Israël tue 24 personnes à Gaza et Netanyahou multiplie les provocations à l'occasion de la Journée de Jérusalem

Israël a lancé des frappes aériennes contre Gaza, l’enclave palestinienne assiégée, tuant au moins 24 personnes, dont des enfants.

Des militants avaient auparavant tiré quelques roquettes sur le sud d’Israël et la région de Jérusalem, au cours d’une journée caractérisée par des violences massives contre les Palestiniens de Jérusalem-Est occupée.

L’armée israélienne a annoncé qu’elle avait renforcé ses forces à la frontière avec Gaza et qu’elle suspendait un exercice important pour se préparer à une éventuelle escalade.

Des Palestiniens évacuent un homme blessé lors d'affrontements avec les forces de sécurité israéliennes dans l'enceinte de la mosquée Al-Aqsa, dans la vieille ville de Jérusalem, le lundi 10 mai 2021. (AP Photo/Mahmoud Illean)

Plus tôt dans la matinée, un millier de membres des forces de sécurité ont pris d’assaut le complexe de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem-Est au moment où les fidèles étaient en train de prier. Ils ont tiré des grenades assourdissantes, des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc tandis que des tireurs d’élite prenaient position sur les toits, blessant plus de 330 Palestiniens.

La police a enfermé des centaines de fidèles à l’intérieur de la mosquée, empêché les médecins et les équipes médicales de pénétrer dans l’enceinte et attaqué et battu ceux qui cherchaient à aider les blessés. Ils ont pénétré de force dans le dispensaire du complexe, où ils ont pulvérisé du gaz poivré et lancé des grenades assourdissantes sur les personnes qui recevaient des soins.

La prise d’assaut de la mosquée, troisième site le plus sacré de l’islam, a provoqué des manifestations de colère dans tout le pays, notamment dans la ville arabe d’Umm al-Fahm, dans le nord du pays, et dans la région voisine de Wadi Ara, ainsi qu’à Jaffa, des endroits où des manifestations ont eu lieu la semaine dernière pour protester contre des projets de rachat de maisons qui appartiennent à des Palestiniens pour y installer une yeshiva juive.

Les mesures de répression prises le jour de la fête de Jérusalem – l’anniversaire de l’annexion illégale par Israël de Jérusalem-Est, prise à la Jordanie lors de la guerre de 1967 – en prévision de la marche des drapeaux prévue par les groupes de colons israéliens et les forces d’extrême droite dans les quartiers arabes, étaient une autre provocation destinée à précipiter une guerre avec les Palestiniens.

Il s’agissait de loin de la répression la plus violente au cours des semaines de tensions croissantes et de répression sanglante commises par les forces de sécurité israéliennes depuis le début du ramadan le 12 avril. Au cours des dernières semaines, des protestations ont éclaté contre l’accaparement de terres par les colons israéliens, l’expansion des colonies et l’expulsion prévue de dizaines de Palestiniens à Sheikh Jarrah, au nord de la vieille ville de Jérusalem. L’un des facteurs de l’état explosif des relations sociales est l’impact de la pandémie qui a laissé des milliers de jeunes sans travail.

L’expulsion prévue fait partie du processus plus large du gouvernement qui vise à judaïser la ville, ce qui empêcherait les Palestiniens de créer un jour leur propre mini-État avec une partie de Jérusalem-Est comme capitale. Des législateurs d’extrême droite, dont le président du sionisme religieux, Bezalel Smotrich, et Itamar Ben-Gvir, du Pouvoir juif, ont conduit leurs partisans à travers Sheikh Jarrah, se moquant des Palestiniens et scandant «mort aux Arabes». Smotrich a appelé les partis de droite en pourparlers avec le chef de l’opposition Yair Lapid, qui dirige Yesh Atid et tente de former une coalition pour remplacer Netanyahou, à cesser toute discussion avec Mansour Abbas et sa Liste arabe unie, le dénonçant comme un partisan de la «terreur».

