Deux syndicats regroupant des enseignants et autres personnels scolaires du Québec – la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) et la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) – ont utilisé la désinformation et la division pour faire entériner des ententes de trahison par leurs membres.
Le reste des quelque 550.000 travailleurs de l’éducation, de la santé et des services sociaux, dont les conventions sont échues depuis le 31 mars 2020, font maintenant face à d’intenses pressions du gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ), des médias et de leurs propres directions syndicales serviles pour accepter à leur tour des ententes de concessions.
Devant la capitulation éhontée des appareils syndicaux, le premier ministre François Legault maintient la ligne dure sur ses offres pourries, qui comprennent une hausse salariale de 5% sur trois ans – soit une baisse, ou au mieux, un gel des salaires réels. En conférence de presse le 2 mai dernier, au lendemain de la rencontre habituelle et «fraternelle» du premier mai entre chefs syndicaux et représentants du gouvernement, Legault a déclaré qu’il n’y aurait «pas plus d’argent sur la table» pour le secteur public et qu’il voulait que les ententes soient signées d’ici «deux à trois semaines».
Bien que Legault préfère utiliser les services de la bureaucratie syndicale pour imposer ses reculs aux travailleurs, la ministre Sonia LeBel, responsable des «négociations», a déclaré en réponse à une question sur l’utilisation éventuelle d’une loi spéciale qu’«on n’est pas rendus là». C’est un signal non équivoque que le gouvernement est prêt à imposer de nouvelles conventions collectives par décret si les travailleurs refusent ses diktats.
Or, les syndicats n’ont aucune intention de préparer la classe ouvrière à défier les lois spéciales et autres mesures autoritaires et répressives de l’État. Il suffit de regarder la soumission du Syndicat canadien de la fonction publique face à la loi spéciale adoptée le 29 avril dernier par le gouvernement Trudeau – et appuyée par Legault – pour briser la grève des débardeurs du Port de Montréal.
La lutte dans le secteur public est loin d’être terminée. Après des décennies de coupes budgétaires imposées par les gouvernements péquistes et libéraux successifs, les travailleurs sont déterminés à contrer les efforts de l’actuel gouvernement de la CAQ pour intensifier le démantèlement des services publics et l’appauvrissement des travailleurs qui les fournissent.
La colère gronde toujours chez les enseignants, alors qu’une vaste majorité d’entre eux savent pertinemment que les ententes ne changeront rien à leur quotidien et ne réglera pas les vastes problèmes systémiques en éducation.
Si la FAE a réussi à faire entériner son entente de principe à une forte majorité des membres de la base, souvent au-delà de 80%, c’est notamment parce qu’elle a caché son contenu jusqu’à la dernière minute et utilisé ses tactiques bureaucratiques habituelles pour la faire adopter en assemblée générale.
Dans le cas de la FSE-CSQ, les taux de participation dépassaient à peine les 40% dans certaines sections locales, avec des votes autour de 70% en faveur des ententes, ce qui représente plutôt un vote de dépit et de non-confiance. Au moins trois sections locales de la FSE-CSQ, y compris le syndicat enseignant de Lanaudière, ont annoncé que leurs membres avaient rejeté les offres.
Le conflit dans le secteur public prend place dans un contexte de vives tensions de classe, qui sont exacerbées par la pandémie de COVID-19. Non seulement au Québec, mais partout au Canada et internationalement, les travailleurs entrent en conflit avec les élites dirigeantes, qui attaquent leurs acquis et méprisent les vies humaines pour enrichir une infime minorité. Ils entrent aussi en conflit avec les syndicats pro-capitalistes qui étouffent la résistance ouvrière et collaborent pleinement à la campagne meurtrière de retour au travail et de réouverture des écoles.
Au Québec, la gestion criminelle de la pandémie par le gouvernement Legault a causé la contamination de 356.000 personnes et 11.000 décès. À l’échelle du pays, près de 25.000 Canadiens ont perdu la vie inutilement. Des dizaines de milliers travailleurs de l’éducation et de la santé ont attrapé le virus, et 18 en sont morts. À ce rythme, des milliers d’autres travailleurs vont être contaminés et en souffrir, alors que les variants continuent de se propager dans les écoles, les lieux de travail et la communauté.
Malgré la campagne de l’élite dirigeante au Québec pour faire croire que la pandémie est sous contrôle, la troisième vague arrive à un point critique. Comme le démontrent les événements en Inde et en Amérique du Sud, la pandémie continue de faire rage aux quatre coins du globe, y compris au Canada et au Québec. Pendant ce temps, la campagne de vaccination risque d’être gâchée par la politique d’immunité collective des gouvernements, qui laissent le coronavirus se propager sans entraves et développer de nouvelles souches potentiellement résistantes aux vaccins.
