécurité, ont dû être transportés à l'hôpital. Un chauffeur israélien, légèrement blessé lors d'une attaque par de jeunes Palestiniens, et un policier ont également été hospitalisés. Des dizaines de Juifs et de Palestiniens ont été arrêtés.

La porte de Damas, l'une des entrées de la vieille ville, est le lieu de rassemblement le plus important pour la communauté palestinienne de Jérusalem-Est ; des dizaines de milliers de personnes y passent ou s'y assoient chaque soir. La place à l'extérieur de la porte a été le théâtre de multiples affrontements entre des Palestiniens et la police ces derniers jours au sujet des barrières installées par celle-ci pour empêcher les gens de rester assis là pendant le mois de Ramadan.

Les autorités n'ont donné aucune raison valable pour les barricades, provoquant des manifestations largement pacifiques à la porte et des appels à «ouvrir les barrières». Ces rassemblements ont été agressivement dispersées par la police montée et des torrents d '«eau de mouffette» nauséabonde qui ont transformé la place en champ de bataille. Les tensions ont été encore attisées par les autorités qui ont déconnecté les haut-parleurs de la mosquée Al-Aqsa afin que l'appel à la prière ne perturbe pas la cérémonie du Jour du souvenir d'Israël pour les soldats tombés au Mur Occidental. On a aussi limité le nombre de Palestiniens de Cisjordanie assistant aux services du Ramadan dans l'enceinte à seulement 10.000, sous réserve de vaccination, bien moins que le nombre de personnes souhaitant y assister.

Lorsque de jeunes Palestiniens ont posté des vidéos d'eux-mêmes agressant des Juifs sur les réseaux sociaux, au milieu d’une reprise de violence à Jaffa où des Palestiniens israéliens ont tabassé le responsable d'une yeshiva (séminaire religieux) menant à de violents affrontements avec la police, des extrémistes juifs de droite ont saisi l'occasion pour attiser les flammes et réclamer vengeance.

Le dimanche soir, les députés du parti fascisant du Sionisme religieux accompagnés de provocateurs chantant des chansons anti-palestiniennes de haine et de vengeance, ont demandé à la police de prendre des mesures plus sévères pour «protéger la dignité juive».

Peu de temps après, Mohammed Abu Ziyadeh, 17 ans, a été attaqué à la station de tramway de la rue Jaffa. Puis, lundi, les agressions contre les Palestiniens se sont intensifiées alors que des dizaines de jeunes racistes juifs se déchaînaient dans la ville en scandant «Mort aux Arabes» et en attaquant les passants avec des pierres et des gaz lacrymogènes. La police a fait semblant d’intervenir en arrêtant six suspects, puis les a tous relâchés et a permis que d’autres provocations aient lieu les jours suivants.

Lehava (The Flame), le groupe fasciste qui a organisé la marche de jeudi, a appelé ses partisans à se rassembler près de la porte de Damas pour «protéger l'honneur juif» et a déclaré dans son groupe Whatsapp: «Nous devons leur casser la figure, les enterrer vivants. » Ha'aretz a rapporté que des organisations d'extrême droite anti-palestiniennes ont utilisé des groupes WhatsApp pour appeler les manifestants à porter des armes et montrer aux gens comment éviter d'être arrêtés. Le journal a cité une discussion de groupe organisée par le groupe d'extrême droite, La Familia, qui dit dans un post: «Des Arabes en feu aujourd'hui, les cocktails Molotov sont déjà dans le coffre […] à mon avis, un Arabe meurt aujourd'hui ».

Jeudi soir, ces éléments, composées de jeunes, d'ultra-orthodoxes et de colons, se sont déchaînées pêle-mêle, ciblant les Palestiniens, les gens de gauche et les journalistes. Ils s’en sont également pris dans leur fureur à des policiers, leur jetant pierres et bouteilles, et les insultant. Le maire de Jérusalem a déployé des centaines de policiers pour les empêcher d'atteindre la porte de Damas et d’agresser les Palestiniens, mais ils ont été traités avec des gants de velours en comparaison du traitement reçu par les Palestiniens, entraînant peu de blessés.

Tout ceci a lieu sur fond d’efforts de plus en plus frénétiques de la part de Netanyahu pour créer un gouvernement de coalition qui lui permettrait d'échapper à son procès pour corruption. L'un des deux faiseurs de rois potentiels est la Liste arabe unie, l'un des quatre partis qui composaient auparavant la Liste arabe commune contre laquelle Netanyahu a fait de gros efforts, dans le but de la diviser. Cependant, l'alliance fascisante du Sionisme religieux, dirigée par Bezalel Smotrich, qui dispose de six sièges à la Knesset, a refusé de rejoindre une coalition dépendant de députés arabes, même s'ils restent en dehors du gouvernement.

