Au moins 45 personnes sont mortes et 150 ont été blessées dont 40 gravement dans un accident survenu vendredi dernier lors d’une célébration religieuse sur le mont Meron, dans le nord d’Israël. Il s’agit de l’une des pires catastrophes civiles dans ce pays.
Les festivités de Lag B'Omer à Meron où est enterré le sage juif du deuxième siècle Rabbi Shimon Bar Yochai, attirent habituellement des centaines de milliers de personnes qui dansent, chantent et font des feux de joie autour de sa tombe. Cette année, la participation a été estimée à 100.000 personnes.
Bien que la cause ne soit pas encore tout à fait claire, il semble que la bousculade a été provoquée vers 1 heure du matin vendredi, après que certains célébrants aient glissé sur des marches, provoquant la chute de dizaines de personnes, suivie celle de centaines d’autres arrivant derrière, dans une «avalanche humaine».
Des photographies prises plus tard dans la matinée montrent la scène de la bousculade jonchée de milliers de bouteilles en plastique bleues, écrasées par la foule ayant marché dessus, qui ont pu provoquer les glissades et les chutes.
Des témoins ont décrit des scènes de confusion et de chaos total. Eliyahu, blessé dans la bousculade, raconte à Ha'aretz: «Nous avons essayé de partir, mais la police avait fermé toutes sortes de zones et ne nous laissait pas partir». «Nous les avons suppliés d’ouvrir les barrières pour sortir, mais la police on ne sait pourquoi, ne laissait pas les gens partir et tout le monde était poussé, et les gens étaient tout simplement piétinés à mort. Je n’ai pas compris pas ce qui se passait et je me suis évanoui», a-t-il ajouté.
Deux autres témoins ont déclaré à Ha'aretz qu’une barricade de la police avait empêché les gens de partir. Cela a contribué ainsi à l’engorgement. Le rabbin Aharon Boimel a déclaré qu’il avait évité le complexe toute la soirée par crainte d’un désastre. «Nous avions déjà mis en garde contre un entassement des gens à cet endroit par le passé. Ce que nous craignions le plus s’est produit. Si la police n’avait pas positionné des barricades dans l’enceinte, la catastrophe aurait été plus grande».
Selon le journal télévisé Channel 12, c’est le goulot d’étranglement où la catastrophe a commencé plutôt que le nombre total de fidèles sur le site qui avait conduit à la tragédie. L’ensemble du site n’a qu’une seule entrée depuis une seule route d’accès, ce qui signifie que la police – 5.000 policiers avaient été déployés pour encadrer l’événement – aurait dû être en mesure de contrôler le nombre de personnes qui entraient sur le site. Des films ont montré des policiers qui tentaient d’empêcher les gens de fuir les lieux, soit parce qu’ils ne mesuraient pas l’ampleur du danger, soit parce qu’ils essayaient d’empêcher la bousculade de se propager à d’autres zones du site. Des images télévisées ont montré une porte latérale dans le passage qu’on avait fermée à clé.
Selon la police, alors que le site avait la même capacité que d’habitude, les zones de feu de joie avaient été restreintes par précaution contre le Covid-19 – elles étaient interdites l’année dernière – ce qui a pu créer des points d’étranglement inattendus pour les participants.
Quelques heures après la bousculade, dans un contexte d’efforts compliqués pour identifier les victimes, les familles de ceux qui avaient perdu la vie n’avaient pas encore été prévenues.
La participation à l’événement était plus élevée que l’année dernière, lorsque des restrictions avaient été mises en place pour stopper la propagation du virus, mais beaucoup plus faible que d’habitude, car il y avait peu de visiteurs étrangers et d’Israéliens non hassidiques.
Malgré les avertissement de responsables israéliens de la santé que les célébrations de masse puissent devenir un super-propagateur, les autorités, qui avaient levé les restrictions sur les rassemblements sociaux après le troisième confinement, ont autorisé l’événement à se dérouler. C’était le plus grand rassemblement depuis le début de la pandémie.
La police a ouvert une enquête ; le procureur général a déclaré qu’on avait ouvert une enquête sur le maintien de l’ordre à l’événement ; le département des enquêtes internes était déjà sur place pour déterminer s’il y avait eu quelconque culpabilité criminelle de la part de la police. Le major général Shimon Lavi, chef de la police du district nord, a déclaré qu’il portait l’entière responsabilité de cet événement meurtrier. Mais un haut responsable de la police a imputé la responsabilité de la tragédie au gouvernement et aux responsables ayant autorisé un accès illimité aux célébrations, entraînant l’engorgement et la ruée tragique.
Il a déclaré: «Ce passage étroit a été approuvé par des ingénieurs», indiquant l’emplacement de la bousculade. ; il a ajouté: «Le district nord de la police était préparé à toute éventualité avant les célébrations du jeudi férié. Le major-général Lavi a visité le site à l’avance et a dit aux organisateurs qu’il craignait que les barrières mises en place soient dangereuses pour les enfants. Il a également rencontré des chefs religieux sur place qui ont demandé qu’une plus grande participation soit autorisée, mais il a résisté. Imaginez à quel point les choses auraient pu être pires». Il a ajouté: «C’est la responsabilité de l’État».
Un porte-parole de la police, le commandant Eli Levi, a déclaré au site Ynet que toutes les autorités gouvernementales compétentes avaient approuvé le passage où la bousculade s’est produite. «Tout le monde avait compris qu’après l’interdiction des festivités l’année dernière en raison de la pandémie de coronavirus, il y aurait de grandes foules au mont Meron cette année». En effet, les responsables avaient déclaré avant l’événement que des centaines de milliers de personnes seraient autorisées à y participer.
Des scènes chaotiques se sont déroulées alors que les gens tentaient de quitter les lieux de la catastrophe, des masses de personnes, y compris de jeunes enfants, attendant pendant des heures un moyen de transport. Une opération massive de transport par autobus a été mise en place de manière désordonnée et mal dirigée, amenant les gens à arrêter les autobus qui passaient pour demander leur destination, ajoutant ainsi aux embouteillages déjà énormes et à la confusion dans les rues étroites autour du mont Meron.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a visité le site vendredi matin avec le ministre de la Sécurité publique, Amir Ohana, et la police. Il a qualifié la tragédie de «lourd désastre». Selon les informations des médias en hébreux, certains des fidèles restés sur le site ont hué et chahuté le premier ministre et scandé des slogans contre lui.
Membre de l’OCDE, le club des nations les plus riches du monde, Israël est connu pour ses inventions de haute technologie. Il dispose des forces aériennes les plus puissantes de la région et d’un énorme arsenal de bombes nucléaires. Il menace depuis longtemps de bombarder l’Iran, à mille kilomètres de là. Pourtant, il n’a pas pu gérer ce rassemblement de masse de façon sûre.
Cela fait suite à la mort totalement évitable, au cours de la pandémie, de près de 6.500 personnes en Israël et de 3.231 Palestiniens vivant dans les territoires illégalement occupés par Israël depuis 1967 ; et s’ajoute à la souffrance indicible de centaines de milliers de personnes, car Netanyahu, comme ses homologues du monde entier, a fait passer les profits avant les vies.
Les communautés ultra-orthodoxes ont été particulièrement touchées. Elles font déjà partie des plus pauvres dans la société israélienne, vivent dans des conditions de surpopulation et allaient depuis le début être une cible privilégiée du coronavirus. Elles sont largement employées dans des secteurs peu qualifiés et mal payés, s’ils travaillent, mais la plupart ne travaillent pas. Leur taux de chômage a augmenté deux fois plus que celui du reste de la population en raison des confinements, tandis que leur taux d’infection était presque cinq fois plus élevé.
Les ultra-orthodoxes ou Haredim, ne constituent en aucun cas un bloc monolithique. Il sont constitués de nombreuses sectes et dirigeants, chacun ayant ses propres coutumes et traditions. Alors que les partis religieux ont contribué à maintenir Netanyahou au pouvoir, les Haredim sont extrêmement méfiants à l’égard du gouvernement et des autorités publiques laïques.
En échange de leur soutien, Netanyahou a accordé de nombreuses dispenses. Notamment, il leur permet de garder leurs écoles ouvertes. Ils n’enseignent pas un programme de base de mathématiques, de sciences et d’anglais, mais se concentrent sur les études religieuses. Il leur accorde des exemptions de fait à la distanciation sociale et des restrictions de confinement, ainsi qu’une exemption du service militaire.
Cela a servi à accroître les tensions entre les Israéliens religieux et laïques. Netanyahu et l’élite dirigeante ont encouragé cela comme moyen de diviser l’opposition aux politiques économiques et sociales qui ont créé l’un des pays les plus inégalitaires de l’OCDE.
Cette dernière tragédie démontre une fois de plus que la «menace existentielle» pour les travailleurs israéliens ne réside pas dans les Palestiniens ou ses voisins dans la région. Les citoyens palestiniens d’Israël dans les villes et villages voisins ont installé des stands et distribuent gratuitement de la nourriture et des boissons aux milliers de fidèles juifs qui tentaient de quitter la zone à la suite de la tragédie.
La menace réside dans la volonté de l’oligarchie financière israélienne de sacrifier les vies et le bien-être des travailleurs israéliens et de leurs familles à ses propres intérêts égoïstes.
(Article paru d’abord en anglais le 1er mai 2021)