Malgré tout, le gouvernement Legault, comme ses homologues provinciaux, est déterminé à maintenir l’économie pleinement «ouverte». Lors du premier confinement en mars 2020, le gouvernement fédéral de Justin Trudeau a fourni des centaines de milliards de dollars en plan de sauvetage aux banques et aux grandes entreprises. Pour repayer ces dettes gargantuesques, la classe dirigeante et ses gouvernements veulent intensifier leur programme d’austérité capitaliste: assaut sur les emplois et les salaires, privatisation des services publics et baisse de l’impôt sur les riches et la grande entreprise. Dans cette logique, les écoles doivent être ouvertes pour que les parents retournent au travail générer des profits pour la grande entreprise.
Les syndicats sont pleinement complices de ces politiques meurtrières. Depuis le début de la pandémie, ils ont tout fait pour renvoyer les travailleurs dans les écoles et les lieux de travail non sécuritaires et étouffer l’opposition ouvrière. La suppression de la lutte de classe par les syndicats démontre comment les chefs syndicaux, qui jouissent de gros salaires, contrôlent des fonds d’investissement de milliards de dollars et siègent sur des comités de gestion avec le patronat et le gouvernement, ont des intérêts financiers directs à faire passer les profits avant les vies humaines en faisant rouler l’économie capitaliste à plein régime.
Tout au long de la lutte du secteur public, les syndicats ont séparé dans les écoles les enseignants des employés de soutien. Ils divisent le personnel scolaire du personnel de la santé. Le fait le plus marquant est que dans toutes ces soi-disant négociations collectives, les syndicats ont refusé de discuter de la sécurité des travailleurs face à la pandémie.
Leur rôle comme police industrielle a été démontré de manière évidente par un récent message envoyé aux enseignants du syndicat de Champlain. Forcés par les centres de services scolaires à faire du télétravail dans le but de saboter une grève du personnel de soutien le 4 mai, des enseignants ont proposé de s’unir pour refuser le travail et soutenir leurs collègues. Le syndicat a répondu que «toutes ces avenues ne sont pas recommandées par le Syndicat. Dans cette éventualité, vous vous exposeriez à de sérieuses mesures disciplinaires».
Les travailleurs du secteur public doivent défoncer le mur de division érigé par la bureaucratie syndicale et lancer un puissant appel à l’unité de tous les travailleurs du secteur public et du secteur privé – au Québec et dans tout le Canada – pour une véritable politique d’éradication de la COVID-19 et pour la défense des salaires, des conditions de travail et des services publics de tous.
Les débardeurs, les travailleurs de la construction, des usines, des transports, de la logistique et bien d’autres font tous face aux mêmes attaques patronales sur leurs conditions de vie. Ainsi, la lutte du secteur public doit se transformer en un vaste mouvement d’opposition de toute la classe ouvrière contre l’austérité capitaliste, les lois spéciales anti-démocratiques et la réponse catastrophique de l’élite dirigeante face à la pandémie. La classe ouvrière fait face non seulement au gouvernement Legault, mais à la brutale politique d’austérité capitaliste de toute l’élite dirigeante. Cela soulève la nécessité d’une mobilisation politique indépendante des travailleurs dans la lutte pour un gouvernement ouvrier et l’égalité sociale.
Pour aller de l’avant, les travailleurs du secteur public doivent prendre le contrôle de leur lutte des mains des syndicats et bâtir dès maintenant des comités de la base, indépendants de ces appareils sclérosés. Au même moment où ils luttent pour améliorer leurs niveaux de vie, les travailleurs doivent lutter pour la fermeture des écoles et de la production non essentielle avec plein salaire pour tous, jusqu’à ce que la pandémie soit réellement maîtrisée.
C’est dans cette perspective que le Comité international de la Quatrième Internationale appelle à la création d’une Alliance ouvrière internationale des Comités de base (IWA-RFC), qui «travaillera à développer un cadre à l'échelle internationale pour de nouvelles formes d'organisations de base indépendantes, démocratiques et militantes de travailleurs dans les usines, les écoles et les lieux de travail. La classe ouvrière est prête à lutter. Mais elle est entravée par des organisations bureaucratiques réactionnaires qui suppriment toute expression de résistance.»
Nous appelons les travailleurs du secteur public qui veulent contrer les efforts conjoints du gouvernement Legault et des centrales syndicales pro-capitalistes pour imposer partout de nouvelles ententes de trahison à nous contacter afin d’entreprendre ensemble la formation de ces comités de lutte.