Le Sionisme religieux fait partie du bloc d'extrême droite de Netanyahu. Celui-ci comprend également le Pouvoir juif, ouvertement raciste - l'héritier politique du parti Kach de Meir Kahane qui a été interdit en tant qu'organisation terroriste - et le parti Noam, religieux, homophobe et ultra-conservateur. Pendant la campagne électorale, le leader du Pouvoir Juif Itamar Ben Gvir a ouvertement exigé l'expulsion des citoyens palestiniens d'Israël, qui représentent plus de 20 pour cent de la population du pays, jugés «déloyaux». Le Sionisme religieux prône l'expulsion de la population palestinienne, la violence contre les Arabes et l'éradication de la laïcité et des mariages mixtes.

C'est Netanyahu qui a négocié la fusion du groupe de Smotrich avec Pouvoir juif et Noam pour former le Sionisme religieux afin de s'assurer qu'ils parviendraient au seuil d'entrée à la Knesset lors des élections générales du mois dernier ; il s’est essentiellement fait l'otage d’une extrême droite qui a de plus en plus déterminé son programme politique depuis qu'il est devenu premier ministre il y a 12 ans. Ces forces sont déterminées à annexer de vastes étendues de la Cisjordanie, un engagement électoral que Netanyahu a renié en faveur des accords d'Abraham avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan et avec le soutien de fait de l'Arabie saoudite.

Si Netanyahu devait pouvoir former un gouvernement, Ben-Gvir, le numéro trois de Sionisme religieux, pourrait se voir attribuer une position ministérielle, aux côtés du chef de l'alliance, Bezalel Smotrich, ou un siège au sein du comité des nominations judiciaires; l’un comme l’autre lui permettrait d’empêcher ses amis fascistes de finir en prison. Ben Gvir, un avocat, est surtout connu pour avoir défendu les colons sionistes accusés d'attaques terroristes et de crimes haineux contre les Palestiniens et pour avoir représenté Lehava, une organisation qui lutte contre les mariages mixtes de juifs et non-juifs. Le chef de Lehava, Bentzi Gopstein, un autre ancien militant de Kach, est l’un des plus proches alliés de Ben Gvir.

La montée du mouvement d'extrême droite est liée à la politique expansionniste d'Israël après sa prise de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est qu'il a annexée, de Gaza et du plateau du Golan en Syrie pendant la guerre israélo-arabe de 1967. Le coût de cette politique continue d'être payé directement par les masses palestiniennes et indirectement par la classe ouvrière israélienne, sous la forme de coupes budgétaires sociales et de hausses d'impôts effectuées pour financer un État militarisé et de plus en plus antidémocratique.

Un supplément nécessaire de la politique du Grand Israël qui a établi des colonies dans ses territoires nouvellement conquis au mépris du droit international était la promotion de la politique communautariste et ethno-religieuse, dont le ‘nettoyage ethnique’ qui a conduit à d'innombrables attaques contre les Palestiniens, les propres citoyens arabes d'Israël et les travailleurs migrants.

Alors que l'écart entre les riches et les pauvres s'est creusé, en grande partie en raison des politiques économiques poursuivies par les gouvernements israéliens successifs de toutes nuances politiques, l'État s'est de plus en plus appuyé sur les colons de droite et les zélotes nationalistes extrêmes qui constituent la base de l'émergence de tendances fascistes en Israël. Netanyahu, pour sa part, a encouragé le nationalisme extrême comme mécanisme pour détourner la colère croissante dans une voie réactionnaire face à la baisse du niveau de vie et aux inégalités sociales.

Malgré les problèmes de développement politique de la classe ouvrière israélienne, il existe une opposition généralisée à la politique de l'élite dirigeante. Il n’existe cependant aucun véhicule ni programme politique pour exprimer cette opposition. Il est impossible de trouver un moyen de sortir de cette impasse sans rompre avec l'agenda nationaliste et communautariste du sionisme. La seule manière progressiste d'avancer réside dans la mobilisation indépendante et l'unification des travailleurs arabes, juifs et iraniens dans une lutte commune pour une fédération socialiste du Moyen-Orient, dans le cadre de la lutte pour mettre fin au capitalisme dans le monde entier.

C'est pour développer un tel mouvement unifié que le World Socialist Web Site et le Comité international de la Quatrième Internationale organisent un rassemblement en ligne samedi 1er mai - « Un an du coronavirus: de la pandémie mondiale à la lutte de classe mondiale.» Nous encourageons vivement les travailleurs et les jeunes en Israël, en Palestine et dans tout le Moyen-Orient à assister à ce rassemblement.

(Article paru en anglais le 24 avril 2021)

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