Israël mène une guerre contre Gaza et ses propres villes

Israël a intensifié son assaut sur Gaza vendredi matin, déployant 160 avions de guerre ainsi que des chars et de l’artillerie massés à la frontière et tirant environ 450 missiles et obus. Cette puissance de feu massive a contraint les habitants du nord de Gaza à fuir leurs maisons et à se réfugier dans la ville de Gaza.

De la fumée s’élève suite à des frappes aériennes israéliennes sur un bâtiment dans la ville de Gaza, le vendredi 14 mai 2021. (AP Photo/Hatem Moussa)

Selon les Forces de défense israéliennes (FDI), ces frappes visaient plus de 150 cibles souterraines, dont un réseau de tunnels, dans le nord de Gaza. Elles faisaient suite à des frappes aériennes sur le Hamas, le Jihad islamique et d’autres cibles dans la bande de Gaza – au moins 800 au cours des cinq derniers jours – qui ont démoli cinq tours qui abritent le quartier général, des commandements régionaux et des commandants supérieurs du Hamas. Les FDI affirment avoir largement anéanti les sites de production d’armes du Hamas et du Jihad islamique.

L’attaque massive d’Israël contre un peuple essentiellement sans défense a porté le nombre de morts à 122, dont 27 enfants, et le nombre de blessés à 830, selon le ministère de la Santé de Gaza. Pour la seule journée de jeudi, 49 Palestiniens ont été tués.

Neuf personnes ont été tuées en Israël, dont un enfant et un soldat, ce qui met en évidence l’énorme disparité de puissance de feu entre les Palestiniens et l’armement de haute technologie d’Israël. Sur les 1.700 missiles primitifs lancés depuis Gaza, la plupart tombent à l’intérieur de Gaza ou sont interceptés par le système de défense aérienne actif en permanence, le Dôme de fer, d’Israël.

Selon les Nations unies, les frappes aériennes ont détruit ou gravement endommagé plus de 200 maisons et 24 écoles au cours des cinq derniers jours, tandis que les dommages causés aux réseaux de canalisations et les coupures de courant menacent l’accès déjà limité à l’eau potable et à l’électricité.

Le premier ministre Benjamin Netanyahou a tweeté: «On n’a pas dit notre dernier mot, et cette opération se poursuivra aussi longtemps que nécessaire». Tsahal a élaboré des plans pour une invasion terrestre de Gaza, disant à ses forces de «se préparer au combat» et a appelé 16.000 réservistes tout en annulant les congés de toutes les unités de combat.

Israël a connu des niveaux sans précédent de violence communautaire dans le pays. Les alliés d’extrême droite de Netanyahou – dont Lehava, des hooligans racistes connus sous le nom de La Familia, le Pouvoir juif et des groupes de colons d’extrême droite – se sont déchaînés dans les quartiers palestiniens. Ils ont provoqué de violentes confrontations qui risquent de se transformer en guerre civile.

Des images télévisées et des clips vidéos diffusés sur les médias sociaux ont capturé des scènes terrifiantes de foules de lyncheurs juifs vandalisant et brûlant des magasins et des voitures, intimidant et frappant des Palestiniens, ainsi que des attaques à l’arme blanche, des attaques contre des maisons, des fusillades et des émeutes. La police a laissé ces voyous nationalistes se déchaîner à Jérusalem, Lod, Ramle, Nasariya, Tibériade, Beersheba, Haïfa et d’autres villes et villages.

Certaines des pires violences ont eu lieu à Lod, une ville à population mixte de 80.000 habitants, où un Palestinien a été assassiné lundi. La libération de trois hommes soupçonnés d’avoir commis ce meurtre a rendu les Palestiniens encore plus furieux, entraînant des émeutes et des affrontements violents. Mercredi soir, les autorités ont déclaré l’état d’urgence dans la ville, imposé un couvre-feu nocturne et fait venir des agents armés de la police des frontières de Cisjordanie occupée. Ces mesures n’ont pas permis d’endiguer la violence et ont conduit à l’agression à l’arme blanche d’un homme juif jeudi matin.

S’exprimant tard dans la nuit de jeudi à vendredi à Lod, Netanyahou a déclaré: «Nous sommes confrontés à une campagne sur deux fronts: à Gaza [et] dans les villes d’Israël».

Il a promis que les services de sécurité auraient toute latitude pour utiliser la force afin de réprimer les émeutes au pays et leur a dit de ne pas s’inquiéter des «commissions d’enquête, des investigations et des contrôles… Pour réprimer les émeutiers, il faut utiliser la force, beaucoup de force».

Netanyahou a lancé la salve d’ouverture d’une nouvelle opération de nettoyage ethnique comme celle de 1947 à 1949. Il a déclaré qu’il envisageait de recourir à la détention administrative – couramment utilisée en Cisjordanie occupée pour détenir des Palestiniens pendant de longues périodes sans inculpation ni accès à un avocat – et de déployer l’armée pour maintenir l’ordre. Il a ajouté: «Les renseignements dont nous disposons indiquent qu’il se pourrait très bien que nous ayons une recrudescence de la violence ici dans les prochains jours».

