Les républicains américains poursuivent leurs attaques contre le droit de vote

Jeudi, le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, un acolyte de Trump a mené le plus récent assaut en date contre les droits démocratiques de millions de personnes. Il a signé le projet de loi 90 du Sénat après qu’il fut adopter par l’Assemblée législative de Floride, dominée par les républicains, en début de semaine. Cette mesure antidémocratique est l’une des centaines que les législatures d’État dirigées par les républicains dans le pays ont avancées après la tentative de coup d’État de l’ancien président Donald Trump le 6 janvier.

Ron Desantis s’exprime lors du Student Action Summit 2018 organisé par Turning Point USA au Palm Beach County Convention Center à West Palm Beach, en Floride [Crédit: Gage Skidmore].

Bien que les spécificités de chaque projet de loi varient, leur objectif global est d’éviscérer les droits démocratiques et de vote de la classe ouvrière, tout en soutenant l’affirmation sans fondement de Trump que l’élection de 2020 a été «volée». Cela n’a pas empêché une majorité du Parti républicain, tant à Washington DC que dans les gouvernements des États, d’embrasser et de propager le «gros mensonge» de Trump sur une élection volée. À la seule exception de l’archiconservatrice, Liz Cheney.

Témoignant du caractère fasciste du projet de loi et du Parti républicain dans son ensemble, DeSantis a organisé une «signature en direct» du projet de loi exclusivement sur Fox News. Cela dans le but d’améliorer sa position auprès de son public d’extrême droite, qui compte parmi ses téléspectateurs assidus, Trump lui-même. Selon un rapport de CNN, on a informé les médias locaux qu’ils n’étaient pas autorisés à entrer pour assister à la signature du projet de loi parce que c’était une «exclusivité» de Fox News.

Le projet de loi de la Floride ajoute plusieurs charges inutiles au processus de vote, comme la limitation de l’utilisation des boîtes de dépôt et l’interdiction aux bénévoles de retourner les bulletins remplis au nom des électeurs ; tout en exigeant que les électeurs qui souhaitent voter par correspondance se réinscrivent pour chaque cycle électoral.

Selon les données de Target Smart, plus de 9 millions d’électeurs de Floride ont retourné un bulletin de vote anticipé en personne ou par courrier lors de l’élection de 2020, soit 41 pour cent de plus qu’en 2016. En Floride, 45 pour cent des bulletins de vote demandés par correspondance sont allés aux démocrates, tandis que 31 pour cent sont allés aux républicains. Cependant, le nombre de bulletins retournés par pourcentage était presque identique, avec 39 pour cent des démocrates et 38 pour cent des républicains retournant leur bulletin.

DeSantis lui-même a reconnu dans une interview à Fox News la semaine dernière que l’élection en Floride était «juste et transparente» (parce que Trump avait gagné l’État). Malgré cela, dans une déclaration qui annonçait la signature de la SB 90, le gouverneur a affirmé que le projet de loi permettrait à la Floride de «rester un leader en matière d’intégrité des bulletins de vote». Wilton Simpson, président du Sénat de Floride, a annoncé dans la même déclaration que les nouvelles mesures restrictives empêcheraient un «retour en arrière» et que «la Floride a été un modèle pour la nation en novembre».

Incapable de faire un appel plus large à la classe ouvrière pour défendre les droits démocratiques, le Parti démocrate a attaqué la mesure et d’autres similaires au Texas et en Géorgie en termes purement racialistes, tout en faisant appel aux grandes entreprises et aux tribunaux de plus en plus à droite pour obtenir réparation. Après que DeSantis a signé le projet de loi, une coalition d’organisations alignées sur le Parti démocrate a intenté des procès pour contester les dispositions antidémocratiques du projet de loi.

Le sénateur de l’État, démocrate, Shervin Jones, a qualifié le projet de loi de «Jim Crow 2.0» (dans les années 1870, les lois Jim Crowe imposait la ségrégation des races dans le Sud des États-Unis après sa défaite dans la guerre civile), tout en admettant qu’il «rendra plus difficile aux électeurs des communautés blanches rurales à faible revenu, aux personnes âgées et aux communautés de couleur de faire entendre leur voix.»

Patricia Brigham, présidente de la League of Women Voters of Florida, a déclaré que la législation «a un impact délibéré et disproportionné sur les électeurs âgés, les électeurs handicapés, les étudiants et les communautés de couleur. Il s’agissait d’une tentative méprisable de la part d’une législature dirigée par un parti unique de choisir qui peut voter dans notre État et qui ne le peut pas. C’est antidémocratique, anticonstitutionnel et antiaméricain».

La Ligue s’est jointe au fonds « Les voteurs noirs ont de l’importance» (Black Voters Matter Fund), à la «Alliance de Floride pour les Américains retraités» (Florida Alliance for Retired Americans) et à d’autres organisations dans une action en justice commune contre le projet de loi. Un procès fédéral distinct fut intenté à Tallahassee par la NAACP (association nationale pour la promotion des gens de couleur) et Common Cause (Cause commune), qui affirment que la loi cible les personnes noires, latinos ou handicapées.

