Les puissances de l’UE soutiennent la guerre d’Israël contre Gaza et interdisent les manifestations anti-guerre

Les gouvernements de l’Union européenne (UE) soutiennent le bombardement israélien de la bande de Gaza. Dans une nouvelle attaque contre les droits démocratiques fondamentaux, ils interdisent les manifestations pacifiques en faveur des Palestiniens dans les villes européennes, s’aidant de la calomnie que les participants sont de violents antisémites.

Une manifestation devant le consulat israélien à Istanbul, en Turquie, le 11 mai 2021 [Source: IHH via AP].

Les combats, intensifiés depuis que la police antiémeute israélienne s’est déchaînée dans la mosquée Al-Aqsa le week-end dernier sont un massacre unilatéral. L’armée israélienne bombarde la bande de Gaza et se vante d’avoir assassiné des commandants militaires palestiniens, qui n’ont pour répliquer que quelques fusées grossières. A la date de vendredi, plus de 126 Palestiniens avaient été tués, ainsi que six Israéliens et un ressortissant indien. Dix Palestiniens ont également été tués vendredi par les forces israéliennes en Cisjordanie. Les États de l’UE se rangent pourtant derrière le gouvernement israélien et dénoncent les Palestiniens.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a donné le ton en se déclarant «préoccupée» sur Twitter. Elle a ensuite soutenu la position israélienne contre la bande de Gaza, écrivant: «Je condamne les attaques aveugles du Hamas contre Israël. Les civils de tous les côtés doivent être protégés. La violence doit cesser maintenant.» Des remarques similaires sont venues de Berlin et de Paris.

Steffen Seibert, le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, a dénoncé des «attaques terroristes» palestiniennes et salué le «droit à la légitime défense» d’Israël. La présidence française à Paris a elle aussi publié un communiqué hier disant que le président Emmanuel Macron avait appelé le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. «Il a présenté ses condoléances pour les victimes des tirs du Hamas et d’autres groupes terroristes qu’il a à nouveau fermement condamnés. Et à l’occasion de l’anniversaire de la création d’Israël, le président a souligné son soutien indéfectible à la sécurité d’Israël et à son droit à l’autodéfense».

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas (SPD), a imputé la responsabilité du conflit au Hamas et demandé l’interdiction des manifestations en défense de la bande de Gaza. «Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Hamas a provoqué sans raison la dernière escalade, en tirant plus de mille roquettes sur les villes israéliennes», a-t-il déclaré au journal Bild. Il a ajouté que les manifestations pro-palestiniennes devaient être interdites «si l’on peut s’attendre à y voir des actes criminels.»

Les puissances de l’UE soutiennent l’agression israélienne tout en sachant qu’elle pourrait déclencher une guerre plus large.

Le 12 mai, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré au Sénat qu’il était «très préoccupé par la gravité de la situation au Proche-Orient». Israël a bombardé la Syrie à plusieurs reprises cette année, ciblant à la fois le gouvernement syrien et les forces iraniennes et Drian a fait remarquer le danger qu’une guerre régionale puisse éclater: «La spirale de violence en cours à Gaza, à Jérusalem, en Cisjordanie et dans plusieurs villes israéliennes menace de provoquer une escalade majeure. En moins de 15 ans, la bande de Gaza a connu trois guerres sanglantes. On doit tout faire pour éviter une quatrième».

Le Drian s’est néanmoins prononcé en faveur de l’agression israélienne: «La France condamne avec la plus grande fermeté les tirs de roquettes et de missiles provenant de la bande de Gaza et visant Jérusalem et plusieurs zones habitées du territoire israélien, dont Tel-Aviv».

Sans condamner le bombardement bien plus important de la bande de Gaza par Israël, Le Drian a cyniquement tenté d’adopter une position impartiale. Condamnant la relocalisation forcée des Palestiniens de Jérusalem-Est par Israël, il s’est engagé à travailler avec des responsables allemands, égyptiens et jordaniens pour «relancer le dialogue entre les parties en conflit afin de parvenir à un règlement juste et durable du conflit». Il a également demandé que le droit de manifester soit respecté en Israël.

La politique menée par les gouvernements de l’UE chez eux démasque l’hypocrisie des déclarations de Le Drian sur les droits démocratiques au Moyen-Orient. Devant la colère croissante de la classe ouvrière face aux brutalités policières, aux inégalités sociales et au plus d’un million de morts causés par la politique de négligence maligne de l’UE favorisant la circulation du virus COVID-19, les gouvernements européens interdisent ou menacent d’interdire les manifestations contre la guerre.