La police israélienne a arrêté Kamal al-Khatib, vice-président du Mouvement islamique en Israël, après avoir pris d’assaut sa maison en Galilée suite à la répression des manifestants dans le nord d’Israël. L’arrestation d’Al-Khatib est survenue après que des Palestiniens eurent signalé que d’éminents militants avaient reçu des messages menaçants de la part d’agents des services de renseignement israéliens. Al-Khatib était l’un d’entre eux. Son fils a déclaré: «De nombreuses personnes ont reçu un SMS, y compris des manifestants influents, leur disant que leur présence avait été enregistrée à al-Aqsa et qu’ils auraient à rendre des comptes». Cela semble probable que les services de sécurité utilisaient un système GPS, développé comme un système de suivi et de localisation pour contrôler la pandémie, pour suivre et intimider ceux qui se trouvaient dans le complexe.

Cette affaire survient alors que des groupes de défense des droits et des militants s’inquiètent du fait que les plateformes de médias sociaux Instagram, Facebook et Twitter réduisent au silence les voix palestiniennes, après que plusieurs messages faisant état de tensions accrues à Sheikh Jarrah ont été supprimés et plusieurs comptes suspendus. Bien qu’Instagram ait affirmé qu’il s’agissait d’un problème technique généralisé, Mona Shtaya, un responsable chez 7amleh – une organisation qui se concentre sur les droits numériques des Palestiniens – a déclaré au site «Middle East Eye» qu’il y avait un effort systématique pour supprimer le contenu palestinien sur les médias sociaux. Elle a déclaré que le nombre de demandes de l’unité cybernétique israélienne aux entreprises de médias sociaux pour faire taire les Palestiniens avait augmenté chaque année. Elle a ajouté: «En 2019, Israël a fait 19.606 demandes de l’unité cybernétique aux entreprises de médias sociaux concernant des suppressions de contenu».

L’escalade de la guerre contre Gaza a déclenché des manifestations de colère en Cisjordanie, où les soldats de Tsahal ont tué au moins 10 Palestiniens. Certains ont été tués lors de violents affrontements avec les forces de sécurité, tandis que d’autres ont été abattus tout simplement parce qu’on les soupçonnait de «terrorisme». Jeudi, les soldats des FDI ont tué deux Palestiniens par balle et en ont blessé 150 autres lors d’affrontements avec les forces de sécurité dans les villes de Cisjordanie, selon le ministère de la Santé à Ramallah.

Des incidents ont également eu lieu aux frontières jordanienne et libanaise. Israël a affirmé que ses chars ont tiré des coups de semonce en direction des émeutiers, dont certains brandissaient des drapeaux du Hezbollah, qui ont traversé en Israël. Le Liban a confirmé que les FDI avaient tué un des manifestants qui tenait un drapeau palestinien et en avaient blessé un autre. Cela fait suite au tir de trois roquettes Grad depuis le Liban qui sont tombées dans la mer sans rien toucher, soulignant le risque d’ouverture d’un autre front.

Des milliers de Jordaniens se sont rendus en voiture et en bus à la frontière jordanienne avec Israël dans une manifestation de solidarité avec les Palestiniens qui était bien plus importante que celles observées lors des trois guerres d’Israël contre Gaza. Ils ont appelé le gouvernement jordanien à ouvrir la frontière, dont la sécurité a été renforcée depuis les attaques contre les fidèles dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa pendant le ramadan. La police antiémeute a bloqué leur chemin avant qu’ils ne puissent atteindre la frontière. Les Jordaniens manifestent également depuis plusieurs jours près de l’ambassade d’Israël à Amman dans le cadre de l’une des plus grandes manifestations de la région, appelant le gouvernement à abroger le traité de paix avec Israël, à fermer l’ambassade d’Israël et à mettre fin à l’accord sur le gaz conclu avec ce pays.

Les actions d’Israël ont provoqué l’opposition des Israéliens juifs. Des centaines de Juifs ont rejoint les Palestiniens dans des manifestations à Jérusalem et dans les villes voisines contre les menaces d’expulsion à Sheikh Jarrah, la violence israélienne et l’occupation continue des territoires palestiniens. Ils appellent à un cessez-le-feu immédiat.

Des manifestations contre la guerre d’Israël contre Gaza ont eu lieu dans le monde entier et une journée internationale de protestation en faveur des Palestiniens est prévue aujourd’hui, samedi. Cela a évidemment rendu certains pays nerveux. Gérald Darmanin, le ministre français de l’Intérieur, a donné l’ordre à la police d’interdire la manifestation à Paris et la police allemande essaie de qualifier la manifestation d’antisémite. À Nairobi, la capitale kenyane, la police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser une manifestation qui exprimait sa solidarité avec les Palestiniens et a procédé à des arrestations.

(Article paru en anglais le 15 mai 2021)

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