L’Ontario frappé de plein fouet, alors qu’une troisième vague de COVID-19 déferle au Canada

Avec plus de 85.000 cas actifs, le Canada demeure l’un des points chauds de la COVID-19 dans le monde. Toutes les provinces du pays sont touchées, les plus hauts taux de cas actifs par 100.000 habitants étant enregistrés en Ontario, Alberta et Saskatchewan.

En Ontario, la moyenne glissante sur une semaine de nouveaux cas par jour se situe à plus de 3800, un nombre légèrement en baisse par rapport à près de 4200 la semaine dernière. Avec plus de 2.300 hospitalisations, dont 875 aux soins intensifs, soit plus du double qu'il y a un mois, les hôpitaux ont atteint le point de saturation.

Depuis les deux dernières semaines, le volume de patients est si important dans le sud de la province, particulièrement dans la métropole de Toronto, que les établissements sont forcés d’effectuer des transferts quotidiens de patients par ambulance et même par voie aérienne vers les hôpitaux du nord.

Le mois de mai pourrait s’avérer encore plus tragique, les autorités sanitaires de la province ayant projeté jusqu’à 18.000 cas quotidiens.

Une infirmière tend un téléphone à un patient atteint de COVID-19 dans une unité de soins intensifs pour qu’il parle à sa famille. (Source: AP/Daniel Cole)

Même dans les provinces de l’Est, qui avaient réussi à limiter les éclosions de masse, la situation se détériore rapidement. La Nouvelle-Écosse a recensé mardi, pour la première fois depuis le début de la pandémie, 96 cas en une seule journée, ce qui a porté un autre coup à la «bulle atlantique» censée permettre le libre déplacement au sein des quatre provinces de l’Atlantique. Les provinces voisines du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard ont en effet annoncé des restrictions dans les déplacements interprovinciaux.

Au Québec, qui compte pour 10.886 des 24.024 décès survenus au Canada, le nombre de patients hospitalisés et aux soins intensifs continue son ascension. Comme dans la province voisine de l’Ontario, le délestage est de retour dans plusieurs établissements. Uniquement au CHU (Centre hospitalier universitaire) de Québec, 30 à 35% des opérations ont dû être annulées.

Dans les dernières semaines, la hausse des cas était si marquée que les centres hospitaliers avaient déjà préparé leurs plans pour le transfert de patients. Mardi, le premier ministre François Legault a confirmé que le transfert de patients de Gatineau vers la région voisine des Laurentides avait été nécessaire.

La crise est exacerbée par un manque criant de personnel qualifié pour s’occuper des patients atteints de la COVID-19. De nombreux travailleurs de la santé doivent s’absenter après avoir contracté la maladie, par retrait préventif ou encore en raison de l’épuisement professionnel.

Il y a deux semaines, la pénurie était telle à Gatineau que plusieurs membres du personnel ont dû aligner deux quarts de travail, sans avoir le temps de prendre des pauses pour manger. Confrontées à ces conditions intolérables, les infirmières ont tenu un sit-in à l’urgence pour protester. «J'ai ramassé des infirmières à la petite cuillère que je n'avais jamais vu pleurer», a témoigné Cynthia Desgagné, infirmière-chef adjointe à l'urgence de l'Hôpital de Gatineau.

Le variant B.1.1.7, observé pour la première fois au Royaume-Uni, représente désormais la majorité des nouveaux cas enregistrés au Canada. On dénombre également près de 550 cas du variant B.1.351, observé d’abord en Afrique du Sud, et 8 provinces et territoires comptent des cas du variant P1, qui a ravagé le Brésil.

Un nouveau variant, le B.1.617, observé pour la première fois en Inde en décembre, a également fait son arrivée ces dernières semaines sur le territoire canadien. Il serait plus contagieux que la souche de base et potentiellement plus résistant aux vaccins actuels. Mercredi, l’Inde a dépassé le précédent record mondial avec 380.000 nouveaux cas d’infections et plus de 3,600 décès en 24 heures.

Les variants mettent une pression accrue sur les hôpitaux, a expliqué Maude Laberge, chercheuse au Centre de recherche du CHU de Québec. «La proportion de patients aux soins intensifs est plus importante parce que les hospitalisations sont plus longues».

Les patients sont plus jeunes et nécessitent plus rapidement des soins intensifs. L’Ontario a également observé une hausse des personnes qui décèdent avant d’être rendues à l’hôpital, avec deux par jour dans les deux dernières semaines. Selon Dirk Huyer, le coroner en chef de l’Ontario: «Des symptômes étaient présents, pas au point d'être reconnus comme nécessitant nécessairement une hospitalisation, puis ils ont été retrouvés décédés plus tard dans la journée ou le matin».

L’une de ces victimes est une jeune adolescente de 13 ans, Emily Victoria Viegas, de Brampton – une banlieue industrielle de Toronto avec de nombreux emplois à bas salaires dans des entrepôts et des manufactures, ce qui a contribué à en faire un épicentre de la pandémie. La jeune fille a été retrouvée inanimée dans son lit à 9h le matin du 22 avril, alors que deux heures auparavant, elle s’était rendue à la salle de bain.

Comme le démontre le décès de cette jeune en Ontario, le virus est dangereux autant pour les enfants que pour les adultes. Bien que les écoles et les garderies soient devenues des vecteurs majeurs de la contagion, comptant au Québec pour 30% des infections, les gouvernements refusent de mettre fin à l’enseignement en personne.

Là où des établissements ont dû fermer, c’est par manque de personnel ou d’élèves suite à des infections ou des retraits préventifs. Dans tous les cas, les fermetures sont circonscrites ou de courte durée.

L’exception qui confirme la règle est l’Ontario, où la pandémie fait rage de manière incontrôlée. C’est seulement après un tollé de la part de parents, éducateurs, scientifiques et agents de la santé publique que le gouvernement Doug Ford s'est résigné à renverser sa position pour annoncer un retour de l’enseignement à distance.

Partout au pays, le fiasco se poursuit au niveau de la vaccination. Bien que la campagne ait débuté en décembre, l’approvisionnement fait encore défaut. Résultat, moins d’une personne sur trois a reçu une première dose, et seulement 2,8% de la population a reçu les deux doses d’un vaccin anti-COVID.

Malgré l’ampleur de la crise, les gouvernements fédéraux et provinciaux refusent de mettre en place les mesures requises pour stopper la pandémie et protéger la santé et la vie de millions de personnes. Ils refusent de fermer les écoles et les entreprises non essentielles pour ne pas nuire aux profits. D’où leur campagne incessante pour garder les écoles ouvertes et forcer les parents-travailleurs à retourner au travail.

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