Jeudi, le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a interdit la manifestation pro-Gaza prévue samedi à Paris. Il a tweeté: «J’ai demandé au préfet de police d’interdire samedi les manifestations liées aux récentes tensions au Proche-Orient». Il a ajouté que dans toute la France, «consigne a été donnée aux préfets d’être particulièrement vigilants et fermes.» Il a demandé aux préfets de police de France de «mobiliser les services de renseignement [pour] assurer le suivi de ces mouvements» et «anticiper les risques de débordement».

La seule justification donnée par Darmanin pour cette attaque drastique des libertés civiles est qu’il y a sept ans, des violences avaient eu lieu lors d’une manifestation pro-palestinienne à Paris contre la guerre israélienne de 2014 sur Gaza.

L’Association des Palestiniens d’Île-de-France, qui organisait la manifestation parisienne, a condamné l’interdiction de Darmanin. Son porte-parole, Walid Atallah, a déclaré: «En interdisant cette manifestation, la France montre sa complicité avec l’État d’Israël, qui veut interdire toute manifestation de soutien aux droits des Palestiniens, qui subissent l’occupation, la colonisation et les bombardements».

Le tribunal administratif de Paris a rejeté un premier appel de l’association contre l’interdiction de Darmanin, qui a fait appel au Conseil d’État français. Il a néanmoins maintenu l’appel à la manifestation, notant que «trop de manifestants ont prévu de faire le déplacement pour s’exprimer».

Les autorités de la ville de Francfort ont interdit un rassemblement dans le centre-ville de plusieurs organisations pro-palestiniennes hier après-midi. La raison invoquée était que des actes criminels commis par les manifestants pouvaient mettre en danger la sécurité publique. Le responsable municipal Markus Frank (CDU) a accusé les organisateurs de lancer des «appels antisémites».

De telles accusations d’antisémitisme servent à supprimer toute protestation contre les actions meurtrières d’Israël.

Avant la manifestation, en fait, les organisateurs se sont élevés à maintes reprises contre l’antisémitisme, en particulier après que quelques dizaines de personnes eurent scandé des slogans antisémites devant une synagogue à Gelsenkirchen. Une déclaration publiée jeudi par le groupe «Palestine Speaks» affirmait: «Si vous détestez les Juifs, vous n’avez rien à faire ici.» Le tract officiel de la manifestation de Francfort appelait tout le monde à faire preuve de «solidarité contre l’expulsion; contre le vol des terres; contre le nettoyage ethnique; contre la Nakba [Grande catastrophe] en cours; et pour le droit au retour et pour une société ouverte pour TOUS».

Les politiciens et médias européens n’en dénoncent pas moins comme antisémite toute protestation contre la politique de guerre d’Israël. Mais la critique des actions brutales du gouvernement droitier de Netanyahu n’a rien à voir avec l’antisémitisme. C’est au contraire l’affirmation que le bombardement terroriste d’une population largement sans défense est une manifestation du judaïsme qui est un argument antisémite.

Rien ne pourrait rendre plus claire la nature réactionnaire de la campagne de propagande officielle que le fait qu’elle est menée en Allemagne par le parti d’extrême droite AfD (Alternative pour l’Allemagne), dont les membres glorifient la Wehrmacht nazie et font de l’agitation contre le mémorial de l’Holocauste à Berlin.

Ce ne sont pas les manifestants anti-guerre, mais les gouvernements de l’UE qui encouragent l’antisémitisme. Non seulement ils courtisent l’extrême droite dans toute l’Europe, mais ils collaborent aussi avec des forces ouvertement antisémites pour poursuivre leurs objectifs politiques. Ce fut notamment le cas lors du coup d’État d’extrême droite en Ukraine en 2014, lorsque le ministre des Affaires étrangères allemand de l’époque, l’actuel président Frank-Walter Steinmeier, a rencontré le chef du parti fasciste Svoboda, l’antisémite notoire Oleh Tyahnybok, à l’ambassade d’Allemagne à Kiev.

Quant au ministre français de l’Intérieur, Darmanin, c’est un sympathisant de l’Action française d’extrême droite qui a déclaré qu’il n’aimait pas voir des aliments casher dans les supermarchés français.

La réponse des gouvernements de l’UE à l’assaut israélien sur Gaza et leur interdiction de manifestations publiques légitimes, constitue un sérieux avertissement politique. Pour faire avancer leurs intérêts dans leur pays comme à l’étranger, ils s’appuient de plus en plus sur la guerre et la dictature, avec une indifférence fasciste envers la vie humaine. La guerre ne peut être arrêtée qu’en mobilisant l’énorme opposition existant parmi les travailleurs et les jeunes en Europe, dans les pays arabes et en Israël même, sur la base d’un programme socialiste et internationaliste.

(Article paru d’abord en anglais le 15 mai 2021)

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