Jeudi soir, plus de 100 Palestiniens ont été blessés et 21 d’entre eux ont dû être hospitalisés, après que des centaines d’Israéliens juifs d’extrême droite ont défilé dans les rues de Jérusalem et ont affronté des Palestiniens. Vendredi soir, plus de 200 Palestiniens ont été blessés, dont 88 ont dû être hospitalisés, après que plusieurs centaines de policiers antiémeute ont pris d’assaut le complexe de la mosquée al-Aqsa, provoquant des affrontements sanglants avec les fidèles. De violents affrontements ont eu lieu à Sheikh Jarrah, où plusieurs centaines de fidèles sont allés manifester leur solidarité avec les résidents.

Samedi soir, 80 personnes ont été blessées, dont un enfant d’un an, lorsque des affrontements ont éclaté à l’extérieur de la vieille ville, tandis que dimanche, 14 personnes ont dû être soignées pour des blessures après que la police antiémeute a attaqué des Palestiniens qui protestaient contre les expulsions de Sheikh Jarrah.

Des manifestations qui ont fait l’objet d’une répression sévère ont également éclaté dans plusieurs villes et villages arabes d’Israël – dans la ville portuaire de Haïfa, dans la ville septentrionale de Nazareth et à Ramallah, en Cisjordanie occupée – contre la répression brutale d’Israël à Jérusalem-Est et en appui aux familles de Sheikh Jarrah.

Les manifestations de ces derniers jours, composées principalement de jeunes Palestiniens, marquent une implication sans précédent des citoyens palestiniens d’Israël dans les protestations antigouvernementales. Il s’agit d’un mouvement spontané, de plus en plus éloigné de ses dirigeants traditionnels: l’Autorité palestinienne dominée par le Fatah, le Hamas à Gaza et les dirigeants arabes en Israël.

Dimanche, rejetant catégoriquement la condamnation internationale des expulsions prévues de Palestiniens de leurs maisons à Sheikh Jarrah, Netanyahou a déclaré qu’Israël «rejette fermement» les pressions exercées pour ne pas construire à Jérusalem. Renversant la vérité, il a proclamé qu’Israël ne permettrait à aucun élément extrémiste – à savoir les Palestiniens – de saper la paix à Jérusalem. Il a dit: «Nous imposerons la loi et l’ordre de manière agressive et responsable. Nous continuerons à sauvegarder la liberté de culte pour toutes les religions, mais nous n’autoriserons pas les émeutes violentes». Il a ajouté: «Je dis aux groupes terroristes: Israël répondra par la force à tout acte d’agression en provenance de la bande de Gaza».

Il a refusé de multiples supplications de personnalités internationales ainsi que de ses propres responsables de la sécurité pour reporter la marche des drapeaux du jour de Jérusalem, limiter le nombre de participants et modifier l’itinéraire, afin de ne pas entrer dans l’enceinte d’al-Aqsa. Le président et le ministre de la Sécurité publique, Amir Ohana, ont insisté pour que la marche se poursuive sans modification de l’itinéraire, la police mettant à disposition des milliers d’agents pour escorter la marche. Netanyahou a défendu les forces de sécurité, saluant leur «lutte juste» et se félicitant de la «fermeté dont font preuve actuellement la police israélienne et nos forces de sécurité».

Lundi après-midi, à peine une heure avant le début de la marche, les organisateurs ont annoncé qu’ils l’annulaient, disant à la police qu’ils lui cédaient la responsabilité, alors même que des milliers de jeunes religieux et ultranationalistes se rassemblaient. Cette annonce est survenue peu après que les autorités, apparemment en réponse à un ordre de Netanyahou, eurent décidé de détourner la marche de la vieille ville, y compris de la porte de Damas et du quartier musulman, à Jérusalem-Est.

C'est à ce moment-là que le Hamas, le groupe affilié aux Frères musulmans qui dirige Gaza, soumis depuis 2007 à un blocus illégal par Israël et, plus récemment, par l'Égypte, a lancé un «ultimatum jusqu'à 18h» à Israël pour qu'il retire ses forces de sécurité de l'enceinte de la mosquée al-Aqsa et de Sheikh Jarrah. À l'expiration de l'ultimatum, l'armée israélienne a activé les sirènes, la Knesset a été évacuée et la Marche des drapeaux s'est dispersée après de tirs de roquettes dans la région de Jérusalem.

Netanyahou a demandé une réunion du cabinet de sécurité nationale en prévision de l’agitation croissante avant l’Aïd al-Fitr qui marque la fin du ramadan le mercredi 12 mai au soir.

(Article paru en anglais le 11 mai 2021)

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