Tôt vendredi matin, à l’instar de la Floride, la Chambre du Texas, contrôlée par les républicains, a voté après seulement neuf heures de débat une version moins restrictive du projet de loi 7 du Sénat comprenant plusieurs amendements de législateurs démocrates. La version de la Chambre diffère sensiblement de celle plus restrictive adoptée précédemment par le Sénat. Elle sera donc soumise à un comité de conférence des deux chambres, dont les membres, à huis clos, pourraient supprimer les amendements et réintroduire les éléments plus restrictifs du projet de loi.

Ces mesures restrictives sont une réponse directe à la participation massive des électeurs dans les comtés urbains populeux et démocrates comme le comté de Harris, où se trouve Houston. Les restrictions incluses dans le projet de loi du Sénat précédemment adopté comprennent: la limitation des heures de vote anticipé; l’interdiction du ‘vote au volant’, la réduction du nombre de bureaux de vote; et l’interdiction pour les agents électoraux d’envoyer des bulletins de vote aux électeurs qui n’en ont pas fait la demande auparavant.

Le gouverneur du Texas, Greg Abbott, a salué l’adoption du projet de loi vendredi. Il a écrit sur Twitter que le fait de limiter l’accès et la possibilité de voter pour des millions de personnes garantirait «la confiance dans le résultat de nos élections». Le prétendu zèle d’Abbott pour assurer «la confiance dans les élections» est plein d’hypocrisie, étant donné que le Texas a été le premier État à soutenir les allégations fallacieuses de fraude de Trump. Le Texas a mené la tentative d’annuler l’élection en soutenant le procès de Trump, ce qui aurait supprimé les votes de près de 20 millions de personnes.

En décembre dernier, avant la réunion officielle des membres du collège électoral, le procureur général du Texas, Ken Paxton, avait intenté une action en justice visant à annuler les résultats électoraux de quatre États «champs de bataille» que Biden avait remportés face à Trump: la Géorgie, le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin.

L’action en justice de Paxton fut soutenue par Trump et 18 autres gouvernements d’États dirigés par des républicains. Elle alléguait que le passage au vote par correspondance dans tout le pays, en raison de la propagation incontrôlée du coronavirus (qui a tué plus de 900.000 personnes aux États-Unis), était inconstitutionnel.

Bien que la Cour suprême ait rejeté la plainte, plus de la moitié des membres républicains du Congrès et presque tous les gouvernements des États républicains ont adopté le mensonge que Biden avait été élu par fraude et que Trump était encore le président légitime.

Selon le Centre Brennan pour la justice (Brennan Center for Justice), au 24 mars, des législateurs républicains dans 47 États avaient déposé 361 projets de loi comportant des dispositions restrictives. Cela confirme que même si Trump a perdu l’élection de 2020, la croissance de l’extrême droite au sein du Parti républicain et le passage à des formes de gouvernement dictatorial par des sections importantes de la classe dirigeante n’ont pas diminué et ne font en fait que s’accélérer.

Aux yeux du Parti républicain, ce n’est pas simplement que l’élection a été «volée», mais que trop de gens y ont participé, y compris des immigrants, des étudiants et des minorités. C’est ce qu’a reconnu vendredi l’attachée de presse adjointe de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre. Elle a commenté le projet de loi de Floride en disant: «La seule raison de changer les règles maintenant, c’est si vous n’aimez pas ceux qui ont voté.»

Bien que les représentants de la Maison-Blanche reconnaissent ouvertement le caractère manifestement antidémocratique de la législation proposée, Biden et le reste du Parti démocrate continuent de faire appel aux Républicains pour qu’ils travaillent avec eux. Ainsi, leur objectif est de faire passer un programme de classe bipartite d’«immunité collective» à l’intérieur et de guerre impérialiste à l’étranger.

En Floride, le représentant démocrate et ancien gouverneur républicain Charlie Crist a annoncé la semaine dernière qu’il se présenterait contre DeSantis au poste de gouverneur et a déclaré que le projet de loi soulignait les différences entre eux deux. Il a noté que DeSantis «exclut le public et s’adresse à Fox News» contrairement à lui, qui en tant que gouverneur «invitait tout le monde à participer – démocrates, républicains et indépendants».

Les appels continus de Biden à protéger et à soutenir le Parti républicain ne font que démontrer que la lutte pour les droits démocratiques ne peut être laissée entre les mains des couards démocrates. Ceux-ci ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour camoufler et pour couvrir leurs «collègues républicains», alors même qu’ils cherchent à éliminer les droits démocratiques les plus fondamentaux, y compris le droit de vote des électeurs démocrates.

La véritable attitude du Parti démocrate à l’égard des droits démocratiques s’est manifestée le plus clairement dans ses actions contre les opposants de gauche tout au long de la campagne électorale de 2020. Les gouvernements des États contrôlés par les démocrates ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour bloquer les efforts du Parti de l’égalité socialiste pour placer ses candidats sur le bulletin de vote. Ils ont ainsi privé les électeurs d’un candidat socialiste. Le même traitement a été réservé aux candidats verts dans plusieurs États.

Le virage vers le fascisme et la dictature par la classe dirigeante américaine démontre qu’aucun des acquis des luttes précédentes ne peut être défendu dans le cadre politique actuel. Les travailleurs et les jeunes qui cherchent à garantir les droits démocratiques de tous doivent prendre une décision consciente de classe pour rompre avec les deux partis du grand capital. Ils doivent construire un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière pour lutter pour le socialisme.

(Article paru d’abord en anglais le 8 mai 